ELLIOT QUEST – Windows, Mac OS X, Linux
Catégorie : action RPG
Joueurs : 1
Développeur : Ansimuz Games
Éditeur : Ansimuz Games
Date de sortie : 10/11/2014
Prix : 9,99 €
Site Officiel : http://elliotquest.com/
Dans la pléthore de titres néorétro sortis ces derniers mois, souvent financés via crowdfunding, il est parfois difficile de s’y retrouver et surtout de se souvenir que chacun n’est pas logé à la même enseigne. Ainsi, en dépit d’une aventure de longue haleine, Elliot Quest est plutôt à rapprocher de titres comme Inescapable dans la mesure où il est avant tout l’oeuvre d’une seule personne, Luis Zuno. Le Mexicain ne s’est entouré au sein d’Ansimuz Games que de seulement trois personnes en charge de la musique, de l’écriture et des artworks. Ainsi, on se rend mieux compte du travail accompli pour rendre hommage à Zelda II: The Adventure of Link, dont on retrouve la plupart des éléments, à commencer par l’alternance entre les séquences d’action/plateformes et les déplacements sur la carte, vus du dessus. Mais le jeu a néanmoins une identité propre, en particulier une ambiance poétique plus « indé » et des cinématiques oniriques. En effet, suite à la disparition de sa femme, Elliot découvre qu’il est immortel en tentant de mettre fin à ses jours, victime d’une malédiction qui consume sa vitalité et le transforme peu à peu en démon…
Si les interludes énigmatiques pourront en agacer certains, ils ne sont pas nécessaires pour apprécier un jeu dont le gameplay demeure bien plus fidèle aux jeux d’antan. La carte permet d’accéder à différentes zones, parfois cachées mais toujours indiquées par un point d’exclamation, et on croisera aussi quelques ennemis qui déclencheront des petits niveaux à la manière du classique de Nintendo ; on y récoltera des trésors mais aussi parfois des clés ! Parmi les zones à explorer, il y aura bien évidemment des donjons où l’on retrouve un gameplay basé sur l’utilisation d’objets. Ainsi, par exemple, une partie du premier gros donjon se montre quasiment impossible à franchir sans avoir récupéré le bouclier situé de l’autre côté, et qui s’utilise automatiquement lorsque l’on ne bouge pas – cela vous rappelle-t-il quelque chose ? De même, les habitués de Zelda reconnaîtront une bonne partie du bestiaire de la série, des chauves-souris aux gelées sauteuses en passant par les squelettes invincibles… Enfin, à l’instar du deuxième épisode de la saga, Elliot Quest contient quelques éléments de RPG.
En revanche, la principale différence réside dans l’arme principale du protagoniste, un arc dans l’air du temps et clairement plus efficace que la courte épée de Link, même si la trajectoire des flèches n’est pas simple à maîtriser au départ. Les débuts de l’aventure seront d’ailleurs, comme bien souvent dans les jeux d’action/aventure, assez difficiles puisque vous devrez par exemple affronter le premier boss avec seulement trois cœurs, et que les gardiens des donjons ne vous récompenseront pas d’un cœur supplémentaire ! Vous pourrez certes allonger votre jauge santé au cours de vos pérégrinations, mais ne vous attendez pas à ce qu’elle atteigne rapidement un niveau plus confortable… La difficulté est ainsi plutôt élevée d’autant que les ennemis lâchent rarement des cœurs, même si certains semblent plus généreux que d’autres de ce côté-là. En trouver en cassant des pots est encore plus rare, et il m’a même fallu plusieurs heures de jeu avant d’en trouver un seul de cette manière ! Le jeu peut également sembler injuste dans la répartition assez inégale des stèles de sauvegardes, où l’on revient en cas de mort.
Néanmoins, vous conserverez tous les objets ramassés, et votre progression sera également prise en compte ; les portes ouvertes à l’aide d’une clé le resteront, de même que les murs détruits avec une précieuse bombe ! En revanche, votre jauge de santé redescendra à la moitié sauf, étrangement mais heureusement, avant les boss. Mais la pénalité la plus vicieuse en cas de mort est sans doute la perte de points d’expérience. Évidemment, vous ne descendrez jamais d’un niveau, et vous conserverez donc les capacités débloquées en dépensant les points gagnés à chaque rang, réparties suivant cinq caractéristiques générales (force, agilité, etc.). De ce fait, durant certains donjons un peu plus ardus, il ne sera pas rare d’enchaîner les game over, d’autant que vous retenterez chaque fois votre chance avec une barre de santé incomplète, au point de totalement vider votre jauge d’expérience. Il sera donc parfois plus prudent de refaire les premiers niveaux pour faire du levelling ; il existe bien un item qui donne une grosse quantité d’expérience d’un coup, mais le ramasser alors que sa jauge est presque pleine est du gâchis…
En passant, si améliorer ses capacités se révèle en général salutaire, on pourra en revanche questionner l’intérêt de rendre le tir parfaitement horizontal, car sa trajectoire en cloche peut s’avérer pratique pour éliminer les ennemis en contrebas, sans leur faire face ! De manière générale, on peut trouver le gameplay un peu rigide même s’il ne fait pas pire que The Adventure of Link ou Wonder Boy en la matière, mais cela pourra poser problème durant quelques phases de plateformes plus ardues. Les commandes sont heureusement simples, avec un bouton de saut, un d’attaque, un pour utiliser l’objet ou le sort actif, et un bouton pour afficher l’inventaire et la carte. Étrangement, le bouton Start des manettes Xbox ne sert pas, tandis que le bouton Select/Back affiche un menu d’options. Enfin, les boutons de tranche servent au dash une fois débloqué, mais ils permettent surtout de passer d’une page à l’autre de l’inventaire – nouveauté fort bienvenue dans la mise à jour 1.1.4 ! Hélas, dans la version actuelle, ce menu pêche encore par son minimalisme ; aucune description des objets n’est donnée, pas même leur nom !
Préparez-vous donc à quelques expérimentations dans la mesure où le même encart réunit des objets qui s’équipent (les magies) et d’autres qui sont utilisés directement de l’inventaire (les potions). Elliot Quest n’est pas un jeu qui vous prend par la main, et ce n’est pas son manuel en pdf (une seule page avec les commandes) ou l’absence de traduction française qui arrangeront les choses… Autre exemple : on remarquera très vite une mystérieuse jauge de « chain » en bas à gauche de l’écran, que l’on peut prendre au départ pour l’expérience, mais il n’en est rien. Augmentant à chaque ennemi tué et baissant lorsque l’on est touché ou parfois toute seule, elle évoque une jauge de combo mais je n’ai toujours pas déterminé son effet lorsqu’elle est remplie et clignote. Je suppose que cela augmente le taux de coups critiques – le double de dégâts est infligé aux ennemis – mais rien n’est moins sûr… Cela dit, ma plus grosse frustration demeure le nombre de fois où je suis mort à cause des chauves-souris enflammées ou des essaims d’abeilles avant de découvrir (par hasard !) qu’elles étaient sensibles aux tornades…
On retrouve bien le côté obscur des premiers Zelda dans lesquels on ne sait pas trop où aller. Beaucoup de zones sont bien cachées sur la carte et il ne sera pas rare d’en trouver tardivement, pour se rendre compte qu’elles ne contenaient que de l’argent… Les donjons et cavernes eux-mêmes ne sont pas linéaires et on loupera souvent des choses en se demandant lequel des embranchements est le chemin « principal ». On sera également amené à faire pas mal de backtracking, et souvent inutilement car beaucoup de trésors laissés nécessitent deux pouvoirs différents. Par exemple, un coffre bleu, qui s’ouvre avec l’arc à condition de posséder une clé spéciale (!), sera bloqué par un mur à détruire à la bombe, ou un passage nécessitera la tornade et le double saut, etc. Les coffres ne donnent en plus que de l’argent dont l’utilité n’est pas évidente au début, d’autant qu’on ne peut porter que deux potions à la fois. Et en particulier si, comme moi, vous passez des heures à ne pas comprendre comment accéder à la partie de la carte au nord, où se trouve un second village avec des upgrades chers mais bien utiles !…
Il est clair qu’Elliot Quest veut renouer avec les jeux d’aventure hermétiques des années 1980, mais un petit effort pour ne serait-ce que décrire les objets des boutiques aurait été le bienvenu. Surtout que paradoxalement, les clins d’œil aux classiques du passé induiront en erreur ceux qui, par exemple, espèrent se recharger en bombes via les pots, alors que dans un premier temps, en l’absence de boutiques accessibles, il faudra venir les récupérer dans la grotte où on les a trouvées, et même retourner plusieurs fois dans le même écran en question pour faire le plein ! Heureusement, tourner en rond et revisiter les mêmes lieux n’est pas contre-productif puisque ce sera au pire l’occasion de faire du levelling et d’accumuler de l’argent. Chaque fois qu’on arrête sa partie après avoir erré des heures sans trouver grand chose, on se surprend à se souvenir d’un coup à d’autres zones où l’on aurait laissé un coin inexploré, où l’on pourrait peut-être tester tel ou tel pouvoir. Comme le dit très bien ce test, on se sent souvent perdu dans le jeu d’Ansimuz Games mais c’est ce qui fait son charme et transcende le plaisir de la découverte.
Et ce qui fait son charme également, c’est avant tout sa réalisation adorable. En dehors de quelques fautes de goûts (des rotations de sprites pas très old school par exemple), le pixelart minimaliste est franchement mignon et brille en particulier par un choix de couleurs réussi. Il est aussi indispensable d’évoquer les excellentes musiques de Michael Chait qui paraissent tout droit sorties d’un Zelda, même si elles se rapprochent sans doute davantage d’épisodes récents comme Wind Waker. D’ailleurs, mon thème préféré est celui qui accompagne les zones déclenchées par le croisement d’un ennemi sur la carte, clairement très moderne dans ses sonorités mais vraiment chouette. En revanche, il faut noter l’utilisation d’une technologie de type HTML5 qui se révèle un peu gourmande puisqu’elle sollicite davantage le CPU, même si Luis Zuno s’est montré heureusement plus raisonnable que les développeurs d’Insanity’s Blade. De plus, les mises à jour régulières, automatisées via Steam, en améliorent la stabilité.
Enfin, il faut reconnaître qu’Elliot Quest offre une durée de vie énorme comparativement à la plupart des jeux néorétro, même si elle tient aussi au fait que le joueur sera amené à faire de nombreux allers-retours. Néanmoins, sans même compter les quatre boss optionnels très difficiles à battre, et en général gardés par des portes nécessitant d’emblée sept cristaux, il faudra plusieurs dizaines d’heures pour voir la fin de l’aventure. Elle ne comporte pourtant que cinq gros donjons « classiques » à la Zelda, qui sont de toute façon conçus pour n’être visités qu’une fois, contrairement aux autres zones parfois aussi vastes, ou très bien cachées. Le level design est en outre presque toujours excellent, avec des énigmes vraiment intéressantes, même si certains pouvoirs peuvent sembler tordus (le caillou !) et que quelques passages de plateformes (les bulles !!) videront votre jauge d’expérience rapidement… Il sera donc conseillé de prendre des notes, voire de dessiner une carte… Comme au bon vieux temps finalement !
Verdict : Très plaisant à jouer, Elliot Quest est aussi et avant tout un hommage réussi au mésestimé Zelda II: The Adventure of Link, quitte à en conserver parfois le côté hermétique.