TEST : Kemono Heroes

Kemono Heroes (Switch)KEMONO HEROES
Switch
Catégorie : run and gun
Joueurs : 1-4
Développeur : Mad Gear Games
Éditeur : NIS America
Date de sortie : 27/02/2020
Prix : 14,99 €
Site Officiel : https://nisamerica.com/kemono-heroes/

Lors de son annonce en début d’année dernière, le nouveau jeu du quatuor espagnol Mad Gear Games nous avait beaucoup surpris (en bien), parce qu’il tranchait radicalement avec A Hole New World, un jeu d’action/aventure au pixelart cradingue – même pour un look imitant la NES… Finalement sorti discrètement et uniquement sur Switch fin février, Kemono Heroes est lui un run and gun au feeling bien plus arcade, et baignant dans une atmosphère médiévale japonaise et animalière, options fantômes façon KiKi KaiKai/Pocky & Rocky, ou bien Cloud Master (1988). Et puis la réalisation 16-bit, très soignée, est d’un tout autre niveau. Il faut toutefois avouer que les Espagnols sont assez forts pour faire des jeux à la japonaise qui ressemblent presque à des vrais, même si le générique de fin laisse penser que l’éditeur NIS America a pas mal prêté main forte au quatuor. Mais on retrouve en tout cas ces éléments trop rares dans les jeux occidentaux, comme un bestiaire parfois foufou, et des mécaniques assez originales – je pense aux plantes grimpantes du niveau 1-2 qui ont un petit côté Treasure ou Wolf Team. Le jeu a également parfois un certain sens de la mise en scène, comme dans ces deux séquences d’infiltration light où il faut s’abriter derrière le décor pour ne pas se faire pétrifier… Cela dit, il faut aussi reconnaître qu’il y a des moments de flottement où l’on ne comprend pas bien ce qu’il se passe, et il y a un aspect plutôt déroutant dans le genre : le fait que l’on débloque un item ou capacité après chaque niveau comme dans un jeu d’action/aventure !

Ce qui fait en revanche plus arcade, mais pas forcément de manière positive, ce sont des textes en anglais et l’absence totale d’options à l’écran-titre comme en jeu, hormis des succès dans le premier cas et une manipulation ésotérique pour y retourner dans le second, depuis l’écran de pause. Une fois la partie lancée, on a uniquement le choix entre trois difficultés et quatre personnages, et il est impossible d’en connaître les différences sans regarder le site officiel ou la bande-annonce. Outre des attaques de base légèrement différentes en termes de portée, ils diffèrent par des capacités spéciales peu équilibrées… Le renard Fudemaru dispose carrément d’une attaque secondaire supplémentaire lui permettant de se transformer en ennemi, alors que ses trois comparses doivent se contenter de facilités de déplacement. Mais la faculté de la chatte Miyuki à escalader les parois façon Knuckles semble peu utile dans la plupart des niveaux, qui comptent en revanche pas mal de cordes où le singe Yu peut s’agripper. Quant à la possibilité de planer de la femelle écureuil Hanako, elle peut sans doute se montrer salvatrice dans les phases de plateformes, mais comme on ne peut pas changer de personnage en cours de route, on n’a pas pu le vérifier… On peut de toute façon finir l’aventure avec n’importe lequel, ce qui rend donc ces pouvoirs très superflus – les joueurs ne devraient donc pas trop se battre pour les choisir…

Ils sont tous mignons mais impossible de savoir ce qui les différencie...
Ils sont tous mignons mais impossible de savoir ce qui les différencie…

Ce sera sans doute une autre paire de manches en jeu, dans la mesure où les bonus (dont l’argent) ne sont pas partagés entre les joueurs, et qu’on peut les ramasser à la barbe d’un futur ex-ami d’assez loin, en les « attaquant » ! Et quand un participant est au tapis, c’est rapidement la panique car ses comparses peuvent le ressusciter (et ainsi lui éviter de perdre une vie) en matraquant le bouton – pas trop longtemps heureusement, mais ça ne redonne que très peu d’énergie. On saute bien sûr avec le bouton B, on attaque au corps-à-corps avec Y (avec une attaque chargée qu’on risque d’oublier car elle s’obtient après le troisième niveau), et à distance avec A dans huit directions. On choisit entre les shurikens et les bombes (débloquées après le deuxième niveau) avec les gâchettes ZL et ZR, et on dispose de vilaines smart bombs en quantité limitée avec X (*). On peut également effectuer avec L un dash (exécutable en vol) et utiliser avec R un grappin qui récompense le premier stage. L’ensemble s’apparente donc à un run and gun, mais avec un aspect plateforme assez prononcé (d’autant qu’on est doté d’un double saut) et un accent mis sur le corps-à-corps car les shurikens sont logiquement moins puissants. En termes de gameplay, Ninja Spirit (1990) est sans doute le classique auquel Kemono Heroes nous a le plus fait penser.

Mais le jeu de Mad Gear Games incorpore un petit côté aventure, donc, et pas seulement du fait des capacités (grappin, bombes, coup chargé) débloquées. Parmi les bonus ramassés dans des coffres ou laissés par les ennemis, on trouvera parfois de la nourriture, des sphères bleues (qui redonnent une smart bomb) voire des vies supplémentaires assez rares, mais le plus courant reste l’argent. Celui-ci se dépense bien évidemment dans des boutiques situées à la fin de chaque sous-niveau, où l’on pourra acheter nourriture, magies et vies, mais surtout améliorer cinq caractéristiques : l’attaque au corps-à-corps, les shurikens, les bombes (une fois débloquées), le nombre maximal de smart bombs et même la taille de sa jauge d’énergie. Cela dit, les développeurs ont pensé à conserver un certain équilibre en limitant l’amélioration des trois capacités offensives au niveau courant (au rang 1 pour le premier niveau, rang 2 pour le deuxième, etc.). Les joueurs en difficulté pourront en revanche booster leur jauge d’énergie sans vergogne (a priori), mais s’il est souvent préférable de miser sur l’attaque quand on galère. Et il faut dire que l’action devient vite frénétique mine de rien, clairement pensée pour plusieurs joueurs avec certains ennemis qui réapparaissent même sans relâche – ce qui permet toutefois de farmer l’argent si besoin.

L'un des boss du jeu
L’un des boss du jeu

Néanmoins, même seul et en difficulté Normale, on ne peut pas dire que Kemono Heroes soit très difficile, du moins durant la première moitié de l’aventure. Les collisions se révèlent assez indulgentes et les vies assez généreuses. Les boss ne posent également pas beaucoup de difficultés initialement, mais ils ont des jauges d’énergie assez longue et ceux qui se tiennent à distance, et qui sont donc plus difficiles à attaquer au corps-à-corps, pourront montrer davantage de résistance… Seulement voilà, une fois les quatre stages de trois sous-niveaux chacun franchi, il faudra reparcourir l’aventure en entier à la Ghosts’n Goblins (1985) – le genre de clin d’œil rétro dont on se serait passé ! Et hormis une palette de couleurs douteuse qui gêne parfois (volontairement ?) la lisibilité, la deuxième passe est quand même assez similaire à la première, mais en plus difficile. À vrai dire, le fait que les ennemis soient sans doute plus forts et résistants est compensé par les améliorations obtenues, mais il semble que la nourriture ne redonne pas plus d’énergie qu’avant et les boss font cette fois très mal quand ils touchent… Mais comme on réapparaît immédiatement quand on perd une vie et qu’une fois boosté au max, on peut utiliser tout son argent pour se régénérer, on peut largement bourriner – je n’ai jamais perdu de crédit.

D’un côté, on aurait donc aimé que Kemono Heroes soit un peu plus difficile, ou du moins qu’il nous encourage plus à avancer prudemment, mais cela ne l’empêche pas hélas d’être horripilant parfois… Et c’est bien dommage car ce sont des petits détails qui agacent le plus, comme ce scrolling qui ne revient jamais en arrière, à l’ancienne, ce qui n’est pas trop gênant à l’horizontale mais peut vite tourner au cauchemar dans les quelques niveaux d’escalade. Et puis il est difficile de jouer intelligemment quand les ennemis réapparaissent de manière si frénétique et chaotique, créant des combinaisons difficiles à éviter – même si la plupart des tirs peuvent être détruits avec une attaque. La palme de l’ennemi relou revenant clairement aux lanternes qui lancent des boules de feu rasant le sol, qu’il est souvent difficile d’éviter dans le feu de l’action… Alors s’en prendre une ne fait pas forcément beaucoup de dégâts mais est très désagréable – avec un choc à la Mega Man particulièrement pénible dans un run and gun au feeling beaucoup plus arcade que la série de Capcom. C’est ce genre de choses qui empêche hélas le jeu d’être aussi mémorable qu’un Ninja Spirit (1990) ou aussi fun qu’un Pocky & Rocky (1992), mais également son aspect sonore…

Kemono Heroes (Switch)
Les lanternes susnommées…

Et c’est triste à dire car, si les bruitages manquent clairement de pêche, les musiques ne sont pas mauvaises, mais elles ne s’accordent tout simplement pas avec le jeu. Là où le pixelart 16-bit est très orthodoxe, les musiques ne font pas chiptune mais n’évoquent pas non plus les mélopées des jeux sur CD-ROM. Elles ont bien des accents asiatiques qui vont avec l’ambiance médiévale japonaise, mais les rythmiques metal du premier niveau (et de la bande-annonce ci-dessous) n’ont pas la classe d’un Panzer Paladin, et la plupart des thèmes font au contraire le choix étrange de la mélancolie, qui ne colle pas vraiment (pour ne pas dire pas du tout) à un run and gun. Quant à la musique des boutiques censée être comique, elle vous hantera longtemps et pas dans le bon sens du terme… C’est sans doute subjectif, mais j’ai ressenti une forte déconnexion entre l’image et le son qui m’a souvent sorti du jeu. Alors forcément, quand on découvre que l’on doit parcourir les mêmes niveaux quasiment deux fois, ça passe moins, surtout en solo. Une fois l’aventure bouclée, on aura la possibilité de la redémarrer en conservant toutes ses améliorations (et avec une difficulté accrue semble-t-il), mais les joueurs qui vous rejoindront éventuellement partiront de zéro hormis les trois upgrades obligatoires et, sans doute pour compenser, un petit pécule. Et si vous voulez redémarrer une partie du début, cela effacera votre sauvegarde ! Mais à part pour le faire découvrir à un ou plusieurs amis, ou débloquer les quelques succès qui vous manquent – j’en ai obtenu la moitié au premier run –, il ne sera pas évident de se motiver à s’y replonger…

Verdict : Bénéficiant d’une réalisation graphique très soignée mais d’un sound design bien moins convaincant, Kemono Heroes est un run and gun sympathique à quatre mais pas inoubliable.

80 hbpm

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