MYSTIK BELLE – Windows, Mac OS X, Linux
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1
Développeur : Last Dimension
Éditeur : Last Dimension
Date de sortie : 15/05/2015 (Steam)
Prix : 12,99 €
Site Officiel : [Mystik Belle]
Andrew Bado, également connu sous le pseudonyme de DarkFalzX, est probablement l’un des meilleurs pixelartistes en activité – du moins en dehors du Japon – et son impressionnant CV parle pour lui : Pier Solar, Epic Mickey: Power of Illusion, Shantae and the Pirate’s Curse, Sydney Hunter and the Caverns of Death… Il faut dire qu’il s’inspire de titres qui ont marqué leur époque sur le plan graphique, et a lui-même créé une réédition de Shadow of the Beast. On sent d’ailleurs souvent dans son travail l’influence du studio anglais Psygnosis, et en particulier de Flink dans ce Mystik Belle. Mais cela peut aussi susciter de l’inquiétude sur le plan du gameplay, tant ces jeux sont autant loués pour leurs graphismes que critiqués pour leur difficulté, voire leur manque d’intérêt ludique. Et ces craintes ne sont pas totalement infondées après Ultionus, le précédent petit jeu que Bado avait créé pour nous faire patienter avant Legend of Iya… Sa réalisation était déjà superbe mais la difficulté mal dosée nous avait sacrément refroidis… Et pourtant, le développeur avait cité des influences plutôt anciennes (mais résolument micros), comme ici avec Slightly Magic, Puff in Dragonland et la série Dizzy. Il a même bien mis en garde les joueurs ; pour lui son jeu tient autant du point & click et il faudra bien lire les textes si l’on ne veut pas se retrouver bloqué par une énigme !
Néanmoins, le jeu est bien un Metroidvania avant tout, et même un « Igavania » avec la présence de levelling, même si le rang maximal sera rapidement atteint. Il n’y a aucun équipement à personnaliser mais on trouve d’autres éléments évoquant les Castlevania récents comme les miroirs de téléportation. En revanche, les cœurs que laissent parfois les ennemis redonnent bien de la vie et non des munitions ! En fait, l’aspect point & click provient plus de la présence de PNJ et de la structure du design, qui est moins basée sur l’acquisition de nouvelles capacités que sur celle d’objets dont il va falloir trouver l’utilité. Ainsi, en plus des boutons de saut et d’attaque habituels, un troisième est dédié aux interactions et un quatrième affiche une carte typique du genre ainsi que l’inventaire, dont les places sont très limitées… On pourra heureusement poser les objets au sol – ce qui est d’ailleurs fait automatiquement lorsque l’inventaire est plein – mais cela demandera d’emblée pas mal de discipline. Il est en effet fortement conseillé de poser les objets à des endroits pratiques comme les téléporteurs, dans la mesure où ils ne sont représentés que par un point blanc sur votre carte, même s’il y en a deux dans la même salle…
Les amateurs d’action risquent d’ailleurs d’être déçus par leurs premiers pas dans l’aventure. La première rencontre avec un monstre, la plante carnivore, n’est par exemple pas un boss, mais plutôt une énigme à résoudre. Néanmoins, les ennemis sont assez nombreux, et le joueur dispose d’un arsenal simple mais efficace pour s’en occuper. L’unique bouton d’attaque lance des boules de feu et donne automatiquement des coups de balai au corps-à-corps. Ces derniers semblent d’ailleurs très efficaces, mais il est possible qu’ils ne confèrent aucune expérience. Comme dans un Metroidvania, les ennemis respawnent et il n’est en général même pas nécessaire de quitter la salle pour les voir réapparaître. En effet, beaucoup d’entre eux se comportent comme les fameuses têtes de Méduse de Castlevania, mais elles ne paralysent heureusement pas au contact et leur fréquence d’apparition se révèle plutôt bienvenue pour le levelling. De toute façon, les coups de balai rendent le jeu globalement plutôt facile, même lorsque les ennemis sont nombreux et tirent dans tous les sens… Il faut juste prendre garde à ne pas rester en contact avec eux, car ils pompent votre énergie comme dans Turrican !
Au pire, on peut passer à tout moment d’un mode de difficulté à l’autre, même si nous n’avons pas bien saisi la différence entre les deux… C’est peut-être plus évident contre les boss qui demanderont davantage de tactique, mais beaucoup d’entre eux sont de toute façon accompagnés d’ennemis qui pourront redonner de l’énergie. En fait, la seule chose qui peut rendre le jeu très difficile, voire impossible, c’est de ne pas garder la pomme avec soi. On peut évidemment être tenté de la poser comme elle occupe une place précieuse dans l’inventaire, mais sans elle, au bout de quelques secondes passées dans chaque salle, la Grande Faucheuse se lancera à vos trousses comme dans Spelunky. Elle se déplace certes lentement et on peut la faire disparaître temporairement en quittant la pièce, mais elle se retrouve fréquemment entre vous et la seule issue… Les têtes brûlées pourront y voir un mode de difficulté supplémentaire, mais il n’est pas certain qu’on puisse finir l’aventure de cette manière. En cas de mort, on réapparaît au point de départ mais avec son inventaire complet, sa progression intacte et même son level – si ce n’est que la jauge d’expérience est en revanche réinitialisée.
Le jeu sauvegarde sinon la progression à chaque changement de salle, ce qui permet d’interrompre sa partie à tout moment, contrairement à beaucoup de jeux du genre. Mais il est d’un autre côté impossible de « charger sa sauvegarde » par conséquent, ce qui peut parfois être frustrant compte tenu du level design labyrinthique et que l’on ne parcourt pas à sa guise tant que l’on n’a pas débloqué certaines capacités. On comprend donc mieux l’avertissement d’Andrew Bado quant au fait que son jeu n’est « pas qu’un simple Metroidvania mais un vrai jeu d’aventure » ; attendez-vous à de nombreux allers-retours, et à beaucoup de temps perdu parce que l’on n’a pas remarqué un endroit avec lequel on pouvait interagir, ou que l’on a mal interprété un indice – le genre de frustration typique du point & click ! Il est véritablement important de parler à tous les personnages et même de leur montrer tous vos objets, ce qui nécessitera souvent d’aller les chercher d’abord ! Au pire, ils vous feront des réflexions assez amusantes – certains ont quasiment quelque chose à dire pour chaque objet ! – mais ils pourront aussi vous donner de précieux indices sur le rôle de ces items, et en quoi ils peuvent vous aider dans l’aventure.
Même si l’on trouvera sans doute des contre-exemples, ils vous feront parfois sentir que certains objets sont en fait absolument inutiles, et ne sont là que pour occuper de la place dans votre inventaire… Certains objets ne disparaîtront pas non plus après utilisation, même endommagés, mais il peut y avoir une raison pour cela. Il existe heureusement un endroit où l’on peut se débarrasser définitivement des objets inutiles, mais tout le monde n’aura pas forcément la patience de tous les y emmener pour vérifier. Les premières quêtes à base d’objets sont assez laborieuses, en particulier celle de l’électricité qui nécessite de transporter quatre objets à la fois, plus le livre qui indique quoi faire avec ! Et elle intervient donc au début de l’aventure, au moment où l’on jongle avec le plus grand nombre d’items… Il est clair qu’on a vu plus subtil et on a parfois l’impression que la durée de vie est ainsi gonflée artificiellement. C’est d’autant plus dommage que par ailleurs, le level design peut se révéler très astucieux et nous faire comprendre de manière très visuelle ce qu’il faut faire. Malgré tout, beaucoup de choses passent par le texte et il est indispensable de bien comprendre l’anglais si l’on veut se passer d’une soluce !
En dehors de la barrière de la langue, ce sont surtout les phases de plateformes qui donneront le plus de fil à retordre. Elles aussi sont plus laborieuses que difficiles, puisqu’une chute sur des pics ne cause pas énormément de dommages. Les plateformes ne peuvent pas être traversées par le dessous et, quand il y en a plusieurs en mouvement, leurs cycles ont tendance à se décaler et il faut parfois attendre longtemps pour retenter un saut de l’une à l’autre… Cela s’arrange bien entendu avec l’obtention du double saut, facile à utiliser même si Mystik Belle fait partie de ces jeux où, sans nécessiter un timing aussi précis que la fameuse Screw Attack de Metroid, le second saut ne se déclenche que pendant la phase ascendante du premier. Mais le dash est nettement plus problématique, au point d’avoir fait l’objet de deux mises à jour différentes ! La première devait servir à faciliter son exécution, et la seconde à le rendre au contraire moins sensible. En réalité, avant la mise à jour du 2 juin, le dash était aussi difficile à placer dans les airs qu’il était facile de le déclencher sans faire exprès au sol. Et bien entendu, cette nouvelle version a été mise en ligne la nuit qui a suivi mes nombreux essais pour franchir un gouffre fameux, par la même occasion modifié pour en rendre la traversée plus simple…
Au moins, le jeu se bonifie en dehors de sa réalisation, d’emblée excellente ! Même si l’animation peut se montrer inégale, le pixelart est somptueux et les sprites d’une taille étonnante. La vue semble parfois même trop rapprochée quand on devine à peine certaines plateformes au bord de l’écran… Rappelant la finesse d’un Nightmare Busters sur Super Nintendo, les graphismes vont en revanche bien plus loin du côté des effets visuels, que l’on n’aurait sans doute pas vu avant la Saturn. En plus des nombreuses rotations dès l’écran-titre, le jeu n’hésite pas à multiplier les sources lumineuses et il n’est pas rare de voir un sprite doté d’une demi-douzaine d’ombres simultanément, dont l’orientation change en temps réel ! Mais il est difficile de dire si cela provoque des ralentissements car l’action est plutôt lente ; les déplacements de Belle MacFae ont même une certaine lourdeur en comparaison avec d’autres protagonistes de jeux du genre. Les musiques sont excellentes et fleurent bon les jeux micro, mais comme il n’y a qu’un thème par zone et que celles-ci sont assez grandes, elles pourront lasser. D’autant qu’à l’instar de Shantae, les compositions sont enjouées quand le genre se prête aux musiques d’ambiance…
En tout cas, Mystik Belle augure du meilleur concernant Legend of Iya, qui devrait être au moins aussi beau tout en profitant des progrès d’Andrew Bado en matière de game design depuis Ultionus. C’est même assez impressionnant pour un « jeu de transition » même s’il devrait vous occuper au moins une bonne demi-douzaine d’heures, voire plus si vous récupérez les huit parchemins nécessaires à l’obtention du combat final, plus amusant que réellement intéressant à jouer. Jusqu’au bout, on retrouve en effet quelques défauts peut-être inhérents à la culture micro (la forme qui prime sur le fond, une difficulté parfois mal dosée), mais le jeu surpasse largement son prédécesseur. N’ayant pas eu le temps d’essayer la démo de Legend of Iya, épinglée pour sa maniabilité, Ultionus avait réellement semé le doute en moi tandis qu’à présent, je pense que je ne regretterai pas d’avoir soutenu Bado. Malgré tout, je reste convaincu qu’avec un design un peu moins poussif, Mystik Belle aurait pu être un vrai chef d’œuvre. Mais il aurait fallu créer des environnements immenses pour avoir moins recours au backtracking, et quand on voit le travail déjà abattu par un seul homme, on ne peut que lui tirer son chapeau pointu de sorcier !
Verdict : Sans doute le plus beau jeu de l’année, Mystik Belle aurait pu être le jeu de l’année tout court s’il avait offert une aventure ne multipliant pas à ce point les allers et retours…