ÉDITO : Le beat ’em up à l’époque de sa reproductibilité technique

River City Ransom (Brooklyn Art Project)

Après le long dossier de notre président sur le dématérialisé, qui reste encore d’actualité au point qu’il pourrait même être continuellement mis à jour, il est assez difficile de reprendre le flambeau des éditos avec un sujet nettement plus léger. Encore que celui-ci me tienne particulièrement à cœur. Même si j’avoue n’avoir que rarement l’occasion de jouer à un beat ’em up aujourd’hui, il demeure l’un de mes genres de prédilection. Double Dragon a été mon premier jeu vidéo, et ce n’est pas quelque chose qui s’oublie comme ça. Genre populaire du jeu vidéo au tournant des années 90, il est fortement mis à mal par le jeu de baston, et disparaît peu à peu avec la 3D, ne parvenant pas à réussir sa mue aussi bien que les jeux de course ou de plateformes. Il réapparaît plus tard, dans les années 2000, sous une autre forme, jugée plus noble et certes plébiscitée, mais ne retenant finalement pas grande chose de ce qui faisait son intérêt initial…

Une leçon d’anglais

Je tiens à m’excuser d’avance pour la parenthèse lexicale qui va suivre, mais je la considère comme d’importance. Bien que je recherche en général à éviter les répétitions dans mes articles, comme n’importe quel auteur du reste, je n’écrirai dans cet article que le terme beat ’em up, à une exception près. On pourra objecter que les Japonais, qui ont pourtant inventé les titres pionniers du genre, ne l’utilisent pas. Et j’aurais moi-même aimé disposer d’un synonyme comme les anglo-saxons qui emploient parfois brawler. Mais débarrassons-nous sans plus tarder de l’exception que je mentionnais à l’instant ; je n’écrirai qu’une et une seule fois beat them all, et uniquement pour rappeler que cette dénomination est impropre.

Tout d’abord, et cet argument devrait idéalement suffire, ce terme est une invention purement française. Vous ne le trouverez employé nulle part ailleurs. Et pour cause : il n’a pas de sens, ou du moins il est bien trop vague. François Daniel, alias Wonder, vous expliquerait sûrement que le all (« tous ») est mensonger, puisqu’il n’est pas toujours nécessaire d’éliminer tous les ennemis dans ce type de jeu. J’irai plus loin ; traduite littéralement, l’expression signifie « bats les tous », ce qui me semble aussi bien approprié au mode deathmatch d’un FPS qu’à un jeu de baston… Cette erreur s’explique probablement par une méconnaissance de l’anglais.

Superplay Double Dragon (Nolife)

Ce Superplay de Double Dragon sur Nolife montre clairement qu’on n’est pas obligé de « tous » les battre

En effet, persuadés de leur supériorité culturelle, nos compatriotes ignorent en général que la langue anglaise comporte plus de mots que la nôtre. Et en particulier, elle offre une grande richesse verbale (il existe par exemple de nombreux mots pour dire « frapper », selon la forme de l’arme !) et en partie grâce aux postpositions. Un verbe change totalement de sens en plaçant une postposition à sa suite ; to give signifie donner, mais to give in veut dire céder et to give up, abandonner. On notera ici une certaine proximité sémantique, mais c’est parfois très subtil. Et mieux vaut éviter de confondre to pass out (s’évanouir) et to pass away (décéder). Bref, to beat veut seulement dire battre dans le sens de vaincre (I beat this game = j’ai fini ce jeu), quand to beat up signifie « tabasser ». Le remplacement du up par un all n’est donc pas sans gravité.

Une question de point de vue

Il serait laborieux de rappeler en détail comment Nekketsu Kôha Kunio-kun (Renegade, 1986) et Double Dragon (1987) ont posé les bases du beat ’em up. Je ne ferais alors que paraphraser la biographie de leur créateur, Yoshihisa Kishimoto, membre d’honneur de l’association. Pour faire simple, disons que ces deux titres ont apporté plusieurs innovations majeures, dont deux au moins sont fondamentales et se retrouvent dans à peu près tous les (bons) titres du genre. La première a trait, et cela peut faire sourire avec le recul, au réalisme des combats.

En effet, Kishimoto n’a jamais caché un certain dédain pour les précurseurs du genre comme Spartan X (Kung-Fu Master, 1984), qui relève selon lui davantage du shoot ’em up. Pourquoi ? Parce que dans ce type de jeu assez primitif, les ennemis meurent en un coup, et le moindre contact avec l’un de vos poings ou pieds les font valdinguer. Cela devient donc une pure affaire de réflexes, et on a vite fait de marcher en continu en appuyant de temps à autre sur le bouton d’attaque pour faire disparaître la menace. Or, dans un jeu axé sur la simulation comme International Karate (1986), même si le moindre coup est fatal (pour rendre le côté stratégique du karaté sportif), son impact n’en est pas moins parfaitement rendu à l’écran. Bien au contraire.

Spartan X (Irem, 1984)

Spartan X (Irem, 1984) : l’un des premiers beat ’em up, mais l’un des plus basiques aussi

Et Nekketsu Kôha Kunio-kun, sorti la même année, suit ce même principe de réalisme. Chaque coup porté fait violemment reculer l’adversaire et les ennemis font preuve d’un semblant d’intelligence. Ils nous contournent, nous encerclent, certains vous attrapent par derrière pour vous donner en pâture à leurs complices, etc. Kishimoto s’est réellement servi de son passé de loubard (modéré) pour recréer les sensations d’un vrai combat de rue. C’est ce choix de design, qui peut nous sembler évident aujourd’hui, qui a permis au genre de devenir le moyen idéal pour les joueurs de se défouler sans faire de dégâts dans la vie réelle.

L’autre innovation touche davantage à la représentation, ce qui peut la faire passer pour secondaire au premier abord. Et pourtant, tous les jeux du genre ont fini par adopter cette « vue de trois quarts », en perspective cavalière, ni de profil, ni du dessus. Encore une fois, les joueurs qui sont nés avec la 3D auront bien du mal à comprendre en quoi cette orientation était inhabituelle. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion d’expliquer, notamment durant ce podcast, à quel point elle m’avait pourtant dérouté, enfant. Sur un plan purement pratique, il est clair que cette vue facilite le jeu à deux en coopération, qui fait d’ailleurs son apparition avec Double Dragon.

Et cette dernière option devient rapidement incontournable. Konami se fera même une spécialité des beat ’em up à quatre, que ce soit avec les Tortues Ninja, les Simpson, ou les X-Men. Il est évident qu’avec une vue de profil, comme celle de Splatterhouse ou Vigilante, la présence de plusieurs joueurs pourrait créer de la confusion (à moins de répartir l’action sur plusieurs étages comme dans DragonNinja, 1988). Les ennemis ne pourraient plus vous contourner, et il n’y aurait plus à s’éloigner de l’action pour ramasser une arme, autre innovation de Double Dragon.

Trois chefs d’œuvre

À la fin des années 80 et au tout début des années 90, le beat ’em up va proliférer, et comme c’est souvent le cas, la qualité sera évidemment très variable d’un jeu à l’autre. Si je ne prétends pas connaître tous les jeux du genre (j’attends toujours de pouvoir m’essayer à Golden Axe: The Revenge of Death Adder par exemple, hélas jamais adapté sur console), j’aimerais en citer trois qui me semblent particulièrement marquants et d’ailleurs pour à peu près les mêmes raisons. En effet, si les détracteurs du genre lui reprochent sa répétitivité, il existe une poignée de titres qui offrent une palette de coups suffisamment importante pour pallier le problème.

Streets of Rage 2 (Mega Drive, 1992)

Streets of Rage 2 (1992) : Voilà probablement le beat ’em up qui fait le plus l’unanimité. Le jeu de Yuzo Koshiro est sur presque tous les points meilleur que son prédécesseur (on ne regrettera en fait que la disparition des prises à deux, et peut-être des attaques spéciales – mais sur un plan purement spectaculaire). Sans doute sous le choc de l’arrivée de Street Fighter II, cette suite offre une panoplie de mouvements bien plus importante. J’expliquerai plus bas comment les concepteurs ont su multiplier les possibilités avec trois boutons. C’est aussi un sommet du genre en terme de réalisation, visuelle comme sonore, tandis que le troisième volet semble bâclé de ce point de vue. Encore aujourd’hui, c’est l’un de nos jeux les plus populaires en exposition.

Die Hard Arcade (1996)

Die Hard Arcade (1996) : vous connaissez combien de beat ’em up où l’on peut tirer au lance-missiles et projeter ses ennemis au canon antichar ?

Die Hard Arcade (1996) : Je pourrais écrire un livre entier sur ce jeu. Il s’agit sans doute du seul beat ’em up traditionnel réussi en 3D, car son gameplay demeure en fin de compte en 2D. Là encore, c’est sa générosité, à tout point de vue, qui impressionne : des dizaines et des dizaines de coups, d’armes et de possibilités, dont certaines n’ont peut-être même pas été vues par la plupart des joueurs. Les ennemis sont également si variés que, à l’inverse de quasiment tous les jeux du genre, on croise rarement le même ennemi plus d’une fois. Et enfin, c’est le premier jeu vidéo à incorporer, avant même Shenmue, des QTE sous leur forme moderne.

Double Dragon Advance (2003)

Double Dragon Advance (2003) : Conçu par Muneki Ebinuma, un grand fan de la série qui avait déjà redoré son blason avec Super Double Dragon (1992), cet épisode portable se veut comme une sorte de jeu-somme (comme on parle de film-somme) pour la franchise. Mélangeant des éléments de différents volets, cumulant toutes les armes, tous les mouvements, tous les ennemis aperçus dans la saga, il n’aboutit pas, heureusement, à un gloubiboulga indigeste comme certains hacks de Streets of Rage. Là encore, la panoplie de coups est impressionnante, avec des attaques en courant, la possibilité de piétiner ses ennemis, etc.

La fin de l’entraide

Si la période 1988-1992 voit le beat ’em up proliférer, pour le meilleur et pour le pire, le genre connaît un certain déclin au moment même où le phénomène Street Fighter II se répand. La raison en est simple et bassement économique : lorsqu’un jeu cartonne, les éditeurs concurrents ne peuvent s’empêcher de tenter leur chance avec un clone fait maison. Les séries Double Dragon et Golden Axe auront d’ailleurs droit à leur opus en mode jeu de combat. Ce sont de toute façon les conséquences plutôt que les causes qui m’intéressent ici, qui vont d’ailleurs bien au-delà du beat ’em up lui-même. Cela va par exemple refaçonner le marché de l’arcade, et faire de Capcom et SNK les deux grands rivaux du moment, tandis que Konami, alors très actif dans le beat ’em up, prend peu à peu du recul jusqu’à l’éclosion des jeux musicaux à la fin des années 1990.

L’un des chamboulements provoqués par Street Fighter II va avoir un impact important sur le beat ’em up. Ce changement profond, d’ordre sociologique, est néanmoins plus général. Il ne faut pas oublier que 1992, l’année de la sortie du jeu de baston sur console, voit également arriver Super Mario Kart et Wolfenstein-3D, suivi bientôt de Doom. Ainsi, alors que le marché était dominé jusqu’ici par les jeux de plateformes sur console, et les jeux de rôle et d’aventure sur micro, voici que les grands succès du moment sont tous des jeux axés sur le multijoueur, et en particulier sur la compétition. À partir de là, les jeux en coopération vont se raréfier peu à peu…

Street Fighter II (Super Nintendo, 1992)

Sans le savoir, Ken vient aussi de mettre KO le beat ’em up

Ce n’est que très récemment, sans doute sous l’impulsion du premier Halo mais avec pas mal de retard, que la coop’ va revenir à la mode. Les campagnes « à deux » se multiplient surtout dans la seconde moitié des années 2000 ! Il faut dire qu’avec l’arrivée de la 3D, les vues de profil ont été remplacées par des vues à la première puis à la troisième personne (mais vue de derrière). Ce qui n’est pas très pratique pour faire apparaître deux joueurs à l’écran. Il aura donc fallu attendre la généralisation du jeu en ligne sur console pour voir revenir un peu d’entraide.

Cette évolution dans les habitudes des joueurs va être très dommageable au beat ’em up. En particulier, cela va en modifier la perception par la presse. Celle-ci, qui n’est hélas que très rarement attachée à l’arcade, a toujours été assez sévère vis-à-vis du genre, jugé répétitif et pas très imaginatif. Lorsqu’on se penche sur les tests de jeux aujourd’hui adulés comme Streets of Rage, on se rend compte qu’ils ont été en général largement sous-notés. Ils ont du moins eu des moins bonnes notes que certains titres aujourd’hui totalement oubliés. Et l’argument le plus entendu à l’époque en défaveur du genre concerne bien entendu la durée de vie.

Golden Axe (1989)

Le premier Golden Axe en arcade se parcourt sans problème en vingt minutes. Et même l’épisode Mega Drive, plus long, peut se finir en moins de dix !

Les jeux d’arcade ont toujours été conçus pour faire dépenser au joueur le plus d’argent possible, et les développeurs n’ont jamais vraiment su adapter cela sur console. Le dosage du nombre de crédits, quand ils ne sont pas carrément infinis, a toujours été délicat. On sourit aujourd’hui à la lecture de tests qui se plaignent qu’il faut une discipline de fer pour se contenter d’un crédit afin d’allonger la durée de vie. C’est idiot. Le fun d’un beat ’em up peut sans cesse être renouvelé ; il suffit parfois de changer de partenaire. Les « chefs d’œuvre » cités plus haut ont eu pour moi une durée de vie bien plus importante que beaucoup d’autres jeux. Cela pouvait même donner lieu à un rituel ; quand j’invitais un ami, on finissait Die Hard Arcade ensemble.

Or ce dernier a été particulièrement mal noté dans la presse ; son retour en grâce est très récent. Il faut dire qu’il est sorti à la même période que le fadasse Fighting Force, préféré à l’époque car considéré comme « moderne ». Parce qu’on pouvait sauvegarder entre les niveaux, ou revenir sur ses pas. Des features sans le moindre intérêt pour le genre. Et peu importe si la direction artistique est totalement générique, et la durée de vie artificiellement gonflée par des vagues incessantes de dizaines d’ennemis identiques. C’est dans cette période trouble du milieu des années 90 que les journalistes vont devenir obsédés par la durée de vie, qui prime dès lors sur tout, même sur le fun apparemment… Et cela semble encore le cas aujourd’hui !

Fighting Force (1997)

Fighting Force (1997) : Non seulement le titre du jeu est générique, mais un des héros s’appelle juste « Smasher »…

Et étrangement, avec l’essor des jeux de baston, en 2D puis en 3D, les notes vont gonfler rapidement dans les magazines, faisant parfois fi des bonnes résolutions prises de revoir une notation jugée trop clémente auparavant. Les journalistes estiment d’un coup que les jeux de combat ont une durée de vie infinie, quand bien même ils avaient à l’époque (et encore bien souvent maintenant) un mode solo rachitique. Pourquoi ? Parce qu’il semblerait qu’on ne se lasse jamais de se friter entre potes. Certes. Mais je ne comprends pas pourquoi cet argument est recevable pour un jeu de baston, et pas pour un beat ’em up. Et quand on joue avec son frère, les parties tournent plus facilement au règlement de compte en compétition qu’en coopération.

Disparition par assimilation

Pour la grande majorité des joueurs, le jeu de baston est roi. Le beat ’em up, jugé moins technique, a donc été remplacé et il n’est plus nécessaire d’en faire. Pour les autres, c’est dur. Mais paradoxalement, le genre ne disparaît pas totalement. Au contraire, il se met à infiltrer les autres genres. Il se généralise, pourrait-on dire. Mais si c’est le cas, c’est à la manière de certaines peuplades anciennes, qui se sont peu à peu mêlées et métissées avec les autres jusqu’à se dissoudre dans la société. Et pour faire une comparaison avec le cinéma, c’est un peu comme le genre « comédie musicale » qui n’a plus vraiment lieu d’être à Bollywood (le cinéma indien) puisque presque tous les films contiennent déjà des passages musicaux et dansés.

Avec la 3D, les développeurs sont confrontés à de nombreux problèmes de gameplay. Et en particulier dans les jeux de plateforme, genre phare de la 2D sur console, et première victime de cette évolution technique. Chez Nintendo, on se rend par exemple compte qu’il est plus difficile de sauter sur un goomba en 3D. C’est d’ailleurs pour cela qu’à partir de Mario Galaxy, dix ans après avoir été confronté au problème, le jeu adoptera une vue plus plongeante, et se focalisera davantage sur la trajectoire de Mario plutôt que sur les sauts proprement dit. En attendant, on n’a d’autre choix que d’ajouter un enchaînement de coups de poing à Super Mario 64.

Super Mario 64 (1997)

Super Mario 64 (1997) : Mario se prend pour Jackie Chan

Évidemment, on est encore loin d’un Ninja Gaiden, mais force est de constater qu’à cette époque, presque tous les jeux de plateforme permettent de cogner les ennemis. Et si dans un premier temps, ce que l’on appelle alors les Tomb Raider-like (les futurs TPS) se focalisent sur le tir, la plupart d’entre eux finissent par incorporer quelques enchaînements de base eux aussi. Les fameux combos. La maladie du beat ’em up selon moi. Ce qui fait que les jeux d’aujourd’hui, de Devil May Cry à Bayonetta, n’ont plus grand chose à voir avec Double Dragon. En plus de l’absence désolante d’un mode deux joueurs, cela va sans dire.

On me rétorquera sans doute qu’il y avait déjà des combos dans le premier Kunio-kun. Seulement voilà : ce qui fait à mon avis un bon beat ’em up, c’est sa variété. Et ce n’est pas simple dans un genre où l’on peut souvent s’en tirer avec un seul coup (le fameux coup de coude arrière de Double Dragon)… Même dans un excellent jeu comme Die Hard Arcade, les possibilités sont parfois nombreuses mais hélas invisibles pour le joueur. Par exemple, lors d’une saisie, il existe des dizaines d’attaques et de projections différentes (on peut même menotter les ennemis), en fonction de l’ordre dans lequel on appuie sur les trois boutons.

Voilà qui devrait, en théorie, garantir que chaque affrontement ne ressemble pas au précédent. En théorie. Si l’on connaît toutes ces combinaisons. Ou si l’on matraque aléatoirement les boutons (ce qui ne manque jamais de surprendre quand on sort une super attaque par hasard). Ce qui fait la force du gameplay de Streets of Rage 2 (mais aussi de Die Hard Arcade, tout de même), c’est que les mouvements dépendent aussi du « contexte ». Un même bouton peut donner des choses très différentes selon qu’on saisit un ennemi, selon qu’on court, qu’on est en plein saut, qu’on est en train de se relever, etc. D’où une vaste panoplie de coups avec trois boutons.

MadWorld (2009)

Les armes et les interactions avec le décor ne manquent pas dans MadWorld !

La présence de nombreuses armes y contribue également : chacune à sa propre allonge, sa propre force, se manie plus ou moins rapidement. Certaines peuvent être lancées, voire combinées comme le spray de Die Hard Arcade qui devient un lance-flammes si on a un briquet. Et mine de rien, on est très loin de tout cela dans les beat ’em up « modernes ». À l’exception de MadWorld, peut-être l’un des rares héritiers du genre, les armes ou éléments de décor utilisables sont bien rares. Avec la 3D et son déplacement à 360°, on ne peut plus maintenir « bas » pour un coup de genou amorti, ou mettre deux fois « avant » pour courir.

Il faut encore un autre bouton juste pour cela. C’est là l’ironie. Il est clair que les jeux d’aujourd’hui comportent en réalité bien plus de coups que ceux d’autrefois. Mais au sens de « plus d’animations ». Et ces attaques ne correspondent pas à autant de manipulations différentes, ou de contextes différents. Rien qu’en matraquant le même bouton, on découvre des dizaines d’animations qui s’enchaînent les unes après les autres. C’est bien joli, mais du point de vue du joueur, il n’y a aucune sensation de variété. Il ne découvre pas ce joli mouvement carpé parce qu’il était en train de courir, ou parce qu’il avait eu l’idée d’essayer d’appuyer sur deux boutons au lieu d’un. Il le voit, et il le verra sans arrêt, parce que c’est l’animation finale du combo de base.

Je caricature évidemment, et il est évident que certains jeux récents du genre sont très techniques et sans doute très intéressants. Mais il demeure bien triste de voir que les possibilités n’ont pas tant augmenté que cela, du moins pas proportionnellement au nombre de boutons ajoutés sur nos manettes. C’est de manière générale le grand drame d’aujourd’hui, ce gâchis généralisé. Des graphistes passent des mois sur un décor qui sera traversé en cinq minutes, sur des centaines d’animations qui nous lasseront encore plus vite. Bref, trois ans passés à développer un jeu qui sera de toute façon jugé trop court pour les joueurs. Peut-être que s’ils avaient la possibilité de le refaire en coop’ chaque fois qu’ils invitent un pote, ça serait différent.

Final Fight (1989)

« Pleure pas, au pire y a toujours l’émulation »

Mais au fond, c’est sans doute un bête problème de vocabulaire. On devrait peut-être clairement séparer beat ’em up 2D et beat ’em up 3D, comme certains aiment faire la distinction pour les jeux de plateforme. Et comme on en a donné l’exemple plus haut avec Mario, cela se justifie. Après tout, personne n’irait dire que StarFox et Ikaruga appartiennent au même genre, par exemple. D’autant que les shoots 2D mettent davantage l’accent sur l’esquive que sur la visée, plus complexe en 3D. Seulement voilà : des shoot ’em up en 2D, même s’ils visent une niche de gamers, on en trouve encore pas mal. Des jeux de plateforme 2D, rien que sur consoles Nintendo, y en a plein. Mais les beat ’em up 2D, on les compte sur les doigts de la main…

Lien Permanent pour cet article : https://mag.mo5.com/33369/edito-le-beat-em-up-a-lepoque-de-sa-reproductabilite-technique/