TEST : Clockwork Aquario, le rescapé des rouages de l’arcade

Edition standard de Clockwork Aquario sur PlayStation 4CLOCKWORK AQUARIO
PlayStation 4, Switch
Catégorie : action/plateforme
Joueurs : 1-2
Développeur : Westone/ININ Games
Éditeur : ININ Games
Date de sortie : 30/11/2021
Prix : 19,99 €
Site Officiel : http://clockworkaquario.inin.games/
(testé sur Switch)

« N’est pas mort ce qui à jamais dort… »

« Et au long des éons, peut mourir même la mort… » Bienvenue dans ce nouveau numéro d’Artefact, le podcast de la Finitude… Heu non, attends, pas du tout. OK, on va parler d’un truc qu’on croyait depuis très longtemps mort, mais on ne va parler ni d’art ni d’horreur. Enfin d’art un peu, d’horreur, non, clairement pas. Mais du coup Pippeau, de quoi tu vas parler, là ? Elle commence à tirer en longueur ton introduction… Eh bien si vous trouvez que mon intro traîne, imaginez-vous que le jeu dont on va parler, on l’attendait depuis 27 ans, 1994 donc, même année que Monster World IV du même développeur, Westone. Mais sans garçon ni fille merveilleuse. À vrai dire, on avait presque oublié qu’on l’attendait, ce Clockwork Aquario. En 1994, l’attendait-on vraiment ?

How do you spell “Vaporware”?

Clockwork Aquario était donc destiné à sortir en 1994/1995 en arcade. Vous imaginez un jeu de plateforme pure, très « premier degré », c’est à dire sans la moindre fioriture ni technique, ni ludique en 1994, à l’époque des premiers polygones dans vos salons sur PlayStation ? C’était en fait relativement anachronique. À tel point que le projet, qu’on avait rapidement entraperçu sur des photos format timbre dans nos Joypad/Consoles+/Player One de l’époque, avait rapidement disparu des radars. Honnêtement, même moi qui suis, vous vous en doutez un peu si vous êtes là à me lire, relativement fan, je l’avais oublié. Mais on trouve toujours plus fan que soi et en 2017, ce qui correspond, comme de par hasard avec la renaissance de la saga Wonder Boy (et à notre podcast sur le sujet, tiens tiens tiens), ININ Games et Stricly Limited Games, l’éditeur toujours en retard, ont décidé de ressortir de sa non-tombe le projet en s’adressant directement à Nishizawa et sa bande. Tout ça pour s’apercevoir qu’une partie des assets, des éléments qui permettent à un jeu d’exister (des sprites, des musiques, des routines de programmation) avaient corps et bien disparu. Finalement le jeu était mort, du moins en partie, sans que personne n’y fasse attention. Mais la passion (et l’argent ?) ont permis, et aux auteurs originaux, et aux développeurs de ININ Games de boucher les trous, de repartir de zéro pour les éléments disparus, de refaire de la musique et bam, fin 2021, Clockwork Aquario est avant tout chose un miracle de la sauvegarde du patrimoine vidéoludique. Si le jeu vidéo actuel n’était pas si enclin à chercher sa propre préservation, ce miracle aurait-il pu se produire ?

Alex Kidd: The Lost Stars

Clockwork Aquario (PlayStation 4, Switch)
Le deuxième joueur qui contrôle le robot soulève un ennemi, le premier a été touché une fois et sous lui se trouve un diamant pour la jaune de One-Up

Mais sinon, il se passe quoi dans le jeu lui-même ? Qu’est-ce qu’on a sauvé exactement ? Eh bien quand je parlais de jeu de plateforme « premier degré », je voulais décrire un jeu de plateforme avec une approche sans la moindre fioriture, plus proche des jeux en « tableaux » à la Mappy (1983) ou à la Alex Kidd: The Lost Stars (1986). Des jeux avec système dépouillé au maximum : on saute, on évite, on a parfois un bonus qui permet de varier mais à peine. Dans Clockwork Aquario, vous vous déplacez de gauche à droite, sans défilement forcé, et tout votre arsenal ludique tient dans une micro introduction, sous forme d’une cinématique qui utilise le moteur 2D du jeu qui vous expose l’ensemble de votre arsenal ludique : vous disposez d’un saut, lequel vous permet d’estourbir vos ennemis et d’une mandale qui produit le même effet. Ce n’est pas précisé dans la séquence, mais vous bénéficiez aussi d’un coup de tête qui produit le même effet. Là où ça s’enrichit, c’est après avoir estourbi l’ennemi :

  • si vous lui sautez à nouveau dessus, il mourra et si vous arrivez à enchaîner les sauts mortels vous pourrez augmenter le bonus que chaque ennemi vous rapporte, voire obtenir un diamant dont la collection augmente une jauge « ONE-UP » dont je vous laisse deviner ce qu’elle rapporte une fois remplie.
  • Si vous vous approchez de l’ennemi estourbi (c’est le mot pour lequel j’ai eu un prix de gros pour ce test-ci, et de manière générale on ne l’utilise pas assez), vous l’attrapez et vous pouvez l’envoyer comme projectile sur les ennemis, sachant que si plusieurs d’entre eux sont sur la trajectoire, vous augmentez aussi le bonus obtenu.

En fait, tout ceci se passe dans un cadre où les ennemis ont des positions fixes dans les niveaux et par conséquent, votre principal souci une fois les multiplicateurs et le système maîtrisés sera d’optimiser votre massacre d’ennemis mignons pour exploser les high scores. Je vous le disais, c’est de l’arcade premier degré. À la différence toutefois que la difficulté n’est pas abusive et finalement, simplement finir le jeu ne posera pas vraiment de défi. C’est uniquement la recherche forcenée du high score qui sera votre motivation.

Revenons un instant sur la difficulté : un des principaux soucis de ce côté est qu’il existe une entourloupe pour grandement faciliter les combats de boss. Quand vous mourrez, comme vous êtes dans un jeu Westone, votre héros/héroïne/robo-héros devient un angelot (comme dans Wonder Boy/Monster World/Island/du Château de Monica) et flottouille dans l’écran. S’il vous reste des vies, vous pourrez choisir l’endroit où vous allez retomber, et donc ré-attaquer la phase de jeu en sautant sur l’ennemi. Si vous avez du mal avec une phase de boss, attendez de mourir, laissez vous tomber sur sa tête et jouissez d’une victoire facile… Alors en arcade, avec la pression du monnayeur, aurais-je pu développer cette technique d’escroc ? Rien n’est moins sûr mais, ici en tout cas, ça m’a énormément servi. Du coup, j’ai fini le jeu à mon premier run en mode facile, celui où vous attaquez avec neuf crédits d’emblée. On précisera que les autres modes ne changent que leur nombre. En outre, après une première session victorieuse, vous accédez au mode arcade qui vous permet d’ajouter des crédits à la volée à l’aide d’un bouton de tranche de la console.

Clockwork Aquario (PlayStation 4, Switch)
Des boss énormes et colorés

Bref, je le redis encore une fois, c’est uniquement votre intérêt dans le high score qui pourra vous motiver à relancer plusieurs fois le jeu. Me concernant, comme je suis friand de ces parties sur le pouce qui remplacent en termes d’attrait générique (coucou Dominic Arsenault !) les réflexes de base par la réflexion visant à cartonner le maximum d’ennemis à la suite. Un plaisir de la performance tout sauf suranné malgré la grande simplicité du « système ». Mais à côté de ça, il y a des aspects autrement plus pimpants.

Märchen Maze

Quoi, vous ne connaissez pas Märchen Maze (1988) ? Jeu d’arcade à la base en 3D isométrique et adapté en vue top down sur PC Angine, la console des maux de gorge, il a été longtemps pour moi le summum de la 2D colorée qui pète les rétines. Jusqu’à Clockwork Aquario. Parce qu’ici, on part sur une 2D colorée de qualité suisse-allemande. C’est bien simple, vous vous rappelez les faux souvenirs que vous aviez gardés du « plus beau jeu de l’univers » de votre enfance qui ont été balayés lorsque vous avez retrouvé cette cartouche de Yeno à un prix abusé sur La Baie ? Ben là, le souvenir tient. C’est un festival, et de couleurs, et d’énormes sprites (les boss en particulier), et de détails graphiques. Petit exemple : à la manière des ennemis qui doivent être estourbis avant d’être occis, votre personnage peut prendre deux coups avant de passer de vie à trépas. Plutôt que de simplement changer la couleur de votre perso/robot, le sprite devient largement plus « ébouriffé » ou avec des parties en moins si vous jouez le robot (dont le sprite énorme rend les contacts bien plus faciles) comme si une dynamite de cartoon lui avait sauté à la figure. Ajoutez à ça les filtres CRT disponibles et vous êtes officiellement devant le plus beau jeu d’arcade que je pouvais imaginer. Westone + jeu à système + graphismes issus de vos fantasmes d’enfant joueur, qu’est-ce qui a bien pu mal tourner ? Vous vous rappelez de la date de sortie prévue ? 1994/1995 (tiens les Connells ne l’ont jamais chantée celle-là…). À l’époque de Toshinden et de Jumping Flash!, à l’époque du polygone roi dans Virtua Fighter ou sur les nouvelles consoles exclusivement à CD, à l’époque du futur à nos pads, Clockwork Aquario n’était-il pas déjà dépassé ? Märchen Maze, c’est 1988 en arcade. Qui six ans plus tard en voulait encore en fait ? Personne ne voulait de Märchen Maze EX+Alpha. Et l’époque n’était pas propice au moindre nostalgisme.

Heureusement, en 2021-22 – on peut faire un concept-alboume avec ce type de titre, si vous êtes intéressés par l’idée, laissez un message à l’accueil de la rédaction, je vous répondrais par fax – le patrimoine et le passé comptent et nous intéressent ; on peut goûter à pleine bouche un morceau d’histoire qu’on a failli ne jamais avoir. Historiquement important, ludiquement des plus classiques et limité mais fidèle à son genre (exhibant fièrement des effets génériques attendus – quoi, vous avez fini par lire Dominic Arsenault, je le sais), graphiquement délirant, Clockwork Aquario est une expérience qui demande de bien savoir là où on s’aventure pour ne pas se contenter d’y jouer pour les graphismes. C’est un objet vidéoludique fascinant mais limité et j’ai pratiquement eu plus de plaisir à le chroniquer ici qu’à y jouer finalement…

Verdict : Revenu de tellement loin qu’on ne le savait même pas mort, Clockwork Aquario est une tranche d’arcade si bio qu’on s’attend presque à l’odeur de clope froide des cendriers de bars.

80 hbpm

Un grand merci à tous ceux qui nous soutiennent sur Tipeee.

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