TEST : The Legend of Zelda: Link’s Awakening

The Legend of Zelda: Link’s Awakening (Switch)THE LEGEND OF ZELDA: LINK’S AWAKENING
Switch
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1
Développeur : Grezzo/Nintendo
Éditeur : Nintendo
Date de sortie : 20/09/2019
Prix : 59,99 €
Site Officiel : https://www.nintendo.fr/…/The-Legend-of-Zelda-Link-s-Awakening-1514327.html

Né sur Game Boy en 1993 puis réédité sur Game Boy Color cinq ans plus tard, The Legend of Zelda: Link’s Awakening reste l’un des épisodes préférés des fans, et est un peu à A Link to the Past (1991), dont il devait être le portage à l’origine, ce que Majora’s Mask (2000) est à Ocarina of Time (1998) : moins connu et populaire, certes, mais d’autant plus culte qu’il jouit d’une ambiance unique – influencée ici par Twin Peaks ! Le jeu se permet ainsi de grosses entorses au canon ; il ne se déroule pas à Hyrule, et présente des séquences de profil rappelant le vilain petit canard de la saga et même des éléments d’autres licences : Mario en tête, mais aussi Kaeru no Tame ni Kane wa Naru (1992) et même SimCity… Certaines idées n’ont d’ailleurs pas fait école, comme les bonus boostant l’attaque et la défense qui interrompent franchement le rythme, et parfois à tort peut-être comme les becs de hibou, mais d’autres sont restées comme la plume ou l’ocarina (*). Et Link’s Awakening reste surtout un modèle du genre par le level design de ses donjons, très inventifs voire « disruptifs » comme la mythique Tour du Vautour. On comprend donc pourquoi ce remake était attendu au tournant, d’autant qu’on pouvait légitimement se demander si les développeurs allaient repenser une aventure (relativement) courte en comparaison avec les autres épisodes. Mais au moins, il était entre les bonnes mains de Grezzo, la société du créateur des Seiken Densetsu et qui a notamment signé les deux remakes très réussis des deux volets Nintendo 64 cités plus haut sur 3DS.

Très respectueuse sur le plan du fond, la refonte s’est concentrée sur la forme. L’un des défis, comme expliqué (en anglais) à cette adresse avec des essais étonnants, a été de retranscrire de manière orchestrale les partis pris particuliers de la bande-son du jeu Game Boy. Le célèbre easter egg est toujours là (et il y en a même un nouveau) mais, en matière de son, certains seront forcément perturbés par le nouveau style et regretteront la « pureté » de la chiptune originale. Et c’est aussi très subjectif côté graphismes, l’annonce du remake ayant même suscité une petite controverse à cause de son style « jouet » très différent de celui des cinématiques d’intro et de fin façon dessin animé – même si cela se justifie scénaristiquement. En tout cas, votre serviteur est très client de cette esthétique de diorama renforcée par une gestion de la lumière truffée de petites subtilités (cf. l’analyse de Digital Foundry) ainsi que les effets de flou façon tilt-shift, certains passages étant même bluffants comme la baudroie de l’Âbime du Poisson… Ce style sied en tout cas bien mieux à l’ambiance de cet épisode qu’un look plus « mature » à la Breath of the Wild, par exemple. Et évidemment, outre la couleur de la réédition DX, ce remake offre une myriade de petits détails et d’animations qui donnent vie à l’île de Cocolint, qui n’est d’ailleurs plus découpée en 256 écrans – quitte à trahir davantage sa surface réduite pour un jeu d’action/aventure.

Le Marais des Anémones, avec son étendue d'eau chargée en ennemis, rame particulièrement...
Le Marais des Anémones, avec son étendue d’eau chargée en ennemis, rame particulièrement…

Hélas, cette représentation plus moderne n’est pas sans heurt, le jeu souffrant de chutes de framerate, brèves mais violentes (de 60 à 30 images par seconde), lors de transitions et dans certaines zones chargées comme le Marais des Anémones ci-dessus. On ne peut pas dire que ce soit handicapant dans la mesure où les combats les plus intenses ne se déroulent pas dans ce type d’endroit, mais c’est hélas aussi sans doute pour ça que ça n’a pas été (encore) patché ; cela reste désagréable et surtout surprenant de la part d’un jeu publié par Nintendo… Et ce, d’autant plus que plein de (petites) choses ont été faites par ailleurs pour améliorer encore l’expérience. Le fait que le monde soit désormais vu en perspective et qu’il défile en scrolling donne indéniablement une meilleure vision d’ensemble de Cocolint, et on a droit à d’autres « options de confort » bien vues. On peut désormais sauvegarder (et charger sa partie) à tout moment, il y a plus de points de téléportation (même s’ils manquent encore un peu à l’ouest), des bouteilles à dénicher pour stocker des fées, et la limite de 999 rubis récurrente à pas mal d’épisodes est supprimée. On peut du reste (et il le faut) récolter plus vite de l’argent car on trouve désormais des rubis bleus dans l’herbe en plus des verts… Mais ce remake corrige surtout le principal défaut de l’original Game Boy, qui ne pouvait il faut dire compter que sur deux boutons pour assigner tous les items.

À vrai dire, il n’y a à nouveau que deux boutons (X et Y) dont on peut personnaliser l’usage, mais on perdra beaucoup moins de temps dans l’inventaire car l’épée reste en permanence associée à B, le bouclier à la gâchette R, les bottes de Pégase à L et le bracelet de puissance est désormais une compétence passive utilisée automatiquement… Pour chipoter, on aurait bien mis aussi la plume de saut sur A qui ne sert pas à grand-chose. Et parce qu’on n’est jamais content, même s’il est bien pratique de placer des marqueurs sur la carte, on aurait bien aimé des tampons plus adaptés à la manière de celui du coffre. Car si le cœur a une utilisation toute trouvée, c’est moins évident pour le trèfle (que j’utilise pour les fées), pique et carreau… Cela dit, la carte s’est également enrichie des positions des fragments de cœur et coquillages trouvés, ainsi que des « souvenirs » qui correspondent à des dialogues importants. Car en dépit de ses cabines téléphoniques (!) aux indices plus ou moins sibyllins, Link’s Awakening se montre un peu moins guidé que les épisodes récents, et n’est d’ailleurs peut-être pas le plus adapté pour découvrir la saga. Je me souviens avoir été bloqué dès le début sur 3DS et, même en l’ayant donc déjà fini, je me suis encore perdu deux ou trois fois. Il y a en particulier un mur destructible (un passage secret « obligatoire » !) dans le Roc de la Tortue, qui non seulement n’est pas fissuré mais impossible à tâter du bout de l’épée…

Link's Awakening, ce sont aussi des séquences vues de profil, même contre certains boss
Link’s Awakening, ce sont aussi des séquences vues de profil, même contre certains boss

Mais ceux qui connaissent le jeu par coeur auront sans doute moins de difficultés dans la mesure où le level design demeure inchangé – il y a toujours une clé en trop dans la bien nommée Cave aux Clés –  de même que la progression générale. Créer de nouveaux donjons ou rallonger la quête aurait sans doute pu dénaturer l’expérience cela dit, mais on peut quand même regretter l’absence de contenu supplémentaire. En fait, la principale nouveauté réside dans le fameux éditeur de « donjons-mosaïques » de la cabane d’Igor, qui remplace assez logiquement le magasin de photos lié à la compatibilité caduque avec l’imprimante de la Game Boy… Or, même si l’idée serait partie d’une demande de Shigeru Miyamoto au producteur Eiji Aonuma sur la faisabilité d’un Super Mario Maker pour Zelda, ce mode illustre parfaitement pourquoi ce ne serait pas si simple. Car les donjons de Zelda sont par essence beaucoup moins linéaires que les niveaux de Mario… Du coup, les développeurs en offrent une variante simplifiée et assistée, même si ça rend parfois la création laborieuse paradoxalement ; les associations entre escaliers étant automatiques par exemple, ça devient un enfer quand il y en a beaucoup comme dans le défi Plein d’passages sous l’sol. On a en effet moins affaire à un outil qu’à un puzzle où l’on place les pièces selon certaines contraintes.

Et si vous êtes flemmard comme moi, ce sera non seulement un vrai défi de les respecter avec un minium de pièces, mais ça rendra le tout encore plus répétitif comme j’utilise toujours le premier boss pour gagner du temps – il faut finir son propre donjon pour réussir. Mais même sans ça, il est bien difficile voire impossible de créer des niveaux qui ne soient pas horriblement génériques. Le contenu des coffres étant aussi déterminé automatiquement, on ne peut donc pas placer la clé du boss où l’on souhaite et elle se trouve toujours dans le dernier coffre ouvert – oui, j’ai fait le test en ouvrant les coffres dans un ordre différent – donc souvent juste avant le boss. À l’inverse, pour éviter au joueur d’être bloqué, les petites clés sont toujours obtenues « le plus tôt » possible, ce qui va un peu à l’encontre du principe des récompenses du level design. Sinon, les coffres ne contiennent qu’un malheureux rubis à moins de juxtaposer des salles avec des coffres. Dans le même ordre d’idée, on ne peut pas non plus jouer sur les pouvoirs/items ; ils seront forcément possédés puisqu’il faut terminer un donjon de l’aventure pour en débloquer les salles. À noter que c’est le seul mode qui exploite les amiibos, pour stocker ses donjons mais aussi débloquer des salles – a priori uniquement avec les amiibos Zelda malgré la « versatilité » de cet épisode.

Le prends pas mal Igor, mais je crois que je ne peux plus te voir en mosaïque...
Le prends pas mal Igor, mais je crois que je ne peux plus te voir en mosaïque…

En bref, on aurait clairement préféré un mode multi à la Four Swords mais c’est vraiment, avec le framerate, le seul gros point noir de ce remake bien qu’on puisse toujours chipoter… Le nouvel angle de vue est en général bienvenu mais peut poser problème avec les murs fissurés en bas de l’écran, moins visibles, et on aurait aimé pouvoir accélérer les textes, en particulier ceux qui apparaissent quand on ramasse un objet. De manière générale, le titre manque cruellement d’options comme la possibilité de jouer à la croix directionnelle dans la mesure où Link ne se tourne à l’ancienne que dans huit directions. Par ailleurs, mais c’était peut-être déjà un problème dans l’original qu’on aurait refoulé, le moteur physique du mini-jeu du village peut se montrer très capricieux ! En revanche, on se souvenait bien de certains défauts ici conservés, comme la maniabilité rigide des séquences vues de profil, et des bizarreries de design comme la possibilité d’attaquer sous l’eau dans ces mêmes phases, mais pas lorsque l’on nage vu du dessus… Et puis l’aventure demeure relativement courte pour un Zelda, pouvant se terminer en moins de dix heures (surtout si vous en connaissez déjà les recoins), mais c’est plutôt rafraichissant par les temps qui courent et j’y ai passé quand même plus de vingt heures. Il faut dire que je voulais tout débloquer (fragments de cœur et coquillages) et j’ai donc dû me farcir pas mal de donjons-mosaïques…

Verdict : En dépit de son curieux problème de framerate et de ses donjons-mosaïques peu inspirés, The Legend of Zelda: Link’s Awakening reste la meilleure manière de (re)découvrir une pépite.

100 hbpm

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