TEST : La-Mulana 2

La-Mulana 2 (Windows, Mac OS X)LA-MULANA 2
Windows, Mac OS X
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1
Développeur : Nigoro
Éditeur : Playism
Date de sortie : 30/07/2018
Prix : 20,99 €
Site Officiel : [La-Mulana 2]

Sorti lui aussi sous forme de freeware en 2005, soit l’année suivant Cave Story, La-Mulana a également fait partie de ces titres précurseurs de la vague indé néorétro. Et comme le jeu de Daisuke Amaya, celui de Takumi NaramuraLa-Mulana est phonétiquement identique au verlan ramurana en japonais – s’apparente au Metroidvania et a fait l’objet d’un remake en 2011. Là encore sur Wii (dans un premier temps) mais pour le coup nettement plus coloré que l’original qui rendait hommage à la palette de seize couleurs du MSX… Puis, il y a près de cinq ans (!) déjà, une suite était officialisée avant de faire l’objet d’une campagne Kickstarter réussie début 2014. Enfin disponible depuis le milieu de l’été, La-Mulana 2 est une suite se destinant avant tout aux fans de l’original. On incarne cette fois Lumisa Kosugi, la fille du protagoniste du premier jeu, mais peu de choses ont changé sur le plan du fond comme de la forme (on va y revenir) et il est d’ailleurs inutile d’avoir fait l’original pour aborder sa suite, même si cela peut aider, à condition de bien s’en souvenir, pour par exemple connaître le rôle de certains objets, ou deviner où se trouvent certains personnages. Bien qu’un nouvel effort ait été fait sur la traduction anglaise et les indices, on a quand même affaire à une aventure hermétique dans la grande tradition de la micro japonaise.

Il faut dire que l’univers du jeu, son sekaikan, est d’une richesse frisant parfois la caricature, picorant dans à peu près toutes  les mythologies existantes (nordique, hindoue, égyptienne, aztèque, etc.) pour concocter un gloubi-boulga que le glossaire intégré a bien du mal à rendre clair. Mais l’ensemble ne se prend pas totalement au sérieux non plus avec un côté geek souligné par certains personnages (le vieillard Xelpud sans doute inspiré par Tortue Géniale) ou ennemis (Carbuncle qui évoque Pikachu), et l’abondance d’objets high tech qui, sans être anachroniques, tranchent avec l’ambiance générale. C’est d’ailleurs encore plus souligné dans cette suite où le village situé au-dessus des fameuses ruines est devenu un célèbre site touristique après les évènements du premier volet… Et si Lumisa y explore cette fois Eg-Lana, ce réseau de ruines a vraiment des airs de jumeau de La-Mulana ! Mais comme il ne s’agit pas d’un remake, le studio Nigoro a cette fois pensé son level design pour le format 16/9, et le moteur est basé sur Unity ; les graphismes sont ainsi désormais gérés en 3D mais le look 16/32-bit est néanmoins préservé – après tout, la 2D est gérée en polygones depuis au moins la Dreamcast et la DS ! Cependant, les décors gagnent en complexité (quitte à perdre parfois en lisibilité) et on a droit à quelques effets polygonaux qui, même gérés en temps réel, fleurent bon la 3D précalculée de l’ère 32-bit…

Il va falloir trouver le moyen d'emporter ce bateau avec vous...

Il va falloir trouver le moyen d’emporter ce bateau avec vous…

En fait, on a vraiment affaire à une suite telle qu’on en voyait à l’époque, en particulier au Japon, c’est-à-dire plutôt une sorte de remake tirant éventuellement parti d’un nouveau hardware… Le level design est évidemment inédit, mais le gameplay est le même et la plupart des objets, armes et capacités du premier La-Mulana sont au rendez-vous. Cela dit, la traduction, hélas toujours en anglais uniquement, est d’emblée de bien meilleure facture et bien que les indices trouvés sur les tablettes entretiennent un côté volontairement énigmatique, les indications sont tout de même plus nombreuses et mieux pensées dans l’ensemble. Nos alliés sont aussi bien plus volubiles et nous bombarderont de textos, mais comme la progression est toujours très libre, il arrive que certaines infos nous parviennent à un moment où l’on n’en a pas forcément encore besoin, et on a du coup tendance à les oublier le moment venu… Tous les messages sont heureusement stockés dans notre tablette qui peut aussi mémoriser, via une appli dédiée, les paroles des PNJ et les indices gravés sur les tablettes. Mais étrangement, pour rendre cette suite plus accessible, le studio Nigoro n’a pas conçu une aventure plus linéaire – au contraire. Elle est peut-être mieux guidée au début, mais l’idée est que l’on puisse, plus encore que dans l’original, parcourir les ruines dans l’ordre que l’on souhaite, et ainsi boucler l’aventure sans forcément avoir tout exploré.

Il est d’ailleurs amusant, et même recommandé à vrai dire, d’écumer les forums de discussion dédiés sur Steam, parce que l’on constate bien souvent que certains joueurs peuvent être globalement bien plus avancés que nous – mettons qu’ils ont battu deux ou trois gardiens de plus – tout en n’ayant pas encore trouvé un objet que l’on a depuis le début… Chacun vivra donc une aventure très différente des autres même si, dans la pratique, le jeu regorge encore de secrets qui sont hélas loin d’être facultatifs ! Plus gênant encore, les développeurs n’ont pas tenu leur promesse de profiter du nouveau moteur pour déplacer la caméra afin de montrer plus clairement les effets de nos actions. C’est inutile la majorité du temps car ça se passe sur le même écran mais, si mes souvenirs sont bons, ce n’est par exemple pas le cas lorsque les jumeaux forgerons nous lèguent le bateau ci-dessus… En outre, comme on trouve encore pas mal de pièges qui tuent instantanément alors qu’il n’est pas toujours possible de les repérer à l’avance, il faut y aller à tâtons. Et mine de rien, pour le nouveau venu, cela fait pas mal de choses à prendre en compte, comme les applis qui occupent de la RAM sur la tablette, le scanner qu’il faut bien utiliser presque partout, les indices à lire voire à enregistrer… Même en ayant fait l’original, j’avais par exemple oublié qu’il fallait scanner les bornes de sauvegardes pour en faire des points de téléportation !

Ce demi-boss peut être rencontré dès le début de l'aventure

Ce demi-boss peut être rencontré (et battu avec de la patience) dès le début de l’aventure

En général, on n’est jamais totalement bloqué car il y a toujours des recoins à explorer et des choses à découvrir, mais je me suis quand même senti inutilement coincé vers le début. Je m’étais en effet entêté à battre (laborieusement) Nidhogg ci-dessus pour accéder à une zone très difficile, alors que j’avais oublié que battre le premier gardien avait ouvert l’accès à un endroit bien plus abordable et correspondant à une progression plus logique. Il faut dire que celle-ci est naturellement hachée dans cette suite qui conserve son système d’énergie inhabituel ; aucun bonus ne redonne de la santé mais la plupart des ennemis laissent des boules vertes qui, une fois absorbées, remplissent peu à peu la jauge bleue sous notre barre d’énergie. Et quand la première est pleine, la seconde se remplit ! Or, si cette mécanique a un côté égalitaire puisqu’une jauge d’énergie plus longue (via des orbes à dénicher dans des coffres) sera d’autant plus difficile à recharger, elle se révèle frustrante quand on reprend de la santé alors que l’on n’en a pas besoin. Il est donc souvent plus sage de se téléporter au village pour se régénérer, ce qui confère à La-Mulana un petit côté Dark Souls où l’on est sans cesse confronté au dilemme : dois-je poursuivre mon exploration et prendre le risque de mourir, perdre toute ma progression depuis la dernière sauvegarde ? Mais rassurez-vous, sauvegarder ne fait heureusement pas réapparaître les boss !

De ce point de vue, on n’est pas tout à fait chez Metroid non plus car les ennemis ont la politesse de ne pas ressusciter dès que l’on quitte l’écran ; ils attendent la salle suivante… Et comme on fait pas mal d’allers-retours, d’autant qu’il n’y a qu’une seule borne de sauvegarde par zone (et parfois une seconde borne de téléportation, si on est sage), la prudence est de mise et il faut savoir garder son calme pour ne pas refaire les mêmes bêtises. En plus, dès la zone appelée Valhalla ci-dessous, dans laquelle se trouve (pour beaucoup) le deuxième gardien à vaincre, on ne peut pas se téléporter à sa tablette de sauvegarde sans avoir trouvé une appli particulière au préalable. Charmant. En passant, déclencher l’apparition du boss de cette même zone demandera, entre autres, de parler plusieurs fois au même personnage. Très intuitif. De manière générale, et c’est ce qui est un peu dommage, le processus qui permet d’affronter les gardiens, et qui correspond donc à la quête principale de La-Mulana 2, est uniformément alambiqué tandis que la plupart des choses que l’on trouve sans aide sont facultatives… À vrai dire, le jeu s’inscrit parfaitement dans la mouvance des phénomènes vidéoludiques venus du Japon qui, de Tower of Druaga (1984) à Dark Souls en passant par Pokémon et Monster Hunter, sont impossibles à boucler à 100%, voire à finir tout court, sans l’aide d’une FAQ ou de la communauté des joueurs ; c’est d’ailleurs ce qui les rend fédérateur.

Pour les vikings, Valhalla c'est le paradis

Pour les vikings, Valhalla c’est le paradis. Dans La-Mulana, not so much

En outre, sans être aussi impitoyable que d’autres jeux du genre, La-Mulana 2 demeure bien old school à l’instar de son prédécesseur. D’un côté, sa structure plus ouverte que dans la plupart des Metroidvania permet par exemple de dénicher, dans des zones plus avancées, des orbes pour allonger sa jauge d’énergie avant d’aller affronter un gardien bien pénible (Kujata, c’est dans tes cinq yeux que je regarde). Mais d’un autre, il faudra composer avec cette maniabilité très Castlevania, à base de sauts dont on ne peut modifier la trajectoire qu’en retombant, d’escaliers sur et depuis lesquels on ne peut pas sauter, d’ennemis qui vous projettent en arrière, pour vous faire rebondir sur des pics une salle plus bas avant d’atterrir pile sous un piège mortel encore deux écrans en dessous… On fait parfois face à des situations ubuesques parce qu’il est impossible de descendre d’une échelle autrement que vers le bas à moins de disposer du double saut, ou parce qu’il faut désactiver la Gale Fibula dans l’inventaire pour arrêter de courir ! Certains objets, en particulier l’appli hélas bien planquée qui permet d’indiquer les éléments importants sur les cartes, facilitent heureusement la vie mais, comme la quête principale demeure assez ésotérique comme on l’expliquait plus haut, on imagine quand même vraiment mal comment un nouveau venu pourrait finir l’aventure « en vingt-trente heures » comme le suggèrent les développeurs…

Cependant, il aura en effet la garantie de pouvoir explorer pas mal de choses pendant des dizaines d’heures avant d’abandonner, éventuellement. Il n’est vraiment pas rare, en cherchant le chemin menant au gardien « suivant » (qu’on ne trouvera peut-être jamais tel David Vincent, du moins pas sans l’aide d’autres joueurs), de découvrir par hasard une nouvelle zone, de comprendre enfin une énigme ou de réaliser qu’on peut désormais la résoudre puisque l’on dispose du bon objet. Car c’est l’inconvénient d’un Metroidvania beaucoup plus ouvert ; quand un coffre ou un accès nous résiste, on n’a jamais vraiment la certitude qu’il nous manque quelque chose pour l’ouvrir… Heureusement, il y a donc mille autres choses à faire avant de retourner se creuser la tête à cet endroit, même s’il est parfois frustrant que, plusieurs heures après avoir trouvé plein de nouveaux objets, on réalise qu’on n’a en fait pas progressé d’un poil dans la quête principale ! Mais c’est quand même en grande partie compensé par le plaisir de la découverte, voire le bonheur de la montée en puissance à l’obtention d’un orbe ou d’une arme (ou mieux, du Vajra qui n’est pas un médicament contre l’impuissance, mais presque). Au final, comme souvent, la principale qualité de La-Mulana 2 est aussi son plus gros défaut : une liberté presque totale donnée au joueur, qui peut tout aussi bien la ressentir comme un fardeau s’il préfère les expériences plus guidées.

Verdict : Proche de son prédécesseur, La-Mulana 2 en épice davantage la recette délicieusement old school, mais qui ne sera pas au goût des amateurs de Metroidvania « d’origine contrôlée ».

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