TEST : Wargroove

Wargroove (Windows, Xbox One, PlayStation 4, Switch)WARGROOVE
Windows, Xbox One, PlayStation 4, Switch
Catégorie : tactical
Joueurs : 1-4
Développeur : Chucklefish
Éditeur : Chucklefish
Date de sortie : 01/02/2019 (NC sur PlayStation 4)
Prix : 16,99 €
Site Officiel : https://wargroove.com/
(testé sur Switch)

Depuis Advance Wars: Dark Conflict (2008), les fans de la série de Nintendo (dont votre serviteur fait partie) se sentent orphelins, le constructeur ayant davantage misé sur une autre licence de tactical créée par Intelligent Systems, Fire Emblem, à la philosophie toutefois bien différente. Or en dépit d’un univers d’heroic fantasy comme dans cette dernière, Wargroove est indéniablement plus proche d’Advance Wars dont il reprend les principaux éléments : l’absence de hasard et de levelling, des unités assez similaires (y compris navales et aériennes), donc non uniques pour la plupart et que l’on produit en collectant des ressources via des bâtiments capturés, ou encore ces fameux pouvoirs grooves toutefois moins disruptifs que dans Advance Wars (*)… Néanmoins, et ça devient de plus en plus flagrant au cours des parties, le jeu de Chucklefish présente quelques grosses différences comme des commandants présents sur la carte comme des unités classiques, dont la mort est synonyme de Game Over façon Shining Force, ou des conditions météorologiques affectant certaines cartes. Mais surtout, chaque type d’unité peut infliger un coup critique si les conditions sont remplies (attaque à côté d’une unité donnée, sans déplacement ou au-dessus d’un certain type de terrain, etc.) et en passant, là où Advance Wars ne différenciait les armées que par une couleur, les unités arborent ici un look différent, ce qui est parfois perturbant au début !

Et il y a en fait plein d’autres petites différences qui pourront paraître subtiles au premier abord, mais qui déboussoleront l’habitué. Par exemple, la gestion des bâtiments : s’ils sont déjà capturés par l’ennemi, ils doivent être vaincus en premier lieu (et ils se défendent !) comme une unité classique. En revanche, la capture dans Wargroove peut être faite par davantage d’unités (les archers et les magiciens aussi) et elle est instantanée, ce qui dynamise pas mal les premiers tours. Pour compenser, le bâtiment saisi dispose de la moitié de la santé de l’unité qui le capture mais elle grimpe d’un point à chaque tour, sans que l’unité ait besoin de rester à côté d’ailleurs. Du coup, alors qu’on ne pouvait guérir que des fantassins dans Advance Wars en les faisant stationner sur les bâtiments, on peut ici échanger une partie de la santé d’un bâtiment avec n’importe quelle unité, contre de l’argent cela dit. À noter que les commandants reprennent 5% de points de vie à chaque tour et que les magiciens peuvent guérir, mais là encore de manière payante. Cela compense d’ailleurs une autre différence avec la série de Nintendo : l’impossibilité de fusionner les unités de même type. Mises bout à bout, ces subtilités creusent mine de rien l’écart et Wargroove n’est donc pas qu’un simple décalque, car tous ces éléments influent sur la stratégie.

Le dragon à gauche est l'équivalent du bombardier d'Advance Wars
Le dragon à gauche est l’équivalent du bombardier d’Advance Wars

La philosophie générale demeure toutefois la même, en particulier sur l’absence de hasard qui fait que les parties, en particulier si les deux camps démarrent à égalité, peuvent tourner au statu quo interminable si l’on ne prend pas l’avantage dès le début en capturant des bâtiments plus éloignés… Mais c’est parfois trop risqué, surtout dans certaines missions de la campagne aux cartes moins équitables, et l’affrontement peut devenir très défensif, chacun guettant la moindre erreur de l’autre. Or même si un patch a amélioré l’interface, la fausse manœuvre n’est pas exclue et il n’y a aucun moyen d’annuler un coup ! Tragique lorsque cela arrive alors que la bataille dure depuis une demi-heure… On peut certes suspendre sa partie mais, comme dans Advance Wars du reste, on ne peut pas la sauvegarder et la recharger à l’envi. Et la campagne de Wargroove se révèle assez ardue, ou du moins à la difficulté étrangement dosée, avec par exemple un brouillard de guerre (mon talon d’Achille dans Advance Wars) qui intervient très tôt, même si ce serait sans doute pire plus tard ; beaucoup de missions jouent sur des évènements scriptés, plutôt à la Fire Emblem pour le coup, où l’on tente de survivre tandis que des renforts ennemis apparaissent par surprise sur la carte – imprévisible la première fois, et cruel quand ça arrive à la toute fin…

Cela dit, il faut reconnaître que le fait que l’IA triche de la sorte compense ses lacunes, car elle se révèle plutôt offensive, n’hésitant pas à sacrifier inutilement des unités affaiblies. On aimerait d’ailleurs parfois qu’elle puisse abandonner plutôt que de s’entêter à fuir, quand elle n’a aucune chance de retourner la situation… En gros pas comme nous ! Heureusement, la difficulté est ajustable à tout moment via trois réglages fins pour les dégâts reçus, l’argent collecté et le chargement du groove. Et puis douze des trente-trois missions de la campagne sont facultatives, parfois plus expéditives car prédéployées, mais vite ardues elles aussi. Celles-ci permettent bien souvent de débloquer le commandant mis en scène pour le mode Arcade. À la manière d’un jeu de combat, il s’agit pour chaque général d’une mini campagne légèrement scénarisée où l’on en affronte cinq autres à la suite, sur des cartes plus classiques mais tirées au sort. Mais si ce mode permet de souffler entre deux missions de la campagne, il peut se montrer déboussolant si on l’essaie trop tôt car toutes les unités y sont accessibles – et le retour à la campagne peut être rude à l’inverse…  On peut s’arrêter entre chacune des cinq cartes sans avoir à tout refaire, sachant qu’achever la série débloque des entrées de codex et le thème musical du général associé.

Les missions optionnelles offrent parfois un défi très différent
Les missions optionnelles offrent parfois un défi très différent

Quant au troisième mode solo, Problèmes, il se débloque hélas un peu plus tard, environ au milieu de l’aventure, après la troisième mission de l’acte 3 de la campagne qui en compte sept en tout. On sera donc là aussi bien content de faire une pause avec ces vingt-cinq défis disponibles d’emblée, et qui offrent une approche bien différente du jeu : gagner en un seul tour ! Cela peut paraître simple au premier abord dans la mesure où le nombre de possibilités est plus limité, mais le mode explore habilement les différentes mécaniques du gameplay pour nous creuser les méninges, comme les coups critiques et les grooves ; ce n’est d’ailleurs pas anodin que le commandant soit imposé et que son pouvoir soit en plus chargé, croyez-moi… Là où le mode Arcade offre entre une et cinq étoiles – on y reviendra – selon la difficulté pour chaque général, chaque énigme de Problèmes n’en cède qu’une seule alors qu’on peut passer presque autant de temps sur chacune d’elles ! Mais la frustration vient surtout du fait qu’il n’y a aucune option pour recommencer dans le menu. Le plus rapide est de finir le tour pour accélérer la défaite, mais cela fait revenir au choix du niveau avec la première carte en surbrillance au lieu de la courante (ou du moins la première non résolue) ; en allant rapidement, on a vite fait de relancer la première et son didacticiel…

Mais c’est pour chipoter car on ne peut pas reprocher à Wargroove son manque de générosité… Outre ses trois modes solo, le multijoueur se révèle incroyablement robuste, ne se limitant pas au tour de rôle sur la même machine, permis par le genre. On peut jouer les uns contre les autres ou en coopération, en ligne, en asynchrone (chacun joue son coup quand il en a le temps) et même en cross-platform – sauf sur PlayStation 4, a priori, et sans que l’on sache si cela a un lien avec le retard de cette version, dans la mesure où Sony commence à assouplir ses positions de ce point de vue. Et puis vous avez dû entendre parler de son éditeur très riche, qui permet non seulement de créer des cartes mais des campagnes complètes, cinématiques comprises. Un utilisateur de Reddit a déjà reproduit celle du premier Advance Wars (2001), tandis que d’autres cherchent à recréer Fire Emblem, d’après Kotaku… En revanche, l’éditeur est clairement plus agréable à utiliser sur PC d’autant que la version Switch ne gère pas le tactile dans son ensemble, même si c’est peut-être moins gênant pour jouer si, comme votre serviteur, vous utilisez plutôt la croix et les boutons pour les tacticals. Enfin, Wargroove contient une section Bonus avec un codex, un jukebox et une galerie, les illustrations de cette dernière se débloquant avec les étoiles évoquées plus haut. Sachez enfin qu’il en faudra cent (des étoiles) pour accéder à l’épilogue de la campagne !

Les animations de combat sont encore plus travaillées que dans Advance Wars
Les animations de combat sont encore plus travaillées que dans Advance Wars

De manière générale, l’enrobage de Wargroove est on ne peut plus soigné (¹), avec de nombreuses langues et options disponibles, même pour les daltoniens. Et la réalisation est excellente, avec un pixelart adorable au point de nous faire regretter d’écourter les animations de combat. Les musiques sont bonnes sans être prise de tête, et on apprécie la présence de quelques voix digitalisées, ponctuelles comme dans un jeu d’arcade. Après, l’ambiance cartoon, sans atteindre le côté otaku d’un Disgaea, ne sera pas du goût de chacun, les rebondissements du scénario faisant juste office de prétextes aux affrontements… Mais surtout, et en dépit de quelques ajustements via un patch (²) publié peu après la sortie, l’interface demeure un peu lourde ; quand on survole une unité ennemie, il faut obligatoirement appuyer sur un bouton pour voir sa portée, et au moins deux pour accéder à certaines infos « cachées » dans le codex. Il est toutefois possible que mes souvenirs d’Advance Wars soient embellis, mais Wargroove semble parfois plus lourd à manipuler, comme lorsque j’affiche le profil d’une unité en voulant accélérer le tour de l’ennemi… Le jeu de Chucklefish n’en demeure pas moins hautement recommandable pour les amateurs du genre, ne serait-ce que pour la générosité de son contenu. Into the Breach est certes beaucoup plus original voire brillant, mais son aspect roguelike le rend aussi autrement plus frustrant que Wargroove

Verdict : Très bien réalisé et généreux en contenu, Wargroove devrait pouvoir momentanément compenser l’absence d’un Advance Wars, mais il demeure perfectible en tant que tactical.

90 hbpm

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