TEST : Xeno Crisis & Tanglewood Dual Game Cartridge

Xeno Crisis & Tanglewood Dual Game Cartridge (Evercade)XENO CRISIS & TANGLEWOOD DUAL GAME CARTRIDGE
Evercade
Catégorie : run and gun/plateforme
Joueurs : 1
Développeur : Bitmap Bureau/Big Evil Corporation
Éditeur : Blaze Entertainment
Date de sortie : 10/2020
Prix : 19,99 €
Site Officiel : https://www.evercade.co.uk/xeno-crisis-tanglewood-dual-game-cartridge/

Nous n’avons hélas proposé que très peu de tests de jeux homebrew jusqu’à présent, pour diverses raisons évoquées lors des précédentes tentatives, et Xeno Crisis & Tanglewood Dual Game Cartridge nous en offre une occasion aussi bienvenue qu’inattendue. Pourtant, il ne s’agit pas de la seule cartouche dédiée au homebrew sur Evercade après Mega Cat Studios Collection 1 et en attendant Indie Heroes Collection 1, mais elle n’en reste pas moins unique car elle ne comporte que deux jeux – mais deux poids lourds, tous deux d’ailleurs financés via Kickstarter. Et ce n’est vraiment pas un problème, car alors que les autres compilations se révèlent souvent inégales, par nature, on a droit ici à deux des meilleures productions homebrew de ces dernières années, du moins sur la 16-bit de SEGA – une console que l’Evercade émule par chance à la perfection. En outre, au tarif habituel sur la portable, cela revient beaucoup moins cher que les deux cartouches Mega Drive, y compris en loose voire même en dématérialisé ! Alors forcément, le packaging est plus sobre que les éditions physiques respectives de chaque titre, mais le manuel commun est tout de même plus détaillé qu’à l’accoutumée sur le support.


Xeno Crisis

Commençons par le plus récent des deux (uniquement parce qu’il apparaît d’abord dans le titre et la jaquette de la cartouche), même si cela peut sembler un peu cruel dans la mesure où Xeno Crisis a été développé par une plus grosse équipe que Tanglewood ; Bitmap Bureau est un studio expérimenté et a surtout bénéficié du travail de l’un des meilleurs pixelartists au monde, Henk Nieborg, qui a œuvré sur The Misadventures Of Flink (1994) et The Adventures of Lomax (1996) mais aussi plus récemment sur Shakedown: Hawaii entre autres, et il planche actuellement sur son propre Battle Axe. Il a le don de faire totalement oublier la palette de couleurs plus limitée de la Mega Drive, au point que Xeno Crisis aurait sans doute été considéré comme un des plus beaux jeux de la 16-bit s’il était sorti à l’époque… D’autant que le reste est à la hauteur et fait vraiment pro, des superbes images des cinématiques à la présence de plusieurs langues dont le français, sans la moindre erreur de traduction à l’horizon. Son gameplay fera en revanche moins l’unanimité, déjà parce qu’il s’agit d’un run and gun en écran fixe à la Smash TV (1990), mais aussi parce que son level design est généré aléatoirement. Cela le rend forcément plus répétitif qu’un Mercs (1990) par exemple, mais aussi plus injuste puisque la distribution des ennemis et des bonus est tout aussi hasardeuse. Et puis c’est franchement difficile, même en Facile (il n’y a que deux modes de difficulté) et d’autant qu’il faut finir le jeu sans utiliser de crédit pour avoir accès à la vraie fin !

Le premier boss de Xeno Crisis
Le premier boss devrait calmer les ardeurs de pas mal de joueurs…

Si les ennemis ont tendance à rester groupés dans les deux premiers niveaux, rien que le premier boss est vraiment corsé (bien plus que le deuxième à mon avis), y compris avec des savestates de toute façon pas évidentes à gérer dans le feu de l’action… Occupant près de la moitié de l’écran comme on le voit ci-dessus, il laisse peu de place pour éviter ses tirs mais aussi les petits ennemis étonnamment résistants qu’il engendre. Et il faudra penser à ramasser des munitions qui apparaissent toujours quand on en a besoin… mais pas forcément au bon endroit. Alors certes, la roulade rend invulnérable, mais il faut arrêter de tirer pour la déclencher ; à l’inverse, il est parfois difficile de s’immobiliser un instant pour lancer une grenade dans la bonne direction sans se manger un tir ennemi. Et cela devient assez infernal dès le troisième niveau (toutefois privé de bosse semble-t-il) avec l’apparition d’ennemis qui ne sont vulnérables que lorsqu’ils émergent du sol ! En outre, hormis les munitions, la nature des bonus (medikit, grenade ou arme spéciale) est aléatoire, ce qui sera cause de pas mal de frustrations (ou de chargements de savestate). Sans compter que certaines armes spéciales, aux munitions illimitées mais heureusement jetables avant le temps imparti, se révèlent handicapantes du fait d’une trop courte portée (le lance-flammes, le fusil à pompe) ou d’une trop faible puissance pour les derniers niveaux (le tir à tête chercheuse), voire quasi-inutilisables (le BFG surpuissant mais qui demande à être chargé)…

Mais l’original Mega Drive péchait aussi par ses contrôles, un shooter « à deux sticks » n’étant pas très adapté à la console sur le papier, même s’il est compatible avec la manette six boutons. Or la configuration des touches sur Evercade reprend celle de la version Dreamcast, et leur disposition en losange fonctionne comme une seconde croix directionnelle, même si elles sont peut-être un peu grosses et éloignées pour faciliter les diagonales – du moins si vous avez des petits doigts comme moi. Mais hormis des jets de grenades accidentels (difficile de ne pas laisser reposer son index près de la gâchette), j’ai trouvé la prise en main bien plus simple que lorsque j’avais essayé Xeno Crisis sur la 16-bit de SEGA. En revanche, le gros point noir de cette version portable est l’impossibilité de jouer à deux, pourtant bienvenue dans l’original vu la difficulté. C’est sans doute moins lisible avec tous ces ennemis, mais ça doit être bien utile contre les ennemis munis de boucliers dans le dernier niveau ; il faut leur faire perdre à l’aide d’une roulade à moins de disposer d’une arme puissante ou de sacrifier une grenade… Et ce que l’on regrettera aussi, c’est l’absence de l’interface uniquement présente sur les supports modernes, alors que l’Evercade dispose elle aussi d’un écran 16/9. En effet, impossible de savoir combien on a d’énergie ou de grenades sans en perdre ou en gagner, hormis l’apparition fugitive des points de vie à l’entrée d’une salle. Les savestates sont donc une nouvelle fois salvateurs, d’autant qu’on peut se créer plusieurs slots pour tester différents choix d’améliorations de ses stats dans la boutique entre les niveaux.


Tanglewood

Autant Xeno Crisis ferait presque oublier son support d’origine, autant Tanglewood transpire la Mega Drive par tous les pores… Sa réalisation mise sur des gros sprites aux animations très travaillées comme dans les classiques Disney, mais aux couleurs parfois ternes ou criardes, typiques de la palette de couleurs plus limitées de la machine. On reconnaît aussi de suite les sonorités du Yamaha YM2612, et le gameplay du jeu de Matt Phillips rappelle énormément certains titres de la console. C’est une sorte de cinematic platformer axé sur l’exploration et la réflexion plutôt que la plateforme pure, avec un côté à la fois bucolique et cryptique (à moins de lire le manuel) qui rappelle Ecco the Dolphin (1992) – en moins frustrant, rassurez-vous… On contrôle Nymn, une sorte de renard aux déplacements vifs et aux sauts périlleux dont l’inertie évoque Sonic, mais qui devra faire preuve de plus de jugeote que le hérisson. En effet, en plus du saut, deux autres boutons servent respectivement à interagir avec l’environnement, en particulier pousser des objets, et à utiliser des capacités spéciales. Ces deux actions serviront en particulier à replacer des petits créatures poilues, des Fuzzls, jusqu’à leur nids, et leur emprunter ainsi temporairement un pouvoir défini par leurs couleurs : planer avec les jaunes, ralentir le temps avec les verts et contrôler les gros monstres avec les bleus. Car les choses se compliquent le soir.

Chaque chapitre est composé de plusieurs actes qui suivent une sorte de cycle jour/nuit et, si de jour le monde de Tanglewood est plutôt calme, des bêtes dangereuses apparaissent la nuit. Mais pas de panique, le titre de Big Evil Corporation amène les choses progressivement, même si le tout premier contact avec un ennemi pourtant bien petit risque d’être brutal, compte tenu de collisions pas très indulgentes, et surtout du game over instantané. Car on ne dispose ni d’arme, ni d’énergie ! Heureusement, les vies semblent infinies et quelques checkpoints émaillent les niveaux pour ne pas refaire les passages les plus délicats… Comme on le disait, c’est loin d’être aussi traumatisant qu’un Ecco the Dolphin (1992) mais, comme le jeu mise aussi sur l’exploration et que les niveaux, sans être immenses, sont un peu répétitifs sur le plan visuel, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. À défaut d’une carte, on aurait bien aimé pouvoir déplacer un peu la caméra, ne serait-ce que pour repérer les lucioles à collecter, au nombre de huit dans chaque niveau et pas bien grandes, mais surtout parce qu’il y a aussi pas mal de sauts à réaliser à l’aveugle. En plus, dès le second niveau, il faut parfois effectuer une (assez) longue séquence de plateforme à l’aide d’une transformation, donc en temps limité, et c’est là qu’on est bien content de disposer de savestates sur Evercade. Surtout qu’il arrive souvent d’emprunter la sortie (aimantée) sans le vouloir, et donc sans avoir exploré partout – et il n’est hélas pas toujours possible de revenir sur ses pas…

Les Fuzzls marrons servent à actionner des mécanismes
Les Fuzzls marrons servent à actionner des mécanismes

Or s’il est possible de savoir à tout moment, en mettant la pause, combien de lucioles on a trouvé dans chaque acte, cela ne sera pas pour autant facile de ne pas en louper une seule, surtout la première fois… Il y en a 168 en tout et comme on en trouve huit dans (presque) chaque niveau, on peut deviner qu’il y en a au moins vingt-et-un, répartis en huit chapitres de trois actes en général. À la fin, je n’avais loupé que trois lucioles, évidemment dans les deux premiers chapitres et, s’il devient alors possible de démarrer l’aventure depuis n’importe lequel de ces derniers, le compte de lucioles repart de zéro… Tanglewood ne fait du reste pas partie de ces jeux que l’on va forcément revisiter, car son intérêt réside surtout dans la découverte. Sans trop en dévoiler, le gameplay évolue  notamment dans le quatrième chapitre avec un compagnon dont l’IA n’est hélas pas parfaite. Malgré des efforts évidents pour éviter que l’on se bloque, et un sens de l’initiative en général bienvenu, j’ai parfois été bien content de reprendre ma sauvegarde quand il avait fait rouler un Fuzzl jusqu’au bout d’une plateforme sans le faire tomber, et qu’il refusait du coup de le pousser davantage… Tanglewood m’a alors fait penser, heureusement plus pour le meilleur que le pire, au remake d’A Boy and His Blob, avec son côté poétique mais une IA et des collisions parfois sources de frustrations. C’est flagrant lors de « l’affrontement du boss » de ce quatrième chapitre qui doit être bien pénible sans savestates. Néanmoins, en dépit d’un dernier niveau un peu laborieux, Tanglewood restera dans les mémoires de ceux qui y ont joué grâce à son ambiance unique, tout en retenue – la musique discrète intervenant surtout quand il y a danger. 


Si Xeno Crisis offre une réalisation exceptionnelle, son gameplay et surtout sa difficulté diviseront (peut-être) davantage, et on peut questionner le concept même d’un shooter à deux sticks sur une console dotée en standard d’une manette à trois boutons. Et il est aussi difficile d’affirmer que la version Evercade est la meilleure du jeu ; ce n’est sans doute pas la moins maniable, mais le mode deux joueurs et l’interface étendue lui font défaut. Des points qui ne concernent pas Tanglewood, initialement plus accessible mais pas forcément plus fédérateur – ceux qui s’attendent à un jeu de plateforme à mascotte typique de l’époque de la Mega Drive risquent de le trouver frustrant. Néanmoins, pour peu que l’on soit sensible à son charme particulier, c’est une très belle aventure, et c’est franchement rare pour un jeu homebrew sur une scène dominée par les portages…

Verdict : Bien qu’il s’agisse de la cartouche Evercade contenant le moins de jeux à ce jour, Xeno Crisis & Tanglewood Dual Game Cartridge s’impose comme un indispensable de la portable.

100 hbpm

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