TEST : Aggelos

Aggelos (Windows)AGGELOS
Windows
Catégorie : action/plateformes
Joueurs : 1
Développeur : Wonderboy Bobi/Storybird Games
Éditeur : PQube Limited/Look At My Game
Date de sortie : 19/06/2018
Prix : 12,49 €
Site Officiel : http://pqube.co.uk/aggelos/
(testé sur PC, copie fournie par Storybird Games)

Zankoku na tenshi no tēze

Robert Charlebois, dans Les Ailes d’un Ange, prétendait que s’il avait les ailes d’un ange, il partirait pour Québec et bien d’autres choses. Mais l’idée était surtout de présenter un «Hells Angel à pied » qui « roule à bille sur du papier ». Une image de dur mais néanmoins tendre, ou alors juste une personne qui a une vision incroyablement épique de ses pratiques du quotidien. Eh bien Aggelos, en plus de vouloir dire « Ange » (l’entité asexuée à ailes, pas le groupe français de prog rock) en grec, c’est quand même aussi pas mal ça !

Garçon merveilleux, quel est le secret de ton pouvoir ?

Comme vous le savez, puisque vous êtes tous des lectrices et des lecteurs über assidus du Mag, Aggelos est le troisième hommage français à la saga de « jeux d’action/plateformes non nécessairement linéaires mais quand même pas mal plus que Metroid » : Wonder Boy. Saga qu’on aime beaucoup au Mag et dans l’équipe des podcasts, la longue émission sur le sujet faisant foi. Après un remake de The Dragon’s Trap cinq étoiles (ou six selon Dave Meltzer – voire sept, NdR) par LizardCube et en attendant la vraie suite Monster Boy par Game Atelier, il s’agit d’un hommage de joueur. En effet, quand on a demandé à François – qui a quasiment tout fait tout seul sur le jeu, les crédits en attestent ! – pourquoi Aggelos était un hommage à Wonder Boy, il nous avait répondu en substance qu’il avait voulu faire un jeu qui lui aurait plu, et il a pris la forme d’un Wonder Boy. Et c’est d’une évidence absolue dès les cinq premières minutes de jeu ; je suis un héros blond dans ma maison, je sors de ma maison et oh surprise, le monde dans lequel je vis est en danger. Vite, vite, garçon merveilleux, toi qui es l’élu, va combattre ton ennemi, il est moins vaillant que toi… Attendez, non, là c’est un autre héros, un mec dans un robot avec des cornes – son nom m’échappe… Mais bref, en trois minutes montre en main et douche comprise, le contexte est posé ; il faut récupérer les pouvoirs des quatre éléments (eau, terre, feu vent), les synthétiser en lumière et aller maraver le méchant pas gentil. Quand je pense aux heures qu’on perd dans les jeux aujourd’hui à mettre un contexte pour vous donner envie de voir du pays, hein… Enfin, Aggelos fait dans le laconique parce que derrière tout ça il y a un contexte tacite, celui du jeu de votre enfance/jeunesse/école primaire/mercredi aprem chez mamie.

À part le format 16/9, on se croirait vraiment sur Master System...

À part le format 16/9, on se croirait vraiment sur Master System…

Et en termes d’hommage, il n’y va pas de de main morte ; entre les noms des ennemis (et leur présentation dans les crédits de fin), le ciel invariablement bleu sans le moindre dégradé qui hurle « blue skies in video games are the best », les sonorités craquantes (NdR : j’aurais dit crachotantes, moi) typées Master System (un brin agaçantes quand vous vous faites rosser par des lapinous) et les environnements (temple de l’eau, temple du feu, temple de la terre, dark world, etc.), ça balance du massif. Mais est-ce qu’avoir des ennemis qui s’appellent « Goldvelius » ou qui ressemblent pas mal à ceux de Monster World III (Wonder Boy V ou Wonder Boy in Monster World, 1991) suffit à faire un bon jeu ? Le nostalgisme actuel dans la production ludonumérique pourrait suffire à dire « ah bah oui hein, et puis on s’en fout que la jouabilité soit toute pourrite, l’économie du jeu cassée, la difficulté absurde pour l’architecture ludique proposée, ça me rappelle mon enfance :étoilesdanslesyeux: » mais Aggelos ne mange pas de ce pain-là. Aggelos est tout à la fois cet hommage visible mais aussi cette évolution jouable.

Aujourd’hui c’est la fête chez l’apprenti sorcier

Je vais vous la faire courte sur la partie technique, parce que franchement j’en ai marre de toujours écrire la même chose ; c’est du beau pixelart, c’est respectueux des codes 8-bit et 16-bit sur les machines de SEGA, enfin surtout 8-bit à l’exception notable de la taille des sprites et de leur nombre. En effet, certains boss font plusieurs écrans de haut (coucou le boss de fin, coucou le dragon mignon et ses enfants tout aussi mignons) mais certains ennemis de « base » sont aussi techniquement impossibles pour des machines des années 1980 (coucou le nounours et le nuage rose). La musique, comme je le disais brièvement plus haut, « craque » bien avec des boucles assez courtes, mais qui deviennent finalement assez agréables tant les mélodies sont bien trouvées et pas du tout dans l’hommage pour le coup ; elles disposent d’une identité propre. Petit point « LE JEU PC » : il n’y a quasiment aucune option de customisation, juste le choix de la taille de l’écran de jeu avec un ratio toujours respecté. J’ai joué pour ma part en plein écran mais j’ai testé les autres tailles et aucun ralentissement à l’horizon. Bref, excellent travail, bien optimisé.

Et ce n’est pas la seule chose bien optimisée. Petit rappel : le jeu était déjà dispo sous forme de démo sur itch.io depuis quelques années (2016 pour être tout à fait exact) et bien entendu, j’avais déjà passé un temps non négligeable dessus. Et ce qu’il en était sorti à ce moment là, c’est que le jeu voulait beaucoup trop en faire. Vous disposiez assez rapidement d’un nombre de pouvoirs conséquent qui vous permettaient donc de repousser les limites du domaine jouable qui s’ouvrait à vous, comme tout bon jeu d’action/plateformes non nécessairement linéaire. Mais les manipes pour sortir ces pouvoirs étaient clairement toutes cassées et rendaient l’enchaînement des actions vraiment compliqué. Dans cette version finale, rien de tout ça, heureusement ! Le jeu se joue à quatre boutons (allez, cinq avec celui qui ouvre l’inventaire) : saut, épée, trois pouvoirs élémentaires sur une touche (à combiner avec une direction) et le dernier (l’air) sur une touche dédiée. Ça peut vous paraître une idée discutable mais en action, c’était la solution absolument parfaite. Et ça permet donc de donner à Aggelos son badge « modernité » de manière admirable.

...mais certains sprites seraient un peu gros pour la 8-bit de SEGA !

…mais certains sprites seraient un peu gros pour la 8-bit de SEGA !

Car votre héros (qui ne s’appelle pas Aggelos mais qui va à terme porter l’armure du même nom, une armure « légendaire » – comme c’est inattendu) va littéralement virevolter. L’évolution significative d’Aggelos par rapport aux Wonder Boy est sa gestion très 80’s des combats (on gère les ennemis un par un et l’important c’est les trois points, le petit saut qui permet de tomber juste pour frapper avec le bon timing), c’est que son héros est incroyablement aérien, quelque part entre King Ricochet et le Cirque du Soleil. Tout d’abord, il ne dispose d’aucun bouclier pour parer d’éventuels projectiles, ni de bottes (qui permettent typiquement de gérer les phases sous l’eau) et ne dispose pas non plus de double saut. À la place, il a un Shoryuken à l’épée (ou un Falcon punch, c’est vous qui voyez) qui lui permet d’atteindre des hauteurs phénoménales, utile en combat mais aussi pour l’exploration. Car une des particularités du la progression du héros est le lien extrêmement étroit entre faculté de combat et exploration ; pour filer la métaphore sur les clefs et les portes dans les jeux vidéo, ici toutes les clefs sont aussi des armes, que ce soit les rouleaux permettant d’apprendre des techniques de combat (au nombre de quatre) ou les pouvoirs élémentaires (au nombre de quatre aussi, ce qui satisfait pleinement les névrosés du jeu vidéo). Et d’ailleurs, c’est bien là qu’Aggelos est l’héritier évident des Wonder Boy et pas un Metroidvania, c’est que sa progression non nécessairement linéaire ne va pas uniquement passer par la résolution de puzzles environnementaux, ni par la simple utilisation du bon objet au bon moment, ni même par une péripétie du scénario (à la Metroid Fusion ou Iconoclasts), mais tout simplement par vos compétences en plateformes et bagarre !!! Avec l’aiguillon de la curiosité, exactement comme dans The Dragon’s Trap qui vous poussera à revenir sur vos pas et à aller toujours un petit peu plus loin que précédemment, au-delà de cette paroi trop abrupte jusque-là ou un peu plus loin que ce totem qui souhaite qu’on lui joue de la lyre…

Le monde dans lequel vous évoluez est de plus relativement  contenu, ce qui fait que même avant de pouvoir vous téléporter de stèle en stèle et d’aventure en aventure, la durée des déplacements d’un bout à l’autre de l’univers connu est très raisonnable. Néanmoins, entre les phases de plateformes millimétriques (mais pas trop punitives sauf pour un unique rouleau, celui du pic vert), les phases de course et de vol ultra précises et nécessaires à la progression, vous allez revoir quelques fois les mêmes lieux, jusqu’à l’indigestion si vous ne maîtrisez pas assez le « pogo jump » (saut + bas + attaque). Mais à l’inverse de la plateforme qui se veut résolument old school (mais pas hardcore), le combat lui est absolument moderne. On ne va pas y aller par quatre chemins, la compréhension de la gestion de l’espace face aux ennemis de Wonderboy Bobi est parfaite ; en effet, un des énormes soucis des jeux d’action/plateformes classiques est que souvent votre mode d’attaque est assez peu adapté aux déplacements des ennemis – si je vous dis Ghouls’n Ghosts et le Red Arrimer de sa mère, vous voyez de suite –, mais dans Aggelos, plus rien de tout cela ! En toute circonstance, sous l’eau, dans les airs, et en fonction des éléments, vous serez toujours maître de l’espace, tel un oiseau dans le ciel selon Ophélie Winter ; par exemple, l’armure de foudre et l’épée de foudre sous l’eau électrifient tout autour de vous, pour vous permettre de gérer les ennemis qui peuvent arriver droit par dessus ou bien hors de portée des sauts. Je ne m’étendrai pas plus parce que la découverte des différentes modalités d’attaque, impeccablement adaptées à chacune des circonstances du jeu, est une joie infinie. Du coup on pardonne la relative difficulté du titre arrivé au temple du feu. Il y a un avant et un après temple du feu : avant, balade agréable et apprentissage des bases dans un ciel infiniment bleu, après, ça commence à sentir la salle d’arcade de mon enfance.

Les combats sont bien plus souples que dans un Wonder Boy

Les combats sont bien plus souples que dans un Wonder Boy

Dernier point « entre tradition et modernité » : l’économie du jeu. Quand on parle d’économie, on ne parle pas juste de thunes, de mailles, de biff’, d’oseilles, de (fabulous) moolah, de caramel ; je parle de gestion de l’ensemble des ressources dans le jeu, c’est-à-dire l’or, les objets (et le troc, rappelez-vous la cloche dans le premier Monster World) et la magie. C’est cette dernière qui a sa petite particularité. En effet, vous ne pouvez avoir que six points de magie au maximum et bien souvent il vous faudra enchaîner divers sorts pour progresser, ce qui veut dire qu’au milieu d’une phase de progression, vous allez vous retrouver à sec. Et rager, pester, rouler des yeux, dire du mal du développeurs, de la manette – dont la croix n’est pas gérée, juste le stick !!! Heureusement, si la récupération d’énergie est parfois compliquée – entre l’herbe qui recharge automatiquement mais pas au maximum et les potions, élixirs et eau pure, des fois, c’est un peu la foire –, celle de magie est assez simple ; taper des ennemies remplit votre jauge. Du coup, en combat, vous pouvez toujours jongler entre coup d’épée et projectiles avec la grâce incroyable que je n’imaginais pas possible pour un héritier de Wonder Boy. Et pour battre certains boss (dont le dernier – un indice chez vous : pensez précieusement au dernier rouleau de technique…), il va vous en falloir de la grâce et de la persévérance… Mais comme ça n’est pas injuste et qu’une bonne gestion vous permet de vous sortir d’un sacré paquet de soucis, on accepte volontiers. Enfin, si on a l’habitude ou si on est un peu résilient… Mais bon, ce combat maintenant habituel entre accepter les règles et se plaindre que c’est trop dur au lieu d’essayer d’être bon, on l’entend quotidiennement.

À la foire de l’est

Et à l’heure du bilan, que reste-t-il de ce fan game officiel, de cet hommage qui a oublié d’être juste un hommage, de ces mécaniques si fines qu’elles élèvent le joueur ? Des doigts endoloris, quelques insultes à la manette et aux boss, un changement de manette (aviez-vous déjà remarqué à quel point le pas des touches de la manette Xbox 360 est long et juste mortel pour les phases où il faut enchainer les pogo jumps ? Du coup, je suis passé sur la manette pro Switch et ça a été bien mieux), huit heures qui sont passées comme dans un rêve – ça se finit en cinq sans souci, mais j’ai beaucoup trainé – et l’abandon pendant quelques jours de toute ce que je jouais à côté (Mario Tennis Aces, Super Robot Wars V et la démo d’Octopath Traveller quand même !). Alors bien sûr, vous m’objecterez que c’était quasi vendu d’avance pour un fan de Wonder Boy, mais comme la démo m’avait un peu plongé dans des abîmes de circonspection, j’avais de vrais doutes et attentes concernant le jeu final. Qui a levé tous ces doutes. Lèvera-t-il les vôtres ? Je le pense, que vous militiez pour le « Blue sky in video games », que vous soyez attentifs à ce que disent vos pouces d’un jeu, que vous ayez à cœur de faire face quand ça devient difficile (mention spéciale à votre expérience qui baisse à chaque mort, pouvant même vous faire perdre des niveaux). Sinon, ça ressemble à un jeu Master System ++ et les musiques craquent un peu trop. Mais si vous n’avez vraiment que ça comme argument, ben c’est dommage pour vous.

Mais d’aventure en aventure
De saut en pièces, en coffre fort
Même quand ça devenait bien dur
Ça m’a jamais bloqué d’êt’ mort
Mais d’aventure en aventure
De saut en pièces, en coffre fort
Aggelos est un Wonder Boy sûr
Et clairement j’l’aime
Je l’aim’ encore

Verdict : On vit une époque formidable : zéro remake de Bayou Billy, trois Wonder Boy (français !) disponibles. Parce que oui, même sans le nom, Aggelos est un Wonder Boy, un beau, un bon, un vrai.

90hbpm

Lien Permanent pour cet article : https://mag.mo5.com/142703/test-aggelos/