EVOLAND – Windows, Mac OS X
Catégorie : aventure/RPG
Joueurs : 1
Développeur : Shiro Games
Éditeur : Shiro Games
Date de sortie : 04/04/2013
Prix : 9,99 € (site officiel, Steam, Good Old Games)
Site Officiel : http://evoland.shirogames.com/
Débuté dans le cadre de la Ludum Dare 24 où il a remporté le premier prix, le concept original de Nicolas Canasse a suffisamment séduit pour qu’il en fasse un jeu complet au sein du petit studio Shiro Games. Puisqu’il y a des films sur l’Histoire du cinéma et des livres sur celle de la littérature, pourquoi pas un jeu sur l’Histoire du jeu vidéo, ou du moins celle du RPG ? Mais Evoland ne se contente pas d’être un documentaire interactif où les coffres recèlent des évolutions techniques et de gameplay. Avec cette nouvelle version, il nous propose une quête à part entière, très courte mais particulièrement dense. Hélas, il hésite souvent entre plusieurs directions et même plusieurs genres au cours de ses pérégrinations…
Au début, le connaisseur prendra un certain plaisir à débloquer les différentes évolutions. Si leur ordre d’arrivée ne respecte pas vraiment la réalité historique, les développeurs en ont profité pour se moquer gentiment des conventions du genre : ainsi le scénario se débloque après les graphismes 16-bit, ou l’arrivée de décors précalculés dans les villages s’accompagne de temps de chargement factices. Mais parfois, ces anachronismes peuvent devenir irritants lorsqu’ils rendent l’aventure inutilement frustrante, comme lorsqu’il faut attendre de passer à la 3D pour bénéficier de plusieurs cœurs de vie ou quand la carte fait son arrivée à la toute fin du jeu !
La difficulté n’est dès lors pas très progressive, même si on peut objecter qu’elle a en effet varié au cours de l’Histoire. Les combats peuvent ainsi s’avérer éprouvants avant de débloquer les sauvegardes (parfois remplacées par des checkpoints hélas invisibles pour le joueur), ou avant d’obtenir le levelling. Et ce qui n’évolue pas dans Evoland, c’est la maniabilité. Dans les phases d’action/aventure, les armes ont une portée très réduite et les collisions sont approximatives, rendant certains ennemis (les squelettes et les mages) très pénibles. Et l’utilisation d’une manette, qui n’était pas encore prise en charge à la sortie du jeu, n’y fait pas grand chose.
Il faut dire que la réalisation est de manière générale assez décevante. Concevoir un titre de cette envergure n’est pas évident pour un petit studio, mais comme dans la réalité, il y a de fortes chances pour que l’arrivée de la 3D et de ses polygones vous fasse regretter les bons vieux pixels des débuts. Même avec l’arrivée de la HD ou d’effets de lumière, les graphismes restent assez pauvres et l’animation est particulièrement rigide, avec l’impact sur la maniabilité que l’on connaît. Mention spéciale au mouvement de caméra supposé dramatiser l’ouverture des coffres, qui rate hélas son hommage à The Legend of Zelda par son rendu bien maladroit.
Mais le jeu se heurte avant tout à son propre concept ; en voulant remonter aux bases de chaque genre, il peine à raviver le meilleur de chacun d’entre eux. Ainsi la partie aventure¹ offre durant la majeure partie de la quête un level design très scolaire, les énigmes élaborées étant « débloquées » tardivement. La mécanique qui permet de voyager dans le temps (et donc de passer de la 2D à la 3D) est particulièrement intéressante mais n’intervient que vers la fin. Quant à la partie JRPG, c’est également une caricature du genre avec des combats aléatoires et ennuyeux au possible. Il faut dire que les choix d’action se limitent au minimum syndical (un maximum de deux sorts pour la magicienne), et marteler l’option « attaque » pour avancer plus vite n’est pas une bonne idée pour la magicienne dont l’attaque de base est trop faible.
Vous l’aurez compris, Evoland ne se limite pas à un genre. Il débute comme un jeu d’action/aventure¹ à la Zelda pour passer d’un coup au JRPG comme s’il s’agissait d’une évolution logique de la série de Nintendo. Cependant, une fois le premier boss battu, le gameplay revient étrangement, et de manière assez anachronique puisque c’est vu du dessus mais en 3D, à du A Link to the Past pur jus d’autant que vous attend un bon vieux donjon. Le gardien de ce dernier vaincu, on repasse une nouvelle fois à la carte du monde d’un Final Fantasy VII. Pendant la majeure partie du jeu, les développeurs semblent donc hésiter entre leurs deux jeux préférés…
En plus, ces deux types de gameplay alternent sans trop prévenir et ne présentent aucune interconnexion. Les niveaux gagnés ou les potions du JRPG ne peuvent pas être utilisées pour regagner des cœurs en mode aventure car chaque genre bénéficie de son propre inventaire. Et si ce n’était pas assez perturbant, le jeu se transforme en hack ‘n slash le temps d’une caverne, puisant cette fois son inspiration dans un jeu occidental sans grand rapport culturel, Diablo. À ce stade, le goût de la parodie (les descriptions du loot sont assez savoureuses) l’emporte complètement sur le concept de départ qui visait tout de même à chroniquer les évolutions d’un genre. Décidément, Evoland cherche à en faire trop, et en trop peu de temps.
Car l’aventure se boucle facilement en trois heures, et une ou deux de plus si l’on récupère l’ensemble des étoiles cachées, ainsi que les cartes qui sont utilisées pour un mini-jeu sympathique mais qui aurait gagné à être développé. Même si l’on peut comprendre que les développeurs aient souhaité rendre hommage à leurs deux-trois jeux favoris, ils auraient sans doute mieux fait de se focaliser sur un genre et d’en garder pour leurs prochaines productions. Car le JRPG, contrairement à ce que pensent certains, n’est pas une forme plus « évoluée » du jeu d’aventure ; ce sont deux genres différents nés en 1986 avec Dragon Quest et The Legend of Zelda respectivement. Avant de nous faire la leçon, Evoland aurait dû retenir celle-là !
Verdict : De même que certaines idées se prêtent mieux à un court-métrage qu’à un long, développer ce concept original (et gratuit) n’était peut-être pas une si bonne idée…
¹Selon moi, il est abusif de qualifier The Legend of Zelda d’action-RPG. Si la notion même de genre est floue, la série ne comporte, en dehors du deuxième épisode, ni expérience, ni statistiques, et ne laisse même pas au joueur le choix de son équipement ; le joueur ne joue donc pas un « rôle », précisément. L’œuvre de Miyamoto a en revanche démocratisé un design caractérisé par une progression linéaire (les objets/clés se récupèrent presque toujours dans un ordre précis) dans un environnement non linéaire (d’où les retours vers des zones déjà explorées pour en débloquer de nouvelles). Le terme « jeu d’aventure » est pertinent car on retrouve au fond cette structure dans les jeux d’aventure occidentaux (les point ‘n click et dérivés). Contrairement au FPS, ce genre est donc indépendant de sa représentation ; vu de côté, il qualifie également les Metroidvania. Et autant les derniers Castlevania peuvent être considérés comme des ARPG, autant il ne viendrait à personne l’idée de qualifier ainsi Metroid !!