TEST : Mighty No. 9

Mighty No. 9 (Windows, Mac OS X, Linux, Xbox One, Xbox 360, PS4, PS3, Vita, Wii U, 3DS)MIGHTY No. 9
Windows, Mac OS X, Linux, Xbox One, Xbox 360, PS4, PS3, Vita, Wii U, 3DS
Catégorie : action/plateformes
Joueurs : 1-2
Développeur : Inti Creates
Éditeur : Comcept
Date de sortie : 24/06/2016 (sauf Vita, 3DS)
Prix : 19,99 € (démat.) / 29,99 € (boîte)
Site Officiel : http://www.mightyno9.com/
(testé sur Wii U)

Il est possible qu’un jour les écoles de jeux vidéo fassent étudier Mighty No. 9, pas forcément pour ses qualités et défauts mais pour le relatif accident industriel qu’a constitué sa genèse, ponctué de reports et divers scandales… Il est donc légitime de se demander si ce contexte n’a pas un peu relégué au second plan le jeu lui-même, ou si ce dernier n’a pas simplement déçu les fans de Mega Man qui attendent un successeur spirituel depuis (au moins) Mega Man 10 du même développeur Inti Creates, il y a plus de six ans… Personnellement, j’avais déjà été déçu par Azure Striker Gunvolt, et j’étais donc prudent face à ce nouveau jeu à la fois plus proche des Mega Man classiques, mais délaissant hélas le pixelart somptueux pour une 3D cheap. Au moins, l’édition physique même standard est soignée, avec un poster et un artbook sous forme de manuel – plutôt sympa à l’heure de leur disparition généralisée… En revanche, le DLC inclus se présente sous forme de code de téléchargement, et nécessitera donc de l’espace disque. Celui-ci correspond à un niveau supplémentaire centré sur trois affrontements contre Ray (caricature typique de l’anti-héroïne émo), qui une fois bouclé permet de l’incarner dans tous les niveaux – en appuyant sur « haut » à l’écran de sélection !

Commençons par ce qui fâche ; la réalisation est globalement décevante, Inti Creates n’ayant pas su dompter l’Unreal Engine 3 sur autant de supports différents. La version Wii U est (pour le moment) l’une des pires, en particulier à cause de temps de chargement qu’un patch n’a réduit que de vingt-cinq à… vingt secondes. C’est non seulement pénible dans un jeu où les morts instantanées sont monnaie courante, mais cela devient ridicule quand on doit aussi attendre pour aller dans les options, y valider ses réglages puis pour revenir au menu principal. On aurait du coup aimé ne pas avoir à passer par là pour alterner entre les musiques « modernes » et chiptune façon NES. Les deux styles font de toute façon old school mais le second, tout en suscitant davantage la nostalgie, jure peut-être davantage avec la direction artistique générale. En revanche, on conseillera de basculer d’emblée sur les voix japonaises d’origine, disponibles aux côtés des voix françaises et anglaises, même s’il ne sera pas toujours possible dans ce cas de lire les sous-titres (à la traduction très correcte pour une fois) dans le feu de l’action… Pour autant, on ne peut pas dire que les commentaires de vos alliés se révèlent d’une grande utilité.

Le "premier" niveau, celui de Pyrogen, est indéniablement l'un des plus laids...

Le « premier » niveau, celui de Pyrogen, est indéniablement l’un des plus laids…

Mais si le son est satisfaisant à défaut d’être inoubliable, les graphismes s’avèrent franchement inégaux. Certains modèles 3D sont réussis, comme celui du Dr Sanda ou de certains boss, qui ont en plus souvent droit à une chouette animation au moment des présentations. Hélas, c’est surtout le protagoniste Beck qui évoque une contrefaçon taïwanaise de Mega Man, avec une raideur qu’il n’a pas dans les artworks. Les explosions sont particulièrement laides, et certains décors sont très dépouillés ou manquent de finitions ; on peut même voir dans certaines versions du titre les pixels floutés des textures, ce qui est un comble dans un jeu en 2,5D où les graphistes contrôlent entièrement ce que voit le joueur ! Mais surtout, l’Unreal Engine 3, qui n’est même plus maintenu par Epic Games, est connu pour ses problèmes de framerate sur consoles. Sur Wii U, il oscille entre 12 et 35 images par seconde d’après Digital Foundry, qui conseille du coup de désactiver le « flou lumineux » absolument inutile dans les options… Si vous le pouvez, optez donc plutôt pour la version PC, qui bénéficie de nombreux réglages graphiques et offre des temps de chargement presque instantanés. Le jeu reste toutefois faisable sur tous les supports.

Car le gameplay est de toute façon le même et se révèle plus riche qu’il n’y paraît, avec la présence d’une gâchette qui permet de faire des sauts d’esquive arrière. On retrouve sinon le principe des Mega Man, sans tir chargé hélas mais avec les transformations appelées « ReXelections » et surtout un système de dash qui dynamise l’action. Car il faudra l’effectuer dès que les ennemis sont affaiblis pour un effet optimal, et il n’y a heureusement pas besoin d’être trop précis en termes de collisions ; on peut absorber les Xels de plusieurs ennemis proches simultanément. Contre les nuisibles de base, cela permettra d’obtenir des boosts définis par la couleur qui en émane : la flamme rouge améliore les tirs, la fumée verte la vitesse, les écailles jaunes la défense, et le cristal bleu permet de reprendre de l’énergie en appuyant sur un bouton, remplaçant l’E-Tank en quelque sorte. Clairement pensé pour le speedrun comme Azure Striker Gunvolt, le jeu incite vraiment à mémoriser le nombre de tirs qu’il faut pour déstabiliser chaque ennemi et ainsi engranger les combos. Et surtout, ce système devient carrément obligatoire contre les boss, car une fois sonnés, ils se régénèrent tant que vous n’avez effectué votre dash !

Aviator s'affronte au-dessus du vide mais s'avère moins difficile qu'il n'y paraît...

Aviator s’affronte au-dessus du vide mais s’avère moins difficile qu’il n’y paraît…

Cela peut d’ailleurs devenir très énervant contre Cryosphere, qui évolue longuement à des hauteurs inatteignables, y compris par l’arme efficace contre elle… De manière générale, même une fois le bon ordre trouvé, le jeu demeure assez difficile en offrant son lot de morts instantanées. Outre les classiques chutes dans le vide, on trouve par exemple des murs électrifiés équivalant aux pics de Mega Man. Sauf qu’ici, non seulement les temps de chargement rendent le moindre échec plus frustrant, mais le gameplay plus nerveux pousse parfois à l’erreur. Par exemple, lors de l’affrontement contre Mighty No. 1 alias Pyrogen, il faudra faire attention à ne pas lancer son dash trop près des murs de flammes, où il se trouve hélas le plus souvent au moment où on le déstabilise… En plus, ce boss fait partie de ceux qui disposent d’une attaque qui tue instantanément, qu’il utilise aux environs de la moitié du combat ! Ce n’est de toute façon pas le boss qu’on conseillera d’aborder en premier – je l’ai même affronté en avant-dernier – mais il constitue sans doute l’un des passages les plus difficiles de l’aventure. Néanmoins, bien choisir le niveau par lequel commencer fait une énorme différence…

Car ensuite, même si certains joueurs ont de toute façon trouvé le cycle des forces/faiblesses des boss avant même la sortie du jeu en se basant sur les vidéos de gameplay, il faut savoir qu’une fois un boss vaincu, il vous gratifiera d’un « conseil » au moment de sélectionner celui contre lequel son arme est efficace, et il pourra même intervenir physiquement au cours du stage. Cela permet d’ailleurs également de renforcer la narration et de lier davantage les niveaux, mais certains puristes regretteront sans doute de ne pas pouvoir trouver l’ordre par eux-mêmes. Néanmoins, aucun indice n’est divulgué pour identifier le ou les niveaux par lesquels commencer, mais une fois lancés, on repère assez rapidement ceux qui sont un peu plus linéaires que les autres, et misant moins sur la plateforme et davantage sur les affrontements de vagues d’ennemis. Cela dit, comme dans un Mega Man, le boss correspondant ne sera pas plus facile que les autres – au contraire, puisqu’il faudra l’affronter avec son arme de base… En passant, il y a quand même un aspect sur lequel Mighty No. 9 se révèle moins frustrant que ses illustres modèles : le fait que les ennemis ne respawnent pas lorsque l’on s’éloigne un peu trop d’eux !…

La "ReXelection" en Aviator permet aussi de sauter plus haut et de planer...

La « ReXelection » en Aviator permet aussi de sauter plus haut et de planer…

De plus, on peut heureusement régler le nombre de vies dans les options, fixé à trois par défaut mais que l’on montera vite à dix pour éviter les crises de nerf. On peut également compter sur un robot qui apparaîtra parfois aux checkpoints (celui qui précède un boss typiquement) pour nous soigner ou distribuer quelques items en cas de difficulté. En effet, plus on meurt au même endroit, plus il sera généreux en boosts et en recharges d’énergie. D’ailleurs, si l’on perd toutes ses vies, il faudra reprendre le niveau courant depuis le début mais le robot sera présent dès le point de départ pour nous aider. En un sens, cette mécanique témoigne d’un léger aveu de faiblesse sur le dosage de la difficulté, même si on peut la désactiver. Mais il faut bien avouer qu’on est parfois tenté de se laisser mourir jusqu’à affronter un boss avec au moins une recharge… Et puis il est important de rappeler que ces bonus ne seront pas d’un grand secours lorsque c’est une phase de plateforme qui nous bloque ; le boost de vitesse pourra même s’avérer pénalisant ! On aurait préféré un boost qui limite le recul quand est touché, au hasard… Cela aurait clairement adouci quelques passages vraiment pénibles, même si peu nombreux.

Mais bien que ce soit hélas ceux qui restent en mémoire, comme cette poursuite par la foreuse géante dans la Mine, rendue (presque) injouable par les problèmes de framerate, Mighty No. 9 a quand même des qualités, bien entendu pour la plupart héritées de Mega Man. La mécanique du dash est intéressante, mais c’est surtout la variété du level design qui séduit, puisque chaque niveau est construit sur une idée différente. Certes, la lumière qui disparaît par intermittence dans la Centrale électrique, les bourrasques de vent dans la Tour radio et les bonds de voitures en camions sur l’Autoroute ne sont pas franchement inédits, mais ces hommages sont bien entendu voulus. Et surtout, un niveau comme le Capitole, avec son sniper à débusquer, m’a semblé assez original même si je n’ai pas joué à tous les titres de la licence de Capcom cela dit ! Enfin, après le prologue et les huit niveaux de base, l’habituel château du Dr. Wily est ici remplacé par une poignée de stages plus variés mais qui nécessitent aussi, bien sûr, d’utiliser les différentes ReXelections – surtout celles d’Aviator et de Battalion à vrai dire… Néanmoins, la variété a ses limites et le niveau de pseudo-infiltration où l’on incarne Call ne convainc pas.

Chaque niveau a son style et vous en trouverez bien un à aimer...

Chaque niveau a son style et vous en trouverez bien un à aimer… et quelques-uns à détester !

Ainsi, passé un premier contact assez difficile, je dois avouer que plus j’ai joué, plus j’y ai pris un certain plaisir – du moins jusqu’au passage horrible des courants ascendants dans le dernier niveau qui me résiste encore… Après, il est probable que seuls les puristes trouveront leur bonheur dans les à-côtés du jeu, car refaire l’aventure avec Ray est éprouvant (elle perd son énergie en continu !), les « accomplissements » sont aussi plutôt relevés ainsi que les challenges qui se débloquent au fur et à mesure – et ils ne sont pas exemptés de temps de chargement malgré leur décor austère ! En cours d’aventure, on débloquera également des challenges en coopération, des courses en un-contre-un ainsi qu’un classique mode Boss Rush pour finir. Alors, Mighty No. 9 est-il à la hauteur des meilleurs épisodes de Mega Man ? Sans doute pas. Est-ce un mauvais jeu pour autant ? C’est beaucoup plus subjectif, mais il est clair que la nouvelle mascotte de Keiji Inafune souffre surtout de carences techniques qui, à la manière du récent NightCry, peuvent franchement pourrir l’expérience. Sans ces problèmes, on aurait affaire à un clone de Mega Man peut-être pas inoubliable, certes, mais tout à fait correct.

Verdict : Sans être le navet que certains dénoncent, Mighty No. 9 n’en est pas moins décevant sur le plan technique, même si certaines plateformes s’en sortent mieux que d’autres.

60hbpm

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