TEST : Vairon’s Wrath

Vairon’s Wrath (Windows)VAIRON’S WRATH
Windows
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1
Développeur : Myoubouh Corp
Date de sortie : 27/05/2016 (Steam)
Prix : 12,99 €
Site Officiel : [Vairon’s Wrath]
Jeu intégralement en français
(copie fournie par le développeur)

Vairon’s Wrath est la première création du studio suisse Myoubouh Corp, qui a d’emblée placé la barre assez haut en termes d’ambition. Car, quoi qu’on pense du résultat, tout à fait honorable, un jeu d’action/aventure aussi vaste a dû demander un travail colossal… Certes, il a été créé à l’aide de RPG Maker, un outil souvent décrié par sa tendance à produire des jeux similaires, mais le studio n’a pas hésité à contourner certaines restrictions pour proposer quelque chose de différent – ce n’est même pas un RPG à proprement parler ! Plutôt que d’employer ce moteur pour se contenter de raconter une belle histoire, le studio a travaillé son gameplay afin d’offrir plus de variété. Ce n’est pas non plus une énième aventure « méta » parodiant le genre, même s’il ne se prend pas trop au sérieux. Néanmoins, il joue clairement la carte de la nostalgie avec un univers et un point de départ très classiques. On retrouve la légende qui se réincarne façon Zelda, mais avec des personnages et des dialogues influencés par la japanime : le héros sanguin au grand cœur, le vieux sage protecteur, la fiancée incomprise objet de quiproquos romantiques… Il est clair que ce n’est pas ce jeu qui va convertir au genre les détracteurs des RPG à la japonaise !

La réalisation est agréable mais on pourra trouver qu’elle manque de cohésion et d’une identité forte ; le héros et sa Némésis inspirés par Dragon Ball Z tranchent pas mal avec le reste du casting. Les graphismes sont soignés mais un peu inégaux, en particulier les sprites alors que les décors sont très réussis. Néanmoins, la résolution du jeu étant plus élevée que sur les consoles 16-bit qui faisaient tourner les classiques auxquels Vairon’s Wrath fait référence, il n’a pas toujours été simple d’équilibrer la composition des lieux, parfois (mais rarement) bien vides comme le pont inférieur du bateau, et plus souvent surchargés, d’autant que Myoubouh Corp semble beaucoup apprécier les filtres au premier plan… Du coup, il arrive que l’on cherche son avatar après un changement d’écran comme on le ferait au début d’une partie de Saturn Bomberman ! Sur le plan sonore, les bruitages sont assez anecdotiques mais les musiques constituent le point fort du jeu, indéniablement. Sans tomber dans la facilité de la chiptune, elles conservent un charme rétro et offrent plus de 2h30 de musique, ainsi que la participation de Josh Mancell (Crash Bandicoot) et même de Marion Chauvel alias Mioune le temps d’une chanson !

C’est joli mais ça manque parfois de lisibilité…

C’est joli mais ça manque parfois de lisibilité…

Et heureusement, le contenu a aussi fait l’objet d’un grand soin. Le jeu fourmille de petits détails, en particulier au niveau des interactions ; on trouve des textes de commentaires sur de nombreux éléments de décor. Les dialogues sont également bien écrits et font preuve d’un certain humour, tournant parfois le genre en dérision mais sans lourdeur, ce qui est suffisamment rare pour mériter d’être souligné. Néanmoins, cela fait d’autant plus regretter l’austérité des animations (escalade, saut) ou le minimalisme des attaques ennemies, par exemple, rappelant plus dans l’esprit les premiers titres du genre sur 8-bit que les jeux 16-bit auxquels Vairon’s Wrath ressemble. Lorsque l’on dort, on a juste droit à un écran noir accompagné d’une berceuse – comme dans beaucoup de classiques de l’âge d’or, certes. Tout cela n’est pas dramatique et choquera moins l’habitué des jeux indé, mais cela nuit tout de même à la mise en scène qu’on aurait aimé parfois plus épique. Le premier affrontement avec le grand méchant, typiquement, n’a sans doute pas l’impact qu’il devrait avoir, la faute à des projectiles bien peu formidables ; ils semblent d’ailleurs assez proches, hormis la couleur, du cristal totalement inoffensif du héros.

Les contrôles pourront également faire débat, sauf si vous préférez jouer au clavier dans la mesure où ils ont plutôt été pensés pour ce périphérique, avec une barre de raccourcis façon MMO… Celle-ci peut être personnalisée afin d’avoir accès à presque tous les items à tout moment, quand un Zelda nous oblige souvent à repenser la configuration à chaque donjon – en particulier dans Link’s Awakening vu le faible nombre de boutons qu’offre une Game Boy… Hélas, ceux qui souhaitent utiliser une manette comme votre serviteur rencontreront plus de difficultés. Même avec Joy2Key, on n’est pas totalement à l’abri de certains conflits, et il faudra avoir bonne mémoire car les raccourcis donnés en jeu correspondent uniquement au clavier. Myoubouh Corp m’avait fourni une configuration bien pensée pour la manette PlayStation 4, mais qui ne marchera pas avec celle de la Xbox One dont les gâchettes ne semblent même pas reconnues… Après quelques tâtonnements, j’ai fini par trouver une solution acceptable, mais qui m’a demandé un temps d’adaptation ; même s’il est finalement logique d’utiliser le bouton Back pour annuler, c’est rarement le cas dans les jeux du commerce ! Bref, c’est loin d’être idéal…

Ce stalagmite se détruit avec le bâton de feu

Ce stalagmite se détruit avec le bâton de feu

On aurait donc aimé que le jeu nous facilite un peu la tâche, en ne limitant pas l’assignation des raccourcis par catégories d’objets par exemple. Le gameplay aurait peut-être aussi gagné à être simplifié, en remplaçant le bâton de feu par une amélioration de l’arc. À ce sujet, Vairon’s Wrath est donc avant tout un jeu d’action/aventure et se prend en main comme A Link to the Past, si ce n’est que les déplacements sont gérés par case. L’aspect RPG vient de la présence de paramètres invisibles au joueur, mais trahis par des indications de dommages, de coups critiques ou ratés et autres altérations d’état (endormi, aveugle, brûlé, etc.). Mais on ne peut pas pour autant qualifier le jeu de RPG, dans la mesure où il n’y a pas de levelling et très peu d’équipement pour influer sur ces caractéristiques : seulement quelques épées… Les amateurs du genre pourront donc être frustrés du manque de progression, d’autant que les noix, qui rehaussent la capacité de la jauge de santé, ne sont pas dispensées aussi régulièrement que les réceptacles de cœurs d’un Zelda. Il est toutefois possible de grinder, mais uniquement pour l’argent, et certaines quêtes secondaires permettront de porter plus d’objets d’un type donné.

Et cette absence de progression se fera d’autant plus ressentir que l’aventure offre un challenge parfois relevé. Les ennemis de base sont certes peu résistants mais peuvent faire très mal si on ne fait pas attention ; le côté RPG induit aussi un côté aléatoire, et une combinaison de coups ratés de votre part ou de coups critiques de l’ennemi peut s’avérer vite fatale ! De manière générale, la difficulté ne semble pas toujours très progressive, d’autant que les sauvegardes sont parfois étonnamment éloignées comme dans le volcan, par exemple. De plus, certaines d’entre elles régénèrent, en particulier celles qui se trouvent avant un boss, mais cela ne se voit pas forcément et on pourra ainsi gâcher des objets de soin. Et à propos des boss, ils ne sont pas tous difficiles mais la plupart ont des jauges d’énergie absolument gigantesques, certains affrontements se transformant en tests de patience… Cela dit, beaucoup d’entre eux peuvent hélas se bourriner sans réfléchir, à condition d’avoir suffisamment de nourriture sur vous. Ce sera même parfois la meilleure stratégie contre certains ennemis capables de se régénérer si on les laisse en vie trop longtemps ! Mais les combats sont parfois bien plus intéressants, bien sûr.

Ce boss, qui s'affronte à la manière d'un shoot 'em up, se révèle plutôt fun...

Ce boss, qui s’affronte à la manière d’un shoot ’em up, se révèle plutôt fun…

Certains boss demandent en effet un peu plus de stratégie, voire relèvent carrément de l’énigme à résoudre, et d’autres sont basés sur un gameplay particulier (le shoot ’em up par exemple). De manière générale, la variété est le maître-mot de Vairon’s Wrath. En effet, le jeu multiplie les mécaniques et presque chaque « donjon » offre un gimmick qui le différencie des autres. Certes, ces idées ne sont pas toujours totalement inédites (température qui monte dans le volcan, séquence d’infiltration pour s’échapper d’une prison, etc.) mais la plupart d’entre elles ont le mérite d’être bien appliquées. Bien entendu, le level design manque souvent de naturel comme c’est de toute façon le cas dans les classiques du genre – les énigmes sont rarement logiques dans un Zelda – avec des tonnes d’interrupteurs qui s’activent de différentes manières et des architectures qui n’auraient aucun sens dans la réalité ! La séquence dans les égouts est à ce titre bien alambiquée… Mais à condition d’adhérer à ce type de jeu et d’aimer les énigmes, l’ensemble est plutôt réussi et on ne regrettera que quelques passages un peu scolaires, ainsi que certains poncifs comme la forêt labyrinthique – ici présente sous deux formes différentes !

Ce qui est plus gênant mais heureusement rare, ce sont quelques maladresses dans le design. Par exemple, le grappin devra être obligatoirement utilisé pour attraper à distance certains objets clés, mais il se montre en revanche incapable de ramener les items communs comme le ferait le boomerang d’un Zelda, ici remplacé par le cristal. Il y a donc bien une cohérence propre au jeu (deux accessoires pour deux types d’objets), mais cette règle ne correspondra pas forcément à l’intuition du joueur. Dans le même esprit, les poches qui augmentent le nombre d’objets de soin que l’on peut stocker doivent être utilisées, alors que la quantité maximum d’un type de munition (bombes, flèches) est directement augmentée par un PNJ en récompense d’une quête. Cela n’a bien sûr rien de rédhibitoire et il faut juste s’y faire, comme il faut s’habituer à la vue en perspective qui ne permet pas toujours de bien identifier la hauteur des plateformes, et de les différencier des murs. Ce manque de lisibilité n’a en général pas d’importance d’autant que les sauts sont automatisés, mais les issues de certaines zones manquent parfois de clarté, comme le cimetière du premier village que l’on devine seulement par un « début de route » à gauche.

La plateforme du milieu en bas est-elle en contrebas ?

La plateforme du milieu en bas est-elle en contrebas ou à la même hauteur que celle où vous vous trouvez, mais à distance ?

Cela peut donc parfois bloquer le joueur, mais pas autant que certains passages vraiment ardus. Car la variété est autant le point fort que la limite de Vairon’s Wrath. L’aventure regorge en effet de mini-jeux et, si la plupart sont plutôt réussis et rafraichissants, d’autres ne restent pas en mémoire pour les bonnes raisons… Bien sûr, certaines des influences du jeu comme Wild Arms ou Zelda avaient leur lot de quêtes Fedex ou d’épreuves casse-bonbons reposant sur la rapidité, la chance ou la patience, mais elles étaient facultatives en général. Ici, la séquence de shoot ’em up avec les oiseaux déçoit par exemple – le déplacement par case n’est il faut dire pas très adapté au genre – et la fuite du volcan en scrolling forcé est assez rebutante… Même au clavier (en espérant limiter la latence), j’ai dû la refaire de nombreuses fois, la faute à la présence de certains ennemis qui, étrangement, vous tuent au moindre contact comme les obstacles. Ils sont censés suivre un motif précis mais dans les faits, le « par cœur » ne semble pas vraiment fonctionner… C’est sans doute la séquence la plus difficile de toute l’aventure cela dit, mais elle est malheureusement plutôt au début de celle-ci et risque donc d’en décourager plus d’un…

Et ce serait dommage car Vairon’s Wrath a énormément à offrir ; en dehors des villages et des donjons, on se déplace sur une carte immense à la manière d’un RPG. Celle-ci peut d’ailleurs parfois sembler vide compte tenu de sa taille, mais il y a tout de même plein de petites zones à explorer, ne serait-ce que pour trouver un coffre ou rencontrer un PNJ pour une quête annexe. Ainsi, l’aventure débute de manière assez linéaire, judicieusement, mais s’ouvre dès l’arrivée dans le désert (qui ajoute des ennemis sur la carte), sans tomber dans le backtracking. L’une des quêtes secondaires est d’ailleurs si longue que je la pensais obligatoire ! Et arrivé au donjon final, vous pourrez librement explorer la carte et trouver les nombreux secrets, quêtes et mini-jeux supplémentaires, qui augmentent sensiblement la durée de vie. Sans avoir tout accompli, il m’a fallu près d’une quinzaine d’heures pour voir le générique de fin, sachant que le temps indiqué sur la sauvegarde ne tient bien entendu pas compte de mes échecs ; Steam ajoute d’ailleurs deux heures de plus ! C’est donc une durée de vie plus qu’honorable pour un titre du genre, en particulier un jeu réalisé à l’ancienne, en 2D, sans chargement intempestif ni temps mort.

Verdict : Sans être toujours à la hauteur de ses modèles de toute façon inégalables, Vairon’s Wrath comblera au moins un certain manque chez les inconditionnels du genre !

70hbpm

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