TEST : Gunlord X

Gunlord X (Switch)GUNLORD X
Switch
Catégorie : run and gun
Joueurs : 1
Développeur : NG DEV
Éditeur : NG DEV
Date de sortie : 22/05/2019
Prix : 9,99 €
Site Officiel : http://www.gun-lord.com/

Sorti à l’origine en 2012 sur Neo·Geo à un prix comme toujours prohibitif sur ce support, Gunlord avait fait l’objet d’un portage Dreamcast qui avait permis à davantage de joueurs de le découvrir. J’en avais d’ailleurs offert un exemplaire à notre cher vice-président, mais je n’ai finalement jamais eu l’occasion d’y jouer (et donc de le tester), et cette réédition me donne ainsi l’opportunité de réparer cette injustice même s’il m’a été du coup difficile d’identifier toutes les nouveautés… En outre, j’avoue ne pas être un grand spécialiste de Turrican non plus, alors qu’il s’agit clairement ici de la source d’inspiration du studio NG:DEV.TEAM (ou NG DEV), souvent accusé de plagiat. Mais là où il était plus légitime de reprocher à Last Hope de copier Last Resort (1992) et Pulstar (1995) ou à Kraut Buster d’être un clone de Metal Slug (même s’il s’en est éloigné depuis), la Neo·Geo n’a jamais accueilli le run and gun de Rainbow Arts et un simple portage n’aurait après tout pas dépareillé sur la scène homebrew. Et puis la notion de plagiat est très relative ; Turrican a souvent été présenté comme une copie de Metroid d’autant qu’on le doit à l’auteur de The Great Giana Sisters, mais en dehors de l’ambiance futuriste et de la transformation en boule, on est moins dans un jeu d’action/aventure que dans un run and gun mâtiné d’exploration, avec un ADN de shoot ’em up. D’ailleurs, Gunlord avait été mieux accueilli que les précédents jeux du studio, mais certains lui avaient quand même reproché sa difficulté, certes plus abordable mais encore trop élevée…

C’était donc l’occasion pour NG DEV de revoir sa copie avec cette réédition sur Switch qui, outre un tarif bien moins élevé que sur Neo·Geo ou même sur Dreamcast (bien que Gunlord X ne soit pour le moment disponible qu’en dématérialisé au grand dam de beaucoup de retrogamers), offre de nombreuses modifications. D’emblée, on trouve bien plus d’options dont un écran de succès (plutôt des statistiques de complétion pour chaque niveau) et on est agréablement surpris d’avoir des textes en français. En jeu, la différence qui frappe est la refonte graphique avec un plus grand format (qui ne remplit toutefois pas totalement l’écran par défaut) et de nouveaux effets visuels difficiles à produire sur Neo·Geo – la version Dreamcast étant un simple portage qui n’exploitait pas vraiment la console de SEGA. On a aussi droit par défaut à un filtre façon CRT avec scanlines, même si je préfère le désactiver pour mettre en valeur le pixelart auquel ont contribué Henk Nieborg (Flink, Lomax, Fox n Forests, Xeno Crisis, Shakedown: Hawaii) et Andrew Bado (Mystik Belle, Shantae and the Pirate’s Curse) notamment. On savoure dès la cinématique d’intro résumant une intrigue par ailleurs très basique ; on incarne Gordian Gaiden (ce nom !) à la recherche de sa bien-aimée Vanessa, héroïne de Last Hope. Et c’est tout aussi impressionnant une fois la partie lancée avec des boss énormes, des tirs dans tous les sens et une fluidité parfaite et constante.

Le Snake Beam se révèle aussi très efficace contre les boss
Le Snake Beam se révèle aussi très efficace contre les boss

Il y a aussi du nouveau côté contrôles, que l’on peut configurer et qui offrent la possibilité de jouer à deux sticks. Mais même avec les commandes classiques par défaut, le stick droit sert à utiliser le Snake Beam hérité de Turrican qui fait feu à 360° et à travers les murs ! Il est donc très pratique pour stopper la plupart des tirs et arroser des ennemis en contrebas sans sauter dessus – ce qui marche aussi parfois ! Mais Gordian Gaiden est alors immobilisé et peut seulement sauter vers le haut, et l’arme (à deux mains ?) ne peut être employée quand on est agrippé à une paroi. En outre, sa portée diminue avec une jauge violette en bas de l’écran qui remonte cependant toute seule ou en ramassant des boules violettes. Elle limite également l’utilisation de la roue elle aussi empruntée au classique de Manfred Trenz (qui a participé à Fox n Forests pour mémoire), singeant lui-même la boule morphing de Metroid mais avec une philosophie différente. Elle roule d’ailleurs toute seule d’une manière assez incontrôlable, et poser des bombes en roue n’est pas très utile – on peut sauter sans. Elle rend en revanche invulnérable (d’où la jauge) et sert donc plutôt à traverser certains passages littéralement épineux, et si elle permet de se faufiler dans des conduits étroits, c’est presque toujours pour accéder à des zones cachées et donc facultatives.

Car on n’est encore une fois pas dans un Metroidlike, avec un level design composé de niveaux successifs même si la plupart offrent un scrolling multidirectionnel et donc de larges zones à explorer, truffées de secrets (vies supplémentaires et diamants roses petits ou grands). Il n’est d’ailleurs pas toujours évident de différencier le chemin « normal » des passages optionnels malgré le fléchage, au risque de rater quelques trucs la première fois car on ne peut pas toujours revenir sur ses pas dans Gunlord X… Il faut de manière générale progresser avec prudence, avec certaines plateformes qui s’écroulent – elles ont une apparence précise mais ne suggérant pas forcément cette particularité – ou d’autres (les boîtes de bonus) qui apparaissent quand on tire dans le vide ! Certains ennemis font même office de plateformes (ou du moins se laissent rebondir dessus) sans que ce soit toujours très évident et il faut même parfois se laisser attraper par certains d’entre eux… Heureusement, il est possible de regarder (un peu) en haut et en bas avec la croix directionnelle. C’est un peu lent à notre goût mais c’est toujours mieux que de ne pas le proposer comme Battle Princess Madelyn. Cela n’a toutefois pas empêché quelques frustrations à votre serviteur qui a terminé bon nombre de niveaux avec tous les gros diamants sauf un

Le chouette niveau 2, en mode shoot 'em up, reste encore trop court
Le chouette niveau 2, en mode shoot ’em up, reste encore trop court

Je n’ai hélas pas pu le vérifier en détail, mais le level design a été retravaillé avec des niveaux encore plus grands. Le premier paraît pourtant interminable au début ; il m’a fallu plus de vingt minutes pour en voir le bout avec seulement 48% des secrets, et la moitié des autres niveaux m’ont demandé plus de quarante minutes chacun… Cela rend hélas le jeu assez répétitif malgré l’ajout d’un seul niveau inédit, une séquence de jet pack où l’on doit jouer des smart bombs pour échapper aux nombreux tirs. Mais elle est placée à la toute fin, avant le « Final Fight » (sous-titre de Turrican II (1991)), donc symétriquement à l’autre stage de shoot ’em up, lui plus traditionnel. Or changer de gameplay dès le deuxième niveau déboussole pas mal, avec un feeling de manic shooter dans l’esprit des productions habituelles de NG DEV. Il a sans doute été rallongé mais reste trop court et n’est finalement pas très difficile, puisque l’on dispose de trois points de vie comme dans les phases de run and gun. C’est d’ailleurs sur ce point que le studio a le plus revu sa copie, avec l’ajout d’une période d’invincibilité quand on est touché là où l’original homebrew rendait ainsi un hommage bien dispensable à Turrican (où la jauge d’énergie était cependant bien plus grande). Et ce n’est pas tout car perdre une vie (ou un crédit) est aussi bien moins pénalisant désormais.

En effet, alors que sur Neo·Geo et Dreamcast les ennemis réapparaissaient, ce qui devait d’ailleurs être bien horrible lors de certains passages où leur placement se révèle assez sadique, cette fois même ceux que l’on n’avait pas abattus disparaissent s’ils étaient proches du point de respawn – quasiment là où on meurt d’ailleurs. En outre, il y a toujours pas mal de vies supplémentaires à gagner – même si Gunlord se montre moins généreux que Turrican en la matière – et on peut désormais débloquer aussi des crédits en ramassant tous les gros diamants roses d’un niveau en une seule fois. Ce n’est certes pas évident dans les stages qui en comptent une vingtaine mais il n’est pas nécessaire de les terminer pour valider son gain ! Enfin, il n’est plus nécessaire de finir l’aventure en une traite, et on peut aussi bien à chaque partie lancer le prochain niveau que retenter les anciens pour les parcourir à 100%. Au final, ce sont surtout les boss qui posent le plus de difficultés, car il faut reprendre depuis le début à chaque vie perdue, et donc avec deux smart bombs – rageant dans la mesure où on peut facilement en accumuler une dizaine grâce aux généreux blocs de bonus. Mais il y a d’autres passages pénibles, comme le niveau 5 (qui a échangé sa place avec le sixième) en scrolling forcé où la rigidité des sauts dévoile ses limites.

L'univers de Gunlord X n'hésite pas à mélanger les genres...
L’univers de Gunlord X n’hésite pas à mélanger les genres…

Car si la courbe de difficulté a été retravaillée (et plutôt bien), le gameplay manque encore de souplesse ; les sauts en particulier, plus en hauteur qu’en longueur, ne sont pas très agréables… Avec ses collisions discutables et son level design parfois complaisant, Gunlord X pourra froisser les puristes qui ne jurent que par les jeux japonais. Après tout, on est face à un héritier de Turrican qui embrasse donc un style européen décomplexé, et il y a quand même quelque chose de jouissif à parcourir une sorte de Metroid à l’auto-fire (même si ça peut être gênant avec certaines armes qui perdent alors leurs tirs latéraux), en remplissant l’écran de tirs et en ramassant tous les bonus sans toujours comprendre ce qu’ils font. Il m’a fallu quelque temps pour identifier celui qui donne de l’énergie, car il ressemble plus à une munition je trouve. Alors oui, la direction artistique va dans tous les sens et on frôle parfois le mauvais goût – on ramasse des diamants roses géants, hein ? Les musiques de Rafael Dyll, réminiscentes de la vague dream trance des années 1990, ne séduiront pas tout le monde non plus, mais elles restent assurément en tête. On les entend certes redémarrer façon CD-ROM mais ça ne fait qu’ajouter une autre couche de vernis old school

Verdict : Ce bel hommage à Turrican nous arrive au meilleur de sa forme sur Switch, mais il n’en reste pas moins que Gunlord X s’adresse surtout aux nostalgiques d’un style à l’européenne.

90 hbpm

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