PREVIEW : Chaos Reborn

Chaos Reborn (Windows, Mac OS X, Linux)

Bien qu’il n’ait pas été le comeback sur Kickstarter le plus médiatisé, Chaos Reborn tient une place importante pour nous puisqu’il s’agit du nouveau jeu du créateur de X-COM, autrement dit notre membre d’honneur Julian Gollop. C’est d’ailleurs aussi pour cela que nous vous en proposons une preview ; non seulement le jeu est encore en accès anticipé sur Steam, mais il nous semblerait peu déontologique d’en faire un test noté… Commençons par rappeler que comme son nom l’indique, il s’agit d’un remake de Chaos: The Battle of Wizards, publié en 1985 sur ZX Spectrum par Games Workshop. Ironiquement, c’était une adaptation d’un jeu de plateau créé en 1982 par Gollop, lui-même inspiré par un titre de l’éditeur, le méconnu Warlock (1980). Trente ans plus tard, le principe de base reste le même – un affrontement entre sorciers par créatures interposées – mais l’expérience est quand même bien différente, d’autant que l’original se limitait aux escarmouches. C’était du reste le cas des premières bêta du remake, téléchargeables gratuitement jusqu’à son arrivée sur Steam. Depuis, le jeu a fait l’objet de nombreux ajustements et ajouts, dont les sorciers contrôlés par l’IA et surtout d’un mode solo depuis juillet. Grande nouveauté de ce remake, c’est surtout lui qui va nous intéresser…

Revenons tout de même sur le principe général. Comme je le disais, le but est de vaincre le ou les sorcier(s) adverse(s) en moins de vingt tours. Et même si l’on se résoudra parfois à se faire justice soi-même, il est moins risqué (et plus jouissif) d’anéantir son ennemi à distance, à l’aide d’une créature invoquée, par exemple un rat si on veut bien l’humilier… Mais, et c’est l’un des éléments qui donnent à Chaos Reborn son côté jeu de société, on ne peut lancer que des sorts dont les cartes se trouvent dans notre main, et qui elles-mêmes proviennent d’une pioche tirée au sort à chaque partie. De plus, chaque invocation a une chance de réussite indiquée par un pourcentage. Néanmoins, bien que le hasard reste très présent comme on le verra à plusieurs reprises, le joueur conserve un certain contrôle sur ces pourcentages, qu’il peut même faire monter à 100% avec de la préparation ! Pour cela, il dispose de deux « outils ». Le premier est l’équilibre entre Loi et Chaos qui régit chaque partie, puisqu’il est plus facile de réussir un sort correspondant au camp dominant. Le second réside dans les points de Mana (MP), accumulés en cours de combat et que l’on peut sacrifier avant chaque sort pour augmenter le pourcentage de réussite… Ce sont donc vraiment ces deux éléments qui rendent le jeu stratégique.

Le Dragon Saphir est la créature la plus puissante du camp de la Loi

Le Dragon Saphir est la créature la plus puissante du camp de la Loi, mais il faudra se montrer patient pour augmenter ses chances de l’invoquer !

L’équilibre entre Loi et Chaos est clairement celui qui a le plus d’influence sur les chances de succès, mais il est également à double tranchant. Tout d’abord, dans la mesure où votre sorcier peut lui-même appartenir à l’un des deux camps en fonction de la nature de son sceptre, il est plutôt logique de privilégier les sorts correspondant, dont chaque exécution réussie fera encore davantage peser la balance en votre faveur… Mine rien, avec un peu de discipline, c’est-à-dire en débutant par des invocations moins risquées quitte à utiliser de la Mana lorsque c’est plus délicat, on peut atteindre en moins de dix tours un stade où l’on peut invoquer facilement des créatures surpuissantes ! Toutefois, dans la pratique, ce n’est pas toujours aussi simple. Déjà parce que votre deck est tiré au hasard, et qu’il pourra donc favoriser parfois l’autre camp. De plus, certains combats dans le mode solo sont régis par une règle spéciale (appelée Tabou), qui peut interdire les cartes Loi, Chaos ou neutres… Mais surtout, il ne faut pas oublier que l’équilibre concerne tous les participants au combat, et augmentent aussi les chances de réussite de vos adversaires, qui peuvent du reste appartenir au même camp que vous ! S’ils ne le sont pas, ils auront certes de moins bons pourcentages, mais ils auront toujours la Mana à disposition…

Car, bien qu’on ne puisse sacrifier qu’un nombre de MP défini par son sceptre (le double si le sort est du même type), une dizaine de pourcents peuvent faire la différence, en particulier en début de partie. Surtout que l’on peut notamment gagner de la Mana en ratant un sort, le nombre de points étant en outre inversement proportionnel aux chances de réussite. Il existe aussi d’autres manières d’en accumuler, la plus immédiate étant de sacrifier des cartes de sa main, voire des créatures si l’on est désespéré (et suicidaire) !… Une autre méthode, plus risquée, consiste à directement puiser la Mana depuis des sources situées en général en plein milieu de chaque carte ; celles-ci sont très rémunératrices mais, après quelques tours, il deviendra dangereux de les ramasser d’autant qu’un sorcier ne peut le faire en chevauchant une monture – ce serait trop facile ! Enfin, on gagne également de la Mana chaque fois que l’on élimine une créature ou un sorcier adverse, et ce bonus sera amplifié si l’attaque est portée non seulement par votre sorcier, mais en plus au corps-à-corps ! Et la Mana ne sert pas qu’à augmenter ses chances de réussir un sort, mais aussi à activer le pouvoir de certains talismans, et surtout à ajouter un pouvoir surpuissant à sa main une fois la jauge du sceptre, en bas à droite de l’écran, remplie.

Il vaudrait mieux se débarrasser de ce gros géant

Il vaudrait mieux se débarrasser de ce gros géant qui semble garder l’arbre à Mana à ses côtés…

Et à tous ces éléments stratégiques s’en ajoute encore (au moins) un, et le plus sournois : les illusions ! Bien que j’aime l’idée de pouvoir invoquer de fausses créatures, je reste mitigé sur son implémentation actuelle qui a toutefois été raffinée depuis les premières démos. L’idée est que, chaque fois que l’on invoque une créature, on peut opter pour une illusion qui a 100% de chances de réussite, et qui est pourtant aussi forte et résistante qu’une créature réelle !… Dans ce cas, pourquoi ne pas créer que des illusions ? Eh bien parce qu’elles peuvent être annihilées avec le sort disbelief, toujours disponible et qui réussit à coup sûr. De plus, si vous avez vu juste, cette action sera gratuite. Mais je continue de penser que c’est un peu léger, et j’ose très rarement tenter un disbelief de peur de perdre mon tour si je me trompe… Et dans la mesure où il n’y a pas de points de vie dans Chaos Reborn, j’aurais préféré que les illusions soient inoffensives ; leur simple présence suffit à stresser le joueur, d’autant que les règles d’engagement des unités, par exemple, font qu’une créature même faible constitue un obstacle de plus à franchir. Et pourtant, je dois admettre que je n’ose pas trop utiliser les illusions car, si mes chances sont trop faibles d’invoquer une créature, je crains d’éveiller forcément les soupçons de mon adversaire…

À ce sujet, il faut saluer la grande variété des sorts, qui ne servent pas qu’à invoquer des créatures, mais aussi à lancer des attaques, équiper son sorcier et même bâtir des structures qui renforceront votre armée. De plus, les invocations ne sont pas juste plus puissantes en fonction de leur pourcentage de réussite ; chaque unité a ses propres caractéristiques et son utilité. Par exemple, les nains sont lents et pas très forts mais très résistants, et font vraiment office de mur de protection. Les aigles, bien que faibles, sont terriblement mobiles et portent au final très bien leur surnom de « tueur de sorcier »… En plus de leurs différentes valeurs d’attaque, de défense et Cie, les créatures se différencient par leur nature même. Certaines sont multiples comme les rats, d’autres volent et ne sont donc pas soumis au relief, certaines peuvent servir de montures aux sorciers et mourir à leur place, ou disposent de propriétés spéciales comme les créatures de type « mort-vivant » qui peuvent parfois paralyser une unité adverse, dans la mesure ou seul un autre mort-vivant ou une attaque magique – auxquelles elles sont très sensibles – peuvent s’en débarrasser… D’ailleurs, il reste sans doute encore de l’équilibrage à faire, mais Snapshot Games a toutes les cartes en main… si vous me passez l’expression !

La structure en haut à gauche permet de ressusciter

La structure en haut à gauche permet de ressusciter (parfois) une unité qui vient de mourir

Venons-en donc aux modes de jeux, qui se répartissent (pour le moment) en deux familles, offline et online. Hors connexion, on est limité à des escarmouches multijoueur en local ou en solo contre l’IA, comme il y a trente ans sur ZX Spectrum ! On peut même jouer en mode « classique » où les sorciers se contentent d’un équipement standard. En ligne, les affrontements pourront se dérouler en direct ou en mode asynchrone, et on pourra opter pour des parties amicales, sans conséquences, ou des matches de ligue, récompensés par de l’argent et même des médailles si l’on est bien placé dans les classements. Et paradoxalement, c’est dans la section online que se trouve le mode solo car, en plus de se lancer dans l’une des campagne de Realms of Chaos, on peut se proposer comme allié pour venir en aide à un sorcier en difficulté sur un combat de ce mode. À l’inverse, certains sorciers affrontés dans ce mode pourront être incarnés par de vrais joueurs qui auront choisi l’option « envahir » dans le mode lui-même. Et autant on sait lorsque l’on recrute un allié, puisque cela coûte de l’argent et qu’il faut attendre qu’un candidat soit trouvé, autant la nature de son adversaire est toujours une surprise. A priori, on ne s’en rend compte que grâce aux portraits en haut à gauche de l’écran en combat, entourés d’un cercle coloré.

Ce cercle représente le temps imparti pour chaque tour de jeu et s’il diminue, c’est que l’on fait face à un humain. Mais de toute façon, on se rendra surtout vite compte qu’un ennemi vivant est bien plus lent, ce qui aura vite fait d’agacer d’autant qu’il constituera, en général, un adversaire plus retors. On espère d’ailleurs que soit ajoutée la possibilité de désactiver les invasions… Le mode a en lui-même bien changé depuis sa mise en ligne, et j’avais même bouclé cette preview jusqu’à ce que la version v0.29 arrivée fin août ne m’oblige à en réécrire la moitié… En plus d’ajouter la forge – j’y reviendrai – elle rend le mode Realms of Chaos nettement plus riche. En fonction du niveau de son sorcier, on aura accès à différentes campagnes se déroulant sur une carte embrumée. Le but est de vaincre, avant qu’il ne vous bannisse lui-même, le Wizard Lord en lançant un sort depuis une citadelle ou un palais capturé au préalable. Il n’est donc plus nécessaire d’éliminer tous les sorciers, mais le « tarif » du sort en points de Mana sera d’autant plus faible que vous aurez nettoyé la carte au préalable. Vous l’aurez compris ; vous disposez donc d’un stock de magie externe aux combats, qui vous permettra de lancer divers sorts globaux permettant de lever une partie du brouillard par exemple, ou de renforcer vos bastions.

La carte que l'on parcourt dans le mode solo Realms of Chaos

La carte que l’on parcourt dans le mode solo Realms of Chaos

En effet, la carte est désormais parsemée de campements de différentes créatures, que l’on peut recruter de force en les attaquant, ou en dépensant des « kudos » de type Loi ou Chaos gagnés en combat. Les armées qui s’y trouvent peuvent être ensuite envoyées pour attaquer à la place de votre sorcier, ou en renfort de celui-ci. Mais à l’inverse, des sorciers ambulants, les maraudeurs, peuvent tenter de les détruire. Dans les deux cas, si votre sorcier n’est pas présent, il est remplacé par un totem fixe doté d’un deck très réduit. Comme il ne peut pas invoquer de créatures, ces parties ressemblent à des combats de type « prédéployé » pour reprendre un terme de jeu de stratégie. Par conséquent, il faut nettement plus prendre soin de ses créatures fournies et ces combats, s’ils offrent un peu de variété, ne sont pas toujours très amusants… En dehors de ces bastions, la carte contient des évènements cachés à la présentation austère, rappelant les fameux Livres dont vous êtes le héros. En fonction de vos choix, ils offrent des récompenses et/ou font perdre des tours. À l’inverse, des téléporteurs permettent de traverser la carte plus rapidement contre de l’argent, que l’on peut également dépenser dans des villages. On peut y acheter des « rumeurs » qui permettent d’identifier les points importants sur la carte.

Les deux autres types d’articles sont l’équipement et les mercenaires. Ces derniers sont des créatures qui prendront part au prochain combat sans nécessité de les invoquer. On peut même en engager plusieurs en fonction de sa « réputation » actuelle. Côté équipement, on trouve en général une ou deux armures, un ou deux sceptres et surtout une sélection de talismans. Les armures correspondent aux statistiques générales de votre sorcier (attaque, défense, magie, etc.) tandis que les sceptres ont un type favorisant certains sorts et définissent la taille de votre main, le bonus maximal de Mana qu’on peut ajouter à sa probabilité de chance, ainsi qu’un super pouvoir avec le nombre de MP qu’il coûte. Enfin, armures et sceptres peuvent être décorés de talismans, à condition qu’ils aient la bonne forme ! Ceux-ci conféreront différents pouvoirs à activer parfois durant la partie en dépensant des MP, ou assureront par exemple la présence d’une carte donnée dans votre main. Il est possible de se créer plusieurs sets d’équipement et, avec l’ajout de la forge, certains contributeurs peuvent créer une armure et un sceptre personnalisés, non seulement au niveau de l’apparence mais aussi des capacités. Il faut toutefois respecter un nombre maximal de points à partager entre les statistiques.

La forge permet de personnaliser certains éléments de l'armure

La forge permet de personnaliser certains éléments de l’armure

Moins austère dans sa présentation qu’à l’origine, ce mode Realms of Chaos demeure assez difficile au début. Quand on meurt, la résurrection est gratuite dans le royaume de niveau 1 mais son coût augmentera à chaque échec aux niveaux supérieurs. Et vous allez mourir bien souvent, entre un combat qui démarre avec un deck foireux, et un autre où il semble parfait mais… Il est tout à fait possible de dominer son ennemi, avec plein d’unités boostées par des structures et même ressuscitées par plusieurs fontaines, pour finalement être tué par un aigle ou un rat (pas forcément réel !) dans une attaque de la dernière chance… Encore une fois, cet aspect aléatoire pourra agacer, mais d’un autre côté, Chaos Reborn ne fait pas partie de ces jeux qui favorisent les gros joueurs – ou plutôt ceux qui achètent de l’équipement et de l’expérience à coups de micropaiements. Ici, l’expérience est réelle puisque le niveau de votre sorcier définit uniquement à quelles campagnes vous avez accès… Et on peut certes faire monter la probabilité de lancer un sort à 100%, mais pas celle de réussir une attaque ; une unité faible aura toujours une chance, même infime, d’éliminer un unité puissante et bien protégée ! Au pire, si un sorcier vous résiste, il est possible de résoudre les combats instantanément suivant un pourcentage de chance…

Pour vous donner une idée, j’ai obtenu un score de −396 lors de ma première campagne (version 0.28)… Il faut prendre en compte que je découvrais ce mode, que j’ai fait beaucoup d’allers-retours pour rien d’autant que les sorciers étaient bien cachés ; or chaque déplacement fait baisser le score ! Je n’ai pas toujours pensé non plus à tirer parti de certaines mécaniques, n’ayant pas toutes les règles encore en tête. Par exemple, je n’ai jamais fait appel à un sorcier allié, et pas seulement parce que cela coûte un peu d’argent et qu’il faut se partager les gains en cas de victoire ! En effet, je n’ai jamais eu le courage d’attendre que le serveur, pourtant parfois très peuplé si l’on en croit les ralentissements et les déconnexions, me trouve un partenaire. Il semble que les autres joueurs soient pour le moment plus motivés pour envahir votre partie que pour vous donner un coup de main… ll est prévu de pouvoir « empêcher » les invasions sans que l’on sache encore s’il s’agit d’une option ou d’une stratégie. Et quand on recommence plusieurs fois le même combat, se retrouver d’un coup face à un joueur humain bien roublard ne fait que rendre le facteur chance du gameplay plus cruel… Par exemple, j’ose rarement recruter des mercenaires de peur de les perdre si le combat suivant se montre particulièrement injuste…

Le relief a une incidence sur les combats

Le relief a une incidence sur les combats, de même que le lion bloque ici la ligne de tir de l’elfe

Même en cas d’échec, les alliés du sorcier adverse ne prendront pas part au combat suivant s’ils ont été tués durant votre précédente tentative, mais depuis la version 0.29, le Wizard Lord renfloue hélas régulièrement ses sorciers… Malgré tout, ce mode Realms of Chaos est prenant et on se surprend à retenter sa chance même après avoir été tué dix fois de suite par un p***** d’aigle… Au contraire, l’envie de revanche n’en est que plus grande ! Néanmoins, bien que Chaos Reborn s’adresse clairement aux amateurs de jeux de plateau qui ont l’habitude de se soumettre au hasard des dés, le Wizard Lord semble un peu trop difficile à vaincre. Mais le développement n’est pas terminé ; il y a comme on l’a vu de fréquentes mises à jour qui modifient parfois de manière critique l’équilibre, et à terme il sera sans doute plus facile de trouver un allié. En tout cas, la réalisation est déjà convaincante, même si les graphismes ont peut-être perdu le côté abstrait hérité du ZX Spectrum qu’ils avaient dans les premières démos. Cela manque aussi parfois de lisibilité quand des unités sont proches – il m’est arrivé de me tromper de cible – et certains animations sont encore difficiles à interpréter. Enfin, la musique est réussie et pas trop prise de tête, mais on espère plus de variété dans la version finale…

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