INTO THE BREACH
Windows
Catégorie : tactical
Joueurs : 1
Développeur : Subset Games
Éditeur : Subset Games
Date de sortie : 27/02/2018
Prix : 14,99 €
Site Officiel : [Into the Breach]
Into the Breach est le nouveau jeu de Subset Games, un duo composé du programmeur Matthew Davis et du graphiste Justin Ma, qui ont quitté leurs jobs respectifs en 2011 pour créer FTL: Faster Than Light, un jeu de stratégie roguelike multiprimé et qui a rencontré un énorme succès pour un titre indépendant. Ce dernier avait déjà un côté rétro, ou du moins des graphismes pixelisés et assez austères, mais Into the Breach, tout en étant bien plus joli, bénéficie en prime d’un faux air d’Advance Wars. On retrouve d’ailleurs de la série de Nintendo l’absence bienvenue de hasard dans la résolution des attaques même si l’aspect roguelike est encore présent. Les cartes sont même générées en partie aléatoirement, mais s’avèrent très minimalistes puisqu’il s’agit uniquement de grilles de huit cases de côté. De même, on ne contrôle que trois unités, et on bénéficie de l’avantage assez unique dans le genre de connaître à l’avance le prochain coup de chacun des ennemis, les Veks, ce qui est justifié ici par une thématique générale de voyage dans le temps que l’on doit sans doute au scénariste Chris Avellone (Planescape: Torment). Le joueur n’ayant pas toujours la possibilité d’éliminer tous les ennemis de la carte en un seul tour, il devra souvent se contenter de « décaler » ceux qui présentent un danger immédiat pour qu’ils ratent leurs coups voire s’attaquent entre eux ! Un concept bien mis en valeur par le level design…
Celui-ci se révèle en effet très riche et varié, avec selon les cartes divers dangers environnementaux (éruptions, tsunamis, etc.) qui peuvent autant vous compliquer la tâche que devenir des alliés de fortune, ainsi que des unités ou bâtiments qu’il faut à la fois protéger mais qui peuvent aussi compléter vos offensives. Tout est vraiment une question d’équilibre et surtout d’anticipation, puisqu’un faux mouvement peut endommager un bâtiment, ce qui fait perdre un « point de grille ». Into the Breach tourne ainsi autour d’une jauge qui sera sans doute familière aux habitués des récents XCOM, puisqu’une fois vidée, c’est le game over définitif ! Mais la particularité ici est donc qu’elle peut diminuer à tout moment en pleine mission et que, dans la mesure où les niveaux ne sont pas totalement prédéfinis et d’autant plus dans les difficultés élevées, on peut se retrouver dans des situations où il est impossible de ne subir aucun dégât… On se trouve ainsi régulièrement face à des dilemmes, ou parfois contraints de sacrifier ses unités pour sauver un bâtiment. Et c’est là que l’aspect roguelike complique les choses avec des morts permanentes, du moins celles des pilotes de nos méchas et véhicules. Malgré la thématique des dimensions alternatives, on peut seulement annuler le dernier mouvement (et non l’attaque) en cas de fausse manipulation, et on peut aussi réinitialiser le tour actuel, mais une fois et une seule par mission !
Il est en revanche impossible de refaire une mission dont on n’est pas totalement satisfait et il va falloir apprendre à vivre avec vos échecs… Cela dit, Into the Breach nous donne l’occasion de faire mieux la prochaine fois, et l’accent est d’ailleurs mis sur la rejouabilité, quitte à ce que l’aventure soit franchement courte. Celle-ci est composée d’une succession d’îles où l’on a chaque fois le choix entre plusieurs missions, adjacentes à notre QG où à celles qui ont déjà été accomplies. Mais une fois que l’on en a réussi un certain nombre, les dernières sont considérées comme perdues et on est obligé de s’attaquer à une dernière mission, avec un boss, pour passer à l’île suivante. Or après seulement deux îles (sur quatre), on a le choix entre s’occuper d’une troisième ou de lui préférer directement l’affrontement final, sachant que sa difficulté est automatiquement réglée en fonction du nombre d’îles déjà abordées. Du coup, on peut s’interroger sur la pertinence de prolonger l’expérience, puisque l’intérêt de booster ses méchas est non seulement relativisé par une ultime mission plus difficile, mais aussi par son influence limitée sur les parties suivantes… En effet, une fois le jeu fini, on se téléporte dans une autre ligne temporelle, en n’emmenant avec soi qu’un seul de ses trois pilotes au choix ! Ce qui constitue encore un énorme dilemme : « Dois-je conserver celui qui fait voler son unité ou celui qui a droit à un déplacement après son attaque ? »
C’est là qu’Into the Breach m’a fait penser à un autre tactical, Indivisible, bien que ce dernier soit davantage orienté sur l’infiltration et nettement moins bien équilibré côté level design. Là aussi, l’aventure était centrée sur une jauge générale et s’avérait assez courte, mais avec des missions plus longues et très aléatoires – parfois même laborieuses. On était donc incité à recommencer plusieurs fois, mais la sensation de repartir de zéro n’était pas très motivante. Le jeu de Subset Games s’en sort cependant mieux de ce point de vue, parce qu’une partie redémarre plus vite et que le gameplay est tout simplement mieux fichu. Mais les joueurs matérialistes, ceux qui aiment patiemment façonner leurs avatars dans un RPG, seront forcément frustrés de redémarrer avec des méchas privés des pouvoirs auxquels ils s’étaient bien habitués dans la partie précédente. Pire, on ne trouvera pas forcément à chaque tentative les mêmes compétences à acquérir dans la boutique que l’on peut uniquement visiter entre deux îles. En effet, chaque mission propose plusieurs objectifs qui sont récompensés par des points de grille, des points de réputation ou des réacteurs. Ils servent respectivement à faire remonter sa jauge de grille, à acheter des armes et compétences, et à améliorer ses méchas (leur mobilité, résistance, les dégâts causés par leurs armes) ou à activer leurs capacités spéciales, y compris celles qui sont propres à leurs pilotes.
Il n’y a donc pas que pendant les missions que l’on est soumis à des dilemmes délicats, entre jouer la sécurité en optant pour des missions qui font remonter la jauge de grille, ou booster ses méchas en espérant que cela suffise à obtenir de meilleurs résultats. Surtout que les points de réputation peuvent eux-mêmes être dépensés pour acheter des points de grille ou des réacteurs, ces derniers étant très coûteux. On trouvera toutefois d’autres bonus (réacteurs, pilotes, armes) en mission lorsqu’une capsule s’écrase sur une case, ce qui pourra nécessiter de sacrifier un mouvement pour la ramasser. En outre, accomplir toutes les missions d’une île sans faute donnera au joueur le choix entre plusieurs récompenses supplémentaires… Into the Breach a cette qualité rare de savoir récompenser tous les profils de joueurs, puisque ceux qui boostent leur jauge au maximum rendront les bâtiments plus susceptibles de résister aux attaques ! Néanmoins, comme il est possible, dès la seconde partie, d’aborder les îles déjà débloquées dans l’ordre de son choix, on remarque quand même que la première demeure souvent, avec la mission finale, la plus difficile du fait que l’on reparte de zéro. Car même si l’on conserve un pilote de la ligne temporelle précédente, on n’a pas forcément le réacteur permettant d’activer son pouvoir… Même si la marge de progression est excellente, on a un peu l’impression de devoir tout réapprendre à chaque fois.
Quand on a construit sa stratégie autour d’une compétence spécifique – j’adore le Vice Fist qui permet de lancer un ennemi derrière soi, trouvé dans ma toute première partie et seulement revu dans la troisième via une capsule – ou que l’on s’est habitué à une amélioration basique (comme les bâtiments alliés invulnérables au mortier), c’est déjà compliqué. Mais on pourra se déboussoler davantage en retentant l’expérience avec un autre trio de méchas ! C’est en dépensant des médailles gagnées en accomplissant divers succès que l’on débloque les sept autres équipes, qui obligent à totalement repenser ses stratégies, surtout si l’on s’amuse à créer un trio mixte avec des unités de plusieurs escouades. C’est là que la richesse d’Into the Breach peut aussi trouver sa limite, paradoxalement ; cela prend déjà tellement de temps de maîtriser les trois méchas de base et leurs nombreuses compétences, jamais toutes disponibles à chaque partie, que vous n’oserez peut-être pas prendre le risque d’en saboter une nouvelle à expérimenter des possibilités aussi rafraichissantes que déroutantes… Néanmoins, à condition de savoir où l’on met les pieds et d’être à l’aise avec un jeu hélas tout en anglais, Into the Breach est un vrai régal aussi bien pour le cerveau, stimulé par son game design ingénieux, que pour les yeux, avec un pixelart mignon, une interface lisible et bien pensée, et que pour les oreilles grâce aux chouettes compositions de Ben Prunty.
Verdict : Aussi limpide que brillant, Into the Breach est un excellent tactical mais dont le côté roguelike pourra se révéler aussi addictif que frustrant pour les joueurs les plus matérialistes…