SHANTAE: HALF-GENIE HERO
Windows, Wii U, Xbox One, PlayStation 4, Vita
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1
Développeur : WayForward
Éditeur : WayForward
Date de sortie : 21/12/2016
Prix : 19,99 €
Site Officiel : https://wayforward.com/games/shantae-half-genie-hero/
(testé sur Vita)
« Shantae », ça se prononce comme « Chanter » ou « Chantez ». Pourquoi je vous précise ça ? Ben parce que depuis le temps que je chronique cette saga, j’ai tout entendu : « Chantahé » (NdR : je plaide coupable), « Chantay », « Chanti ». Donc pour que cette chronique débute sous de bons auspices, échauffez quelques minutes vos yeux et votre cerveau à lire « Shantae », « Chantez »… Voilà, vous êtes prêts à vous lancer !
RET-2-GO
Voilà donc que nous attaquons cette aventure animée par la devise de notre héroïne à 100%, laquelle signifie – et je le précise parce que c’est une blague que WayForward traine dans tous ses jeux et qui laisse souvent les joueurs circonspects (merci d’ailleurs à Guillaume pour la précision) – « ready to go ». Donc c’est parti, mais pour un retour en arrière ! En effet, cet épisode nommé ½ Genie Hero est le quatrième de la saga, débutée en 2002 sur Game Boy Color « à une époque où la GBA était déjà disponible », c’est-à-dire que malgré ses qualités phénoménales pour un titre de la vieillissante portable, il est assez largement passé sous les radars. Pourtant, WayForward, des développeurs connus par ailleurs pour un incommensurable amour du pixel – et de Konami, mais ça je ne vous en dis rien, je risquerais de rapidement devenir grossier – et des remakes/reboots/épisodes hommages (Duck Tales Remastered, Double Dragon Neon, Contra 4 – oui, oui, un épisode canonique, vous avez bien lu), n’ont jamais abandonné cette saga qui n’appartient pour le coup qu’à eux et eux seuls. En quatorze ans, nous avons donc eu quatre épisodes, dont les trois premiers, Shantae, Shantae: Risky’s Revenge et Shantae and The Pirate’s Curse, avaient la particularité de se suivre scrupuleusement d’un point de vue chronologique et scénaristique. ½ Genie Hero, pour sa part, vient briser les tribulations des pouvoirs mêmes de Shantae qui en gagne, en perd, en obtient d’autres mais se balade toujours sur la corde raide de la magie des génies. Magie qui a tout de même œuvré au financement de cet épisode qui, rappelons-le, est à la base le fruit d’un campagne Kickstarter réussie avec brio, malgré une sortie reportée de plus de deux ans ; au lancement de celle-ci, le jeu était prévu pour octobre 2014 et le troisième épisode sur 3DS n’était alors même pas encore sorti !
Le jeu se joue pas mal de cet état si particulier de « gaiden », d’histoire parallèle, d’anomalie, avec des personnages, les mêmes depuis le début de la saga, qui se demandent s’ils sont dans un soft reboot, un hard reboot, un remake ou un remaster. Car voilà bien une chose que Shantae n’a pas perdu dans cette gaiden, c’est l’amitié de personnages tous plus fêlés les uns que les autres qui, à la manière d’un Deadpool, sont conscients d’être plus que des prétextes à des quêtes, des boss de mi-niveaux ou des bugs de la matrice. Malgré la rupture du continuum espace-temps, les personnalités de chacun sont préservées et développées, sauf pour la Némésis de Shantae, Risky Boot, laquelle surfe moins sur le statut de BFF malgré elle des épisodes précédents. Bref, si Shantae vous faisait rire, elle continuera dans ce 4e épisode.
Vous Shantae ? Eh bien dansez maintenant !
Ok, je reconnais que c’est un peu l’intertitre de l’angoisse, la tarte à la crème du test JV, mais l’occasion était trop belle, je m’en serais voulu de ne pas vous parler de la base du pouvoir de Shantae en ces termes. En effet, si la magie provient parfois de gestes ou de paroles, comme « Abracadabra », « Shazam » ou « Moi Président », chez Shantae, les arcanes ancestraux sont titillés par les mouvements de bassin de notre héroïne que la danse dote de diverses transformations. Que ce soit en singe (pour sauter haut et loin comme dans Psycho Fox), en éléphant ou en blobfish, Shantae a le pouvoir de muter pour s’adapter aux nécessités de la progression à l’intérieur des niveaux. Vous l’aurez compris, Shantae est un jeu de plate-forme/aventure. Mais d’une veine si particulière que je rechigne carrément à parler de Metroidvania. En effet, si le deuxième épisode disposait d’un monde cohérent et d’un seul bloc, avec des limitations temporaires le temps d’acquérir de nouvelles clefs (aka des items et capacités actives/passives), celui-ci, de manière encore plus restrictive que le précédent, se base sur une structure en mondes avec carrément un grand « WORLD CLEAR » une fois le boss vaincu. Pire, il n’y a pas de double saut !!!!!!!!!! Vous imaginez un Metroidvania sans double saut ? Eh bien Shantae ½ Genie Hero l’a fait. Néanmoins, pour pallier cela, les transformations permettent de reparcourir les (trop rares) niveaux de façon vraiment différentes. Néanmoins, même si vous vous extasierez devant le côté malin croquant de cet élément de décor lambda qui devient un nouvel élément à parcourir avec la transformation qui va bien, à la longue vous finirez dans tous les cas à en avoir un peu marre de tabasser les mêmes ennemis rapidement faibles – oui, le niveau des cascades, c’est de toi que je parle ! D’autant plus qu’il y a un véritable déséquilibre dans la richesse des différents niveaux ; les fameuses cascades, vous allez les voir très souvent, à tous les niveaux de développement de Shantae. Mais le niveau de la course de tapis volant, vers la magie des nuits d’Orient, peut-être vous rappellerez-vous qu’il existe une fois certaines transformations un peu craquées obtenues. D’ailleurs les transformations, parlons-en deux minutes ; en effet, elles sont rapides, très sympathiques, mais certaines honteusement sous-exploitées. Elles servent en de rares occasions, précises et imposées et n’offrent pas toujours la liberté de reparcourir un niveau de façon différente. Le problème est assez simple en fait, la modification apportée à la manière de jouer/envisager le niveau ne peut pas s’exprimer comme il faudrait ; le level design n’embrasse pas les enrichissements de gameplay. Et c’est parfois très frustrant.
Et ça s’explique aussi aisément par le fait que le jeu ait été kickstarté. Des niveaux et des transformations ont été ajoutés comme stretch goals, comme des cerises sur le McDo ou des cheveux dans le tiramisu, c’est selon. Faisaient-ils vraiment partie du projet de départ ? Aurait-on eu des niveaux où l’araignée aurait pu s’exprimer à merveille si tu avais donné plus, kickstarteur hypocrite, mon semblable, mon frère ? On ne le saura probablement jamais, même si des DLC sont déjà prévus (et gratuits pour les gens qui ont déjà mis la main à la poche lors de la campagne). Ajoutons à cela que le jeu est quand même globalement trop facile. Avant même d’avoir les transformations craquées ou d’avoir acheté tous les upgrades de votre chevelure – votre arme principale je vous le rappelle – les ennemis vous enlèvent vraiment très peu d’énergie à chaque coup. En outre, les boss, après les deux premiers qui offraient de belles promesses en termes stratégiques, même s’ils demandent de trouver la faille dans leurs séquences d’attaque, finissent toujours par pouvoir se battre aisément tant que vous avez des potions, tant que vous pouvez grappiller des coups par petites séquences. Au final, c’est plus votre patience, voire votre résilience, qui est récompensée que vos compétences techniques et stratégiques (NdR : exactement comme ceux de Duck Tales Remastered, artificiellement plus résistants que dans l’original). Et ça, quand on a parcouru les épisodes précédents, c’est encore plus dommage…
Je n’abandonnerai pas, jusqu’à la victoire je me défendrai
Au milieu de ces reproches qui vous paraissent sans doute un peu acerbes, et qui relèvent quand même de la nature même du projet plus que de ma simple expérience de joueur, il y a un compartiment du jeu dans lequel WayForward a tout piqué au thème actuel de Bobby Roode. La partie graphique dans son ensemble (sprites, animations, effets 3D dans un jeu en 2D) est tout simplement glorieuse. Certes, le jeu abandonne le pixel art, ce qui peut déplaire, mais pas le pixel lui-même. Et ces pixels, si minuscules en HD, composent des personnages et des décors d’une finesse extrême ; que ce soit Shantae elle-même quand vous la laissez sans rien faire, ou les différents guignols de Scuttle Town qui vous donneront diverses indications pour progresser dans le jeu, tous bénéficient d’un soin extrême leur permettant des mimiques drôles voire craquantes. Il faut dire que les développeurs ont réuni autour d’eux une équipe de valeur avec l’animatrice principale du jeu de baston Skull Girls et Inti Creates, développeurs et illustrateurs bien connus pour la résurrection des Mega Man tout court par exemple, des professionnels dont la maitrise du pixel, en plus de leur simple amour, n’est plus à prouver. Ainsi, lors de mon premier combat contre le deuxième boss, j’ai tout simplement fait pause pour m’extasier quelques secondes. Et pour quelqu’un qui regarde les jeux plus avec ses pouces qu’avec ses yeux, c’est beaucoup ! Alors que beaucoup d’éléments du jeu (cf. les paragraphes au-dessus) souffrent d’une absence de constance et d’équilibre, la partie graphique est vraiment de très haute volée et rarement prise en en défaut. J’ai bien eu 2-3 plantages et des micro-ralentissements mais rien qui ne gâche vraiment l’expérience de jeu. La partie sonore signée Jake « virt » Kaufman, qui officie depuis l’origine sur la série, est aussi à la fête. Peut-être qu’un doublage anglais intégral aurait rajouté de la joie dans nos cœurs, mais c’était pour un stretch goal qui n’a pas été atteint.
Enfin, puisque nous sommes dans les textes, parlons de la traduction française. Je n’ai pas fait attention dans les crédits de fin, mais il me semble que le traducteur s’appelait Google Trad ; alors que je galérais à comprendre le sens d’une discussion entre Shantae et son oncle à la recherche d’un bidule quelconque, qui sera le prétexte à vous envoyer à la cascade (au hasard), je me suis demandé s’ils n’étaient pas allés un peu loin dans le non-sens au niveau de l’histoire. Sauf que ce n’était pas voulu à la base ! Juste après cette discussion, j’ai mis pause et là, dans le menu un terme a retenu mon attention : « Dépouilles ». Dépouilles ? Mais qu’est-ce que quoi de hein ? Parcourant ce menu, je retrouve les upgrades passives de mon personnage et là, stupeur. Je m’aperçois qu’il s’agit exactement du même menu de « relics » qu’on peut trouver dans tous les Castlevania depuis Symphony of the Night. « Relics » a été traduit par « Dépouilles ». Du coup, j’ai compris que non, The Mighty Boosh (NdR : des comiques britanniques) n’était pas aux commandes du scénario, c’était Google Trad aux commandes de la VF du jeu. Passage de la Vita en anglais et hop, on peut enfin profiter de la vraie histoire absurde et pleine de bons mots !
Alors au final Bertrand Renard, quel compte fait-on sur ce Shantae ½ Genie Hero (ce « ½ » est très important, c’est un hommage à Ranma du même nombre) ? Eh bien malgré le back-tracking parfois de l’enfer et des frustrations de fan de Metroidvania exigeant, le temps de la partie (sept heures au premier run pour le faire à 100%, sachant que je suis un vétéran de la série), je me suis laissé aller à la déconne de l’ensemble avec plaisir. Comme la campagne Kickstarter et la communication à l’issue de celle-ci ont été relativement bien menées, je savais précisément à quoi m’attendre et j’ai été plutôt conquis. Même si bien entendu, plusieurs points m’ont frustré mais ont surtout posé la question des jeux kickstartés ; quand il s’agit d’une suite ou d’un remake, ou d’un jeu lié à une série ou bien un créateur avec une identité ludique forte – coucou Bloodstained, on se voit avant 2037 ou pas ? – peut-on vraiment s’attendre à autre chose qu’un maxi best-of ? Et d’ailleurs même si on sait à quoi s’attendre, comment ne pas espérer un supplément d’âme ? Peut-être qu’en éternel rêveur j’en attendais un peu trop, alors que le fan de plateforme ou le joueur connaissant moins la saga saura y trouver son compte largement.
Doté d’une partie technique et artistique irréprochable, glorieuse en HD par moment, Shantae ½ Genie Hero nous rappelle ces underdogs heureux du jeu de plateformes 16 bits, avec un « je ne sais quoi » terriblement attachant. Pour autant, si le cœur y est, si WayForward a soigné la présentation du plat, ils ont parfois un peu caché des soucis de fond sous une découpe rigolote des aliments. Si vous étiez du genre à manger les œufs chez Mamie parce qu’elle avait fait une bouche dans l’assiette, vous saurez vous repaitre de Shantae ½ Genie Hero. Si dans le fond vous saviez que ça restait un œuf et que malgré les efforts, ça passerait difficilement, vous resterez peut-être à quai…
Verdict : Doté d’une réalisation glorieuse, ce très sympathique épisode souffre tout de même d’un manque d’attention aux détails du level design et du système de transformations.