INSANITY’S BLADE – Windows
Catégorie : action RPG
Joueurs : 1
Développeur : Causal Bit Games
Éditeur : Causal Bit Games
Date de sortie : 05/12/2014
Prix : 6,99 €
Site Officiel : http://causalbitgames.com/our-games/insanitys-blade-the-arcade-experience/
Insanity’s Blade a connu un développement mouvementé, même si c’est probablement le lot de nombreux autres projets financés via Kickstarter. Mais pour avoir contribué à plusieurs de ces jeux, il me semble que Causal Bit Games a commis plusieurs erreurs à différents niveaux, que ce soit en termes de design, de planification et surtout de communication. Et malheureusement cela se ressent parfois de manière claire dans le produit « final » – du moins le jeu tel qu’il a été publié sur Steam, mis à jour dans une version 1.04 deux semaines plus tard… D’emblée, on avait trouvé étrange qu’une campagne lancée en novembre 2013 prévoit la sortie du jeu cinq mois plus tard ! Il faut dire qu’initialement, il devait respecter les contraintes techniques de la NES avant d’évoluer à plusieurs reprises, d’abord sur le plan graphique puis sur celui du gameplay ! Hélas, l’enfer du développement de jeux vidéo est lui aussi pavé de bonnes intentions, et non seulement ces changements ont induit de nouveaux bugs à corriger, mais certaines mécaniques, parfois incompatibles entre elles, ont été maladroitement empilées les unes sur les autres…
Bien entendu, les contributeurs sont sans doute en partie responsables d’avoir donné leurs avis pas toujours éclairés, mais le studio a aussi fauté en annonçant des délais irréalistes avant de tout repousser après être tombé sur un bug critique. Et il aurait sans doute dû, dès le départ, se fixer un objectif clair et s’y tenir – quitte à conserver les idées abandonnées pour une éventuelle suite, comme le font la plupart des grands éditeurs. Rien que sur le plan de la réalisation, Causal Bit Games n’a clairement pas tenu sa promesse d’une « expérience 8-bit ultime » même si les retrogamers apprécieront sans doute le résultat final. Débuté dans un style NES puis mué vers du 16-bit de plus en plus spectaculaire, Insanity’s Blade ressemble aujourd’hui à un jeu Neo·Geo réédité sur Saturn puis adapté au PC ! Outre des scrollings en parallaxe, le jeu affiche un nombre ridiculement élevé de sprites, jusque dans les pièces qui, durant de longues secondes parfois, filent par centaines vers le compteur après avoir ramassé un trésor… Au prologue dévoré par les flammes façon Rondo of Blood, succède le stage de la forêt qui se lance dans un concours de particules avec de la pluie, des feuilles mortes et des lucioles, le tout baigné dans la brume !
Certains de ces effets ne sont d’ailleurs pas très rétro comme les distorsions ou les auras transparentes dont le studio est tombé amoureux au point d’en coller sur chaque goutte de pluie durant les cinématiques… Sans être toujours du meilleur goût, cela flatte la rétine mais ça semble nuire parfois au gameplay. Sans forcément que l’animation en pâtisse, on a parfois l’impression que les commandes répondent mal. On avait notamment expérimenté cela lors des phases de glisse à dos de zombi (!), qui ont d’ailleurs été judicieusement simplifiées dans la version finale… De manière générale, l’aspect plateformes, quoique très présent, a été réduit au profit d’un gameplay plus beat ’em up. Hélas, le joueur qui se jettera dans l’action sans lancer le didacticiel « how to play », absent de la version preview et qui affiche des boutons génériques de borne d’arcade difficiles à identifier, risque de passer à côté d’une bonne partie de la panoplie de coups, déjà pas énorme. La projection n’est pas instinctive et on oubliera souvent de la combiner avec bas pour arracher les membres des ennemis. Et rien n’indique que le bouton Back affiche un inventaire où l’on peut choisir son arme parmi celles glanées lors des quêtes secondaires…
Le positionnement des touches, qui place le bouton de saut à droite et celui d’action en bas, n’est pas non plus très « standard » mais on peut le configurer depuis la récente version 1.05. De toute façon, la variété de l’arsenal passera plutôt par le ramassage d’armes – dont ces épées qui ressemblent à des carottes géantes – et par le levelling. L’ajout des sempiternels « éléments de RPG » fait ici que l’on débute avec ses poings avant de lancer des couteaux dès le niveau 2, transformant quasiment le jeu en un run and gun ! C’est aussi pour cela qu’au bout d’un moment, on en oublierait les projections si elles ne s’avéraient pas très pratiques puisqu’elles peuvent tuer instantanément les ennemis si le plafond est bas – le genre de bug que les plus indulgents (et les développeurs) appelleront une « feature » du jeu… Cette fonctionnalité se révèle en tout cas indispensable tant le jeu semble parfois forcer le levelling avec des ennemis incroyablement longs à battre si l’on s’y prend mal, d’autant que leur clignotement est parfois trompeur. Et il faudra être d’autant plus prudent, en particulier avec les ennemis munis de boucliers, que le temps est extrêmement limité, parfois même insuffisant avant de récentes mises à jour…
Il n’existe en plus aucun moyen (a priori) d’ajouter du temps au chrono, et même s’il n’est pas toujours judicieux de traîner vu la manière dont les ennemis respawnent, voilà un bon exemple de mécanique qui va à l’encontre du levelling… De plus, s’il est techniquement possible de refaire les niveaux à volonté si l’on fait exprès de ne pas accomplir les quêtes annexes par exemple, ils deviennent inaccessibles une fois celles-ci remplies. En effet, outre les stages principaux, identifiés par des points rouges sur la carte, il existe des missions (points bleus), parfois obligatoires, qui consistent en un simple écran donnant un objectif à accomplir dans les stages. Ainsi, des items voire des zones cachées font leur apparition dans les niveaux, même s’il est assez rageant parfois de les repérer la première fois sans avoir encore « le droit » de les explorer puisque la mission n’a pas encore été activée… Ce mécanisme est mis en place dès le second niveau dont l’entrée est bouclée à la première visite, ce qui est très perturbant ! Il faut dire aussi que j’ai mis du temps à comprendre qu’il faut utiliser le bouton de projection pour ramasser un objet – alors qu’il suffit « d’attaquer » un prisonnier pour le libérer dans le prologue…
Heureusement, il est possible de quitter le niveau à tout moment pour revenir sur la carte. On conserve ainsi son argent et son expérience, mais comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer de nombreuses fois ici, je n’aime pas trop l’idée d’un jeu dont la difficulté est mal dosée pour se reposer sur le levelling et le farming. Étrangement, un correctif devait diminuer l’apparition de gros loots mais, même si les items laissés par les monstres sont très aléatoires – parfois on croule sous les potions et parfois on désespère d’en trouver – certains ennemis se montrent encore exagérément généreux. Bien entendu, cet argent pourra être dépensé dans les boutiques où l’on peut rendre son tir triple, sextuple et enflammé, acheter des fioles pour rallonger son énergie, booster les haches du second joueur ou encore acheter des vies supplémentaires. Celles-ci permettent de reprendre au dernier autel, qui fait office de checkpoint, mais là encore des changements étranges ont été opérés dans la version finale. En preview, perdre toutes ses vies obligeait logiquement à recommencer le niveau du début, mais les continues étaient limités, ce qui rendait le jeu pour ainsi dire impossible à finir sans acheter des tonnes de vies.
Mais dans la version finale, les continues sont illimités et en perdre un fait aussi revenir à l’autel, ce qui rend l’existence même de vies limitées sans intérêt ! J’avoue ne pas avoir pu tester le mode deux joueurs et j’ignore s’il est mieux équilibré, mais il ne doit rien arranger au côté bordélique de l’ensemble… La difficulté est assez mal dosée et j’ai parfois eu l’impression que le jeu devenait de plus en plus facile, mais pas tant du fait du levelling que des mises à jour successives qui ont corrigé certaines aberrations, notamment sur le temps imparti dans chaque niveau. Comme je le disais plus haut, les ennemis respawnent toujours comme des dingues, surtout quand les morts-vivants sont de la partie, quitte à apparaître sous nos pieds ou à se suicider afin d’autoréguler leur population. Encore une fois, Insanity’s Blade ressemble à ces jeux d’action obscurs sur 16-bit, au fond assez médiocres car répétitifs et peu maniables, mais qui pouvaient devenir un plaisir coupable pour beaucoup d’entre nous, grâce à un feeling arcade et un univers attachant. Mais ce que l’on ne trouvait pas à l’époque dans un Magician Lord par exemple, ce sont tous ces bugs, des freezes et un temps de chargement initial très long…
Ce dernier point rappelle d’ailleurs Crouching Pony Hidden Dragon qui était stocké en entier en RAM pour simuler l’usage d’une cartouche Neo·Geo. Mais avec une réalisation bien plus old school que ce dernier, le jeu de Causal Bit Games a sans doute un capital sympathie plus important. Il faut aussi noter les musiques absolument géniales, même si on les entend hélas boucler si l’on traîne dans les niveaux. Par défaut, ce sont les versions 8-bit qui sont proposées, et je n’ai au final presque pas essayé les moutures 16-bit nettement moins pêchues à mon goût. Encore une fois, ce n’est pas du côté de la réalisation qu’on aura des reproches à faire. Le problème, c’est plutôt que l’on a affaire à un titre inégal, parfois confus du fait, par exemple, de la présence d’échelles alors qu’on peut aussi s’accrocher au mur – ce qui permet en plus de tirer ! La maniabilité n’est pas satisfaisante avec des sauts bien plus en hauteur qu’en longueur, un défaut typique des jeux réalisés avec de genre de logiciel. Les bonus disparaissent si vite qu’on prend parfois des risques inutiles pour les ramasser ; à quoi bon foncer au travers d’un paquet d’ennemis pour collecter un pain de mie qui nous donnera moins que ce que l’on a perdu ?
Mais même si l’on pestera sur certaines séquences pénibles où le moindre faux pas nous ramène loin en arrière, Insanity’s Blade demeure plaisant à jouer durant la majorité du temps, pour peu que l’on apprécie les jeux bourrins et répétitifs. Les tentatives pour créer de la variété tombent hélas à plat, car les phases de shoot ’em up comme celles de glisse à dos de zombi sont plus laborieuses que vraiment amusantes. Mais on a surtout l’impression d’avoir affaire à un jeu pas terminé ; même si l’on a bien conscience que le titre est développé par deux personnes, on a vu des titres comme Völgarr the Viking ou Tiny Barbarian offrir un niveau de finition bien plus élevé, sans pour autant bénéficier de beaucoup plus de personnel… Toutefois, il faut reconnaître que Causal Bit Games demandait deux à trois fois moins d’argent que les développeurs de ces jeux, mais cela n’excuse en rien le manque de communication du studio ; j’ai même eu l’impression que les contributeurs n’auraient pas eu droit à une clé Steam si je n’en avais pas fait la demande, puisque nous n’avions pas été informés de cette sortie ! Nintendo a beau avoir (trop ?) assoupli sa politique, on reste inquiet au sujet du portage Wii U prévu…
Verdict : Bourrin, répétitif et surtout bancal, ce défouloir offre tout de même quelques très bons moments, mais il reste encore beaucoup de boulot aux développeurs pour convaincre…