TEST : Cyber Shadow, le ninja guedin

Cyber Shadow (Windows, Mac OS X, Linux, Xbox One/Series, PS4/PS5, Switch)CYBER SHADOW
Windows, Mac OS X, Linux, Xbox One/Series, PS4/PS5, Switch
Catégorie : action/plateforme
Joueurs : 1
Développeur : Aarne « MekaSkull » Hunziker
Éditeur : Yacht Club Games
Date de sortie : 26/01/2021
Prix : 19,99 €
Site Officiel : https://yachtclubgames.com/cyber-shadow/
(testé sur Steam, clé fournie par l’éditeur)

Cyber Shadow est le fruit de cinq années de développement par Aarne « MekaSkull » Hunziker quasiment seul, et le challenge qu’il propose doit être à peu près à l’image de ce qu’a dû être ce long périple pour le Finlandais… Le jeu nous accueille très sobrement, avec un titre uni sur fond noir et accompagné d’une musique douce et envoûtante, avant de s’animer un peu plus le menu apparu – il faudra le laisser traîner encore un peu pour voir une superbe cinématique. Outre une section bonus dans laquelle on trouve surtout les succès baptisés exploits, on dispose d’assez peu d’options dont le choix de la langue (français inclus), la configuration des contrôles (que je recommande de visiter de suite car le jeu employait par défaut les boutons du haut et de droite de ma manette) et, par exemple, le fait de sprinter avec deux fois avant en plus du bouton de tranche – seule entorse à l’authenticité puisque Cyber Shadow utilise sinon le même nombre de boutons que l’on trouve sur une manette NES… Or ce côté très orthodoxe fait autant le charme du jeu que son côté frustrant ; c’est bien beau de se contenter d’un bouton de saut et d’un autre d’attaque, mais il arrivera fréquemment d’envoyer des shurikens, au nombre d’utilisations hélas limité, sans faire exprès.

Mais les problèmes ne commencent pas de suite, et après avoir choisi l’un des six slots de sauvegarde, l’aventure démarre par  une deuxième cinématique 8-bit encore bien jolie. Dans la tradition d’un Ninja Gaiden (1988), beaucoup d’autres suivront et pas forcément entre deux niveaux ; le récit et l’univers de Cyber Shadow, étonnamment (et peut-être inutilement) détaillés pour un jeu d’action, sont assez bien entremêlés avec le gameplay… Et il faut admettre qu’on a vraiment l’impression d’être face à l’un des meilleurs titres japonais de la NES, grâce à une réalisation tout à fait orthodoxe hormis le format 16:9 et l’absence de clignotements – on a en revanche noté quelques ralentissements. C’est bien plus joli que les séquences 8-bit de The Messenger, pour prendre un titre aux influences similaires, mais le gameplay est sans doute encore plus old school… Encore une fois, cela commence doucement, avec un seul cran d’énergie, certes, mais on remplit sa jauge avant même de croiser le moindre danger. Le premier niveau annonce néanmoins la couleur ; il n’est pas bien difficile mais on repère déjà tous ces petits ingrédients qui vont nous pourrir la vie : des ennemis qui arrivent par derrière en sautant de manière erratique comme les chiens de Ninja Gaiden, des tourelles qui s’adaptent à votre hauteur (sachant que vous ne pouvez pas vous baisser) ou d’autres qui réapparaissent une fois (et une seule heureusement) après avoir été détruites… Et puis on ramasse beaucoup d’argent mais bien peu d’énergie !

Cyber Shadow (Windows, Mac OS X, Xbox One, PlayStation 4, Switch)
J’avoue regarder la plupart des dialogues sans les lire, ayant du mal à prendre le temps d’apprécier ces moments de calme presque incongrus…

Et tout cela va se corser dans les niveaux suivants ou plutôt les chapitres tels qu’ils sont appelés dans le jeu. En effet, contrairement à ce que l’on a pu croire à un moment donné, il ne s’agit pas vraiment d’un Metroidlike ; les zones sont interconnectées mais deux à deux en file indienne et, pour ne pas avoir à tout retraverser, des téléporteurs sont situés au début de la plupart d’entre elles. Ceux-ci indiquent d’ailleurs le niveau de complétion de chaque chapitre, que l’on pourra donc revisiter pour obtenir des améliorations de jauges de santé et d’esprit, à l’aide de pouvoirs obtenus le plus souvent après avoir battu un boss de fin de niveau. Mais bien qu’il y ait onze chapitres, il n’y a que sept capacités que l’on débloque durant les cinq premiers : le lancer de shuriken avec haut plus attaque, la flamme ascendante (avec bas), la frappe aérienne (avec bas en saut, façon DuckTales), la glissade murale (qui permet aussi d’escalader les parois), une attaque plus puissante, la parade (à la manière d’un contre de jeu de combat) et le sprint. Puis, d’une manière d’ailleurs étonnamment expéditive, on récupère à la fin du septième chapitre un double saut et surtout une attaque chargée nécessaire à l’obtention de pas mal d’upgrades… Et bien entendu, l’utilisation de certaines capacités offensives consomme un point d’esprit même si, en dehors du shuriken, on aura accès à une version moins puissante de l’attaque avec une jauge vide ; on aurait d’ailleurs aimé parfois forcer cette variante pour économiser sa jauge d’esprit…

Cyber Shadow développe donc assez progressivement ses mécaniques, hormis peut-être le sprint qui doit être vite combiné avec l’attaque pour doubler son effet, sans que ce ne soit expliqué hélas. Outre ses compétences,  on pourra aussi augmenter ses deux jauges et ce ne sera pas du luxe. Les demi-boss (puis les boss dans la seconde partie de l’aventure) vous récompenseront d’un cran de vie supplémentaire, sachant qu’on en gagnera aussi un chaque fois que l’on réunira trois orbes récupérés dans les niveaux, quand un seul tank bleu suffira à ajouter un degré à la jauge d’esprit. Dommage qu’il faille attendre quasiment le dernier tiers de l’aventure pour obtenir ces items mais, malgré sa réputation de jeu impitoyable, il faut avouer que Cyber Shadow a tout de même quelques intentions délicates car, si l’on ne peut pas se baisser comme dans Tanuki Justice (et c’est ici nettement plus gênant vu les proportions du protagoniste), on peut en revanche descendre d’une plateforme. Parmi les autres signes de bienveillance, on notera que les (rares) bonus de vie et d’esprit ne se ramassent pas si on a déjà tout (même s’ils disparaissent au bout d’un moment) et, surtout, que les checkpoints font plus office de points de respawn. Ce qui signifie que les progrès importants, c’est-à-dire les boss vaincus – y compris les barrières horripilantes du chapitre 7 – et les upgrades ramassés, sont conservés même si vous mourrez avant d’atteindre un checkpoint ! Et on a (presque) été déçu de découvrir que l’eau ne tue ni ne rouille même pas un peu notre cyborg.

Cet autel donne accès au sprint, la septième et (presque) dernière capacité
Cet autel donne accès au sprint, la septième et (presque) dernière capacité

Cependant, les vies sont certes infinies et les checkpoints relativement nombreux mais il n’empêche que le level design est parfois bien vachard, avec des ennemis qui attaquent souvent au mauvais moment et au mauvais endroit. Et puis bien sûr, les coups nous poussent vers l’arrière sans que l’on puisse contrôler sa chute… Dès la fin du chapitre 2 par exemple, on a une (désormais célèbre) séquence d’ascenseur déjà bien tendue puisque l’on doit esquiver les blocs qui tombent du haut de l’écran (et c’est assez difficile de le faire au dernier moment sans le sprint débloqué bien plus tard), mais aussi des lasers qui tirent des côtés (que l’on peut heureusement détruire à condition de pouvoir s’approcher faute de shurikens), ces satanés mouches aux trajectoires pénibles et des plateformes qui tuent instantanément si on les effleure par en dessous – et ce, même sans se faire écraser… Quand le boss du premier chapitre a déjà une double jauge d’énergie, on sait qu’on ne va pas toujours se marrer, surtout que le suivant présente une seconde forme une fois les deux jauges vidées, par exemple. Néanmoins, contrairement à beaucoup d’autres jeux où un double kill est au détriment du joueur, on peut parfois tenter le passage en force pour achever les boss puisque leur trépas sera sauvegardé quand même comme on le signalait plus haut.

Et comme les ennemis ne réapparaissent pas à l’infini et que leur comportement n’est pas aléatoire, la marge de progression est très bonne. Et surtout, ce qui aide énormément et justifie la présence d’argent, c’est la possibilité d’acheter aux checkpoints des assistances fournies à chaque fois que l’on y réapparaît – mais également quand on y repasse, ce qui facilite grandement certains passages, à condition de ne pas changer d’écran (ce qui ferait réapparaître les ennemis) et au prix de quelques allers-retours, donc. Les trois aides ne sont pas toujours disponibles, mais il y a toujours au moins celle qui remplit la jauge de vie (le plus souvent gratuite, rassurez-vous), la deuxième comblant la jauge d’esprit et la troisième offrant un gadget (bouclier, tir chargé, tourelle de défense, etc.) adapté à la séquence… Les tarifs augmentent au cours de chaque chapitre mais l’argent ne manque pas heureusement. Affronter un boss avec la garantie de partir avec ses jauges pleines et un gadget à chaque tentative (même si ce dernier disparaît après trois coups reçus) sera souvent bienvenu, car Cyber Shadow est clairement le genre de jeu où il est quasiment impossible de battre un boss du premier coup. Alors qu’on se surprendra parfois, après de nombreux essais, à les vaincre en ne se faisant (presque) plus toucher… Et puis il ne faut pas croire que la difficulté va crescendo sans la moindre pause, les débuts de chapitre étant souvent calmes ; après l’ascenseur du chapitre 2, je n’ai plus rencontré de passage aussi horrible jusqu’au dernier boss du chapitre 4.

Cyber Shadow (Windows, Mac OS X, Linux, Xbox One/Series, PS4/PS5, Switch)
Je me suis senti obligé de regarder une vidéo pour vaincre ce demi-boss, MekaDragon, mais le vrai boss derrière est bien pire…

J’ai néanmoins réussi à le battre mais, malheureusement, le chapitre suivant, bien ardu de base, enchaîne lui aussi deux boss redoutables donnant même l’impression d’être les derniers – alors qu’on est loin de la fin. S’il n’est pas forcément nécessaire de maîtriser le contre pour le premier boss du chapitre 5 avec l’aide d’un item redonnant de l’esprit, sa seconde forme rencontrée peu après est elle vraiment infernale. Quand j’ai fini par la vaincre après de nombreux essais, il ne me restait comme bien souvent qu’un seul cran de vie… Et si les boss se montrent étrangement plus rares durant la seconde moitié de l’aventure, cela ne devient pas plus facile pour autant car, une fois les dernières capacités (moins offensives) obtenues, le level design en profite pour s’axer sur la plateforme, à tendance masocore bien entendu. Et alors qu’on dispose enfin de quoi revisiter les anciens niveaux, on ne trouve hélas aucun téléporteur au début des chapitres 7 et 8, ni aide au checkpoint pour faciliter le « hacking en VR » nécessaire à la séquence en moto… Celle-ci n’est du reste pas vraiment fun malheureusement – en tout cas moins que l’autre passage véhiculé de l’interminable huitième chapitre. Quand je l’ai finalement bouclé, j’ai pensé naïvement que c’était bien là l’occasion tant attendue de grinder. Et c’est alors que j’ai découvert une nouvelle facette de Cyber Shadow, peut-être encore plus cruelle que celles que je connaissais jusqu’à présent…

Car s’il est indéniable que reparcourir les anciens niveaux boosté paraît bien plus facile, d’autant que les boss et autres éléments agaçants ont disparu, on aurait pu penser que débloquer les capacités nécessaires suffirait à mériter les derniers upgrades… Or ils se cachent au terme d’épreuves encore plus redoutables et dont les entrées sont rarement juste à côté d’un checkpoint. Alors bien sûr, tout cela est facultatif mais j’ai le pressentiment que le boss final doit déjà être coton avec les jauges au maximum… Et puis je sais que j’ai laissé passer des upgrades dans les deux chapitres sans téléporteur, hélas. J’ai quand même réussi à en récupérer quelques-uns, surtout ceux qui sont censés pouvoir être obtenus au premier run à vrai dire, et qui deviennent donc (quasiment) enfantins au second. Je me suis ensuite contenté de reprendre le chemin principal en essayant d’aller le plus loin possible et, au moment de boucler ce test, je bute sur un demi-boss du neuvième chapitre, version vénèr’ d’un ennemi déjà vaincu dans la douleur pour débloquer un upgrade… Il m’est donc difficile de conseiller Cyber Shadow sans mise en garde mais, d’un autre côté, je ne pensais pas aller aussi loin, ayant été de nombreuses fois pas loin d’abandonner. Ce qui prouve qu’il m’a pas mal accroché et, à titre personnel, j’aurais encore une fois tendance à le préférer, et pas seulement sur le plan de la réalisation, à The Messenger dont je ne goûtais pas forcément l’humour second degré – et qui avait aussi son lot de passages horribles, hein ?

Verdict : Même si Cyber Shadow s’adresse clairement à des retrogamers avertis (qui en valent deux voire trois), cela n’en reste pas moins un hommage réussi aux classiques japonais de la NES.

90 hbpm

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