TEST : Blaster Master Zero

Blaster Master Zero (Switch, 3DS)BLASTER MASTER ZERO
Switch, 3DS
Catégorie : action/aventure
Joueurs : 1-2
Développeur : Inti Creates
Éditeur : Inti Creates
Date de sortie : 09/03/2017
Prix : 9,99 €
Site Officiel :
http://www.blastermaster-zero.com/en/
(testé sur Switch)

Annoncé par surprise début novembre et disponible à peine quatre mois plus tard, Blaster Master Zero nous a pris totalement de court, même de la part d’un studio comme Inti Creates, spécialiste des madeleines de Proust vidéoludiques. Il faut dire déjà que celui-ci est très occupé, puisqu’il planche actuellement sur Bloodstained: Ritual of the Night après avoir participé l’année dernière à Shantae ½ Genie Hero, Azure Striker Gunvolt 2 ou encore Mighty No. 9 ! C’est peut-être pour se faire pardonner de ce dernier qu’ils ont exhumé un classique de la NES culte aux États-Unis, quitte à acquérir avec leurs propres deniers la licence appartenant à Sunsoft, qui en avait déjà réalisé un remake pour le WiiWare, Blaster Master Overdrive (2010). Mais ce nouveau jeu, s’il est plus fidèle que ce dernier à l’original de 1988 du point de vue réalisation, se présente en revanche comme un nouvel épisode. Toutefois, dans les faits, on a plutôt affaire à un reboot, offrant un level design certes original mais de nombreux éléments (mécaniques, bestiaire) en commun, et surtout le même scénario délirant repris de la version américaine.

En effet, Chō Wakusei Senki Metafight se contentait d’une intrigue de bataille intergalactique très classique, quand Blaster Master nous met dans la peau d’un certain Jason qui en suivant sa grenouille appelée Fred dans un vortex, tombe nez à nez avec le tank Sophia III… Sans doute pensée pour faciliter l’identification du jeune Américain, cette histoire nous est comptée via une intro minimaliste, n’affichant parfois que du texte. Il est aussi important de noter que le jeu n’est proposé qu’en anglais et en japonais. Et dès le menu, on découvre avec horreur qu’Inti Creates a commis l’affront d’inverser les boutons A et B pour valider et annuler à la manière de ce qu’on trouve sur PlayStation (en dehors du Japon) ainsi que sur Xbox – un comble pour une exclusivité Nintendo ! Heureusement, c’est réglable comme dans Shovel Knight qui avait toutefois ajouté l’option via un patch. Encore faut-il ne pas se tromper pour le changer… Il est aussi possible de configurer les contrôles dans les quelques options disponibles, et on aurait en passant préféré un vrai manuel électronique – concept hélas révolu sur Switch. Reste le menu Extra dans lequel apparaît un mode Unlimited si et seulement si on obtient la véritable fin du jeu, ce qui nécessite d’avoir obtenu tous les upgrades et cartes de l’aventure pour accéder à la neuvième zone.

Le bouton R est bien pratique pour tirer en diagonale

Le bouton R, qui fixe la direction du tir, est bien pratique pour tirer en diagonale

Une fois le jeu lancé, on dispose de pas moins de neuf sauvegardes différentes, puis l’on choisit, du moins sur Switch, entre une partie solo ou multijoueur. On peut donc mener son aventure alternativement seul ou avec un pote, mais ce dernier ne peut hélas pas rejoindre la partie à tout moment pour autant… Côté contrôles, Blaster Master Zero profite aussi du plus grand nombre de boutons offert par les deux consoles. Les quatre boutons de façade servent à sauter, tirer, lancer des missiles et entrer/sortir de Sophia III respectivement. Le bouton de tranche L permet de changer d’arme plus rapidement, soit en appuyant de manière répétée, soit en le maintenant et en faisant son choix avec la croix pendant que l’action est en pause. Autre nouveauté qui rend le gameplay plus souple qu’à l’époque, le bouton R permet de viser en diagonale dans les séquences en tank ou de fixer son orientation pour strafer durant les phases vues du dessus. Les gâchettes ZL et ZR servent à rouler sur les murs même si ce mouvement s’obtient tardivement, tandis que -/Select et +/Start correspondent aux deux menus, le premier pour les options générales et les sauvegardes, et le second pour les armes de Jason et de son tank, et la carte.

En effet, en dépit de la correction du fameux bug de la grenade presque indispensable pour battre les boss sur NES, ce nouveau Metroidvania est bien plus facile grâce à l’arrivée d’une carte. Celle-ci se dessine au fur et à mesure de la progression, mais chaque zone abrite un donjon dans lequel se cache le plan complet ; on voit alors directement la position des upgrades de vie et des donjons, et on sait d’emblée s’ils contiennent de nouveaux items. Il faudra certes le trouver d’abord, mais cela élimine le côté labyrinthique de l’original, qui augmentait ainsi sa durée de vie comme beaucoup de jeux de l’époque… Mais surtout, quand ce dernier n’offrait pas le moindre mot de passe, on peut désormais sauvegarder à tout moment bien que l’on reprenne forcément au dernier checkpoint (dont certains sont invisibles comme à la sortie des donjons). Il est donc rarement utile de sauvegarder manuellement pour réapparaître en arrière et affaibli si on a perdu de la vie entretemps… Notons en revanche que le fait que les ennemis ne respawnent pas dès qu’ils sortent de l’écran était déjà présent en 1988, ce qui différenciait le jeu de beaucoup de classiques de la NES… mais aussi de l’horrible Blaster Master 2 (1993) sur Mega Drive !

Quelques boss s'affrontent à bord de Sophia III

Quelques boss (trop peu à mon goût) s’affrontent à bord de Sophia III

Mais ce qui n’a pas changé et rend l’expérience unique est l’alternance de séquences de plateformes vues de côté, où l’on contrôle surtout Sophia III et parfois Jason pour accéder aux donjons typiquement, et des phases de run and gun vues du dessus une fois dedans. Et mine de rien, la différence entre les deux est grande, que ce soit en termes de design, en particulier la gestion des armes, et de ressenti. Les séquences de plateformes bénéficient du maniement du tank très agréable en dépit d’une inertie volontairement marquée. Lorsqu’il en descend, Jason est en revanche très faible car il ne peut pas tirer loin ni même tomber de haut… Il dispose cependant de la possibilité bien pratique de pouvoir se baisser sans même avoir à maintenir le bouton, et sa petite taille ne sera pas uniquement utile pour accéder aux donjons. Le tir du tank passant au dessus de certains ennemis comme les mines ou ces satanés vers, il sera parfois nécessaire, du moins au début de l’aventure, d’en descendre pour les éliminer à pied. Toutefois, on débloque rapidement des missiles à tête chercheuse qui consomment certes une jauge, mais celle-ci se régénère seule sans avoir forcément besoin de ramasser des capsules bleues.

Or la plupart des armes sont gardées par des boss et, si quelques-uns s’affrontent en vue de profil, la majorité se trouve dans des donjons en mode run and gun, avec un système d’armement particulier ; chaque item rose fait augmenter une jauge qui donne accès à une arme plus puissante qu’il faut sélectionner manuellement, tandis que l’on rétrograde si l’on est touché. On obtient toutefois assez tôt un item qui protège d’une perte d’arme et qui se recharge si vite qu’il faut se faire toucher deux fois de suite pour être pénalisé… Et tant mieux, car si l’arme la plus puissante (Wave, un tir ondulant qui traverse les parois) est clairement la meilleure, plusieurs autres souffrent d’une courte portée comme Diffusion et le lance-flammes – pourtant l’avant-dernière ! Alors que le Penetrator (sic), seulement la deuxième amélioration et donc facile à conserver, traverse déjà les murs et se révèle suffisante dans la majorité des cas. Ainsi, ces phases vues du dessus sont encore hélas le point faible de ce reboot. On vise certes plus facilement que dans l’original… sauf en diagonale et même avec la croix de la 3DS ou du pad Pro de la Switch, les boutons directionnels des Joy-Cons se révélant finalement assez efficaces !

Ces phases sont souvent plus laborieuses qu'intéressantes...

Ces phases sont souvent plus laborieuses qu’intéressantes…

Mais le gros problème des séquences vues du dessus réside dans leur level design peu inspiré. Et l’introduction de mécaniques plus élaborées comme les montées de lave ou les vagues d’eau ralentit la progression de manière laborieuse… Cela manque de secrets, et les quelques salles barrées par un mur destructible contiennent souvent des bonus de base. De manière générale, beaucoup de donjons n’abritent aucun item spécial et à moins de ne pas avoir la carte pour le savoir, cela vaut rarement le coup de les explorer… Et c’est vraiment dommage car les phases en tank sont autrement plus intéressantes ; il suffit de comparer par exemple comment sont utilisés les tapis roulants de la troisième zone dans chaque type de séquence pour le réaliser. Et puis l’armement de Sophia III s’enrichit progressivement plutôt que de nous noyer sous une dizaine d’armes très inégales. Néanmoins, si l’on aura tendance à abuser au départ des missiles à tête chercheuse comme on le disait plus haut, l’acquisition de nouvelles capacités nettement plus gourmandes, qui permettent de voler ou d’effectuer un double saut par exemple, nous apprendra à bien mieux gérer la jauge idoine qui ne se recharge pas si rapidement après réflexion…

Cela n’a rien d’insurmontable toutefois et, de manière générale, le fait que Blaster Master Zero ait corrigé la plupart des problèmes de l’original, et donc surtout sa difficulté excessive, devient son principal défaut paradoxalement ! L’aventure se parcourt avec plaisir mais vraiment au pas de course, sans trop chercher quoi que ce soit… Il n’y a guère qu’au tout début où on peut se tromper. Pensant que Sophia III ne pouvait pas évoluer dans l’eau à cause du bruit émis par les mines qui ressemble à une alarme, j’ai trouvé un autre boss que Mother Brain accessible dès le début. Mais Drap Trappers, un boss optionnel offrant des bombes à retardement et que la plupart des joueurs affrontent bien plus tard, au retour de la troisième zone pour accéder au portail qui mène à la quatrième, est franchement ardu en début de partie… Et c’est quand même assez surprenant car on ne trouve a priori aucun autre exemple de boss avancé accessible sans avoir besoin d’une arme ou une capacité spécifique. D’ailleurs, une fois Mother Brain passé, la progression devient très linéaire, guidée naturellement par le level design, mais aussi et surtout par un détecteur obtenu rapidement et qui nous dit tout le temps où se trouve l’objectif principal !

Ce n'est pas flagrant sur une image fixe mais il y a un scrolling en parallaxe !

Ce n’est pas flagrant sur une image fixe mais il y a un scrolling en parallaxe !

Si le challenge n’est pas très old school, donc, la réalisation devrait elle ravir le nostalgique… Là où Inti Creates a réussi son coup, c’est que Blaster Master Zero semble « orthodoxe » au premier abord hormis le format 16/9 façon Shovel Knight. Mais il suffit de le placer côte à côte avec l’original pour réaliser la différence, même si ce dernier constituait déjà une prouesse en 1988 avec son scrolling multidirectionnel. On est ici parfois plus proche d’un jeu 16-bit, en particulier durant les scènes vues du dessus, très laides sur NES. Les ralentissements ont disparu et on a droit à bien plus de détails (scrollings en parallaxe, décor animé, nuages de fumée, etc.) et même à des effets de transparence modernes sur les tirs et explosions ! Et bien sûr, les boss ne s’affrontent plus sur fond noir, la Switch comme la 3DS n’ayant pas besoin de simuler un gros sprite via le décor. En tout cas, cela a cent fois plus de charme que la « haute résolution » aseptisée d’un Blaster Master Overdrive… Côté son, c’est de la chiptune classique en revanche, mais plutôt que d’avoir repris la bande son pourtant culte de l’original, on a affaire à des musiques inédites en dehors du thème principal. Elles imitent cependant les sonorités du processeur audio du Sunsoft 5B utilisé dans la cartouche de Gimmick! (1992) du même studio.

Sur le plan technique, Blaster Master Zero tourne en 60 fps sur Switch et moitié moins sur 3DS, mais les puristes regretteront que la résolution soit légèrement upscalée – c’est invisible à l’œil nu pour le profane – sur la nouvelle console de Nintendo. L’écran 3D de la portable n’étant pas exploitée, c’est la Switch qui a droit à deux fonctionnalités exclusives : les vibrations HD et le mode deux joueurs. Hélas, on sent que les développeurs tiers ne maîtrisent pas encore les vibrations, plus excessives qu’élaborées… On a parfois l’impression d’être touché quand les ennemis trépassent, et les explosions des boss font grincer la manette ! D’ailleurs, il est étrange que les vibrations paraissent alors mieux spatialisées que lors des passages de vagues dans la quatrième zone où l’effet aurait été très pertinent… Quant au mode deux joueurs, il s’agit plutôt d’un mode « petit frère » où le second joueur contrôle, en tank comme à pied, un curseur pouvant tirer sur les ennemis, créer des boucliers absorbant leurs attaques et même faire apparaître des bonus en dépensant une jauge qui augmente à chaque élimination. Hélas, ce mode rend l’aventure encore plus facile et elle se joue forcément avec deux Joy-Cons – la compatibilité du pad Pro a été ajoutée via un patch –, ce qui rend le menu de la carte par exemple inaccessible.

Certaines séquences offrent plus de challenge

Certaines séquences offrent plus de challenge, comme celle-ci où l’on est forcé de nager avec Jason

Ce sont toutefois des détails, et on pourrait citer d’autres petits désagréments comme le menu qui « oublie » l’onglet actif à chaque sortie de zone, ou Jason qui a bien du mal à saisir les échelles en plein vol… Mais l’ensemble reste agréable à jouer et a le mérite de faire (re)découvrir un classique sous un meilleur jour, même si les fans de la première heure seront peut-être déçus par le manque de challenge, sauf à la toute fin où il grimpe en flèche ! Inti Creates a adouci trop d’aspects à la fois et il y avait sans doute un juste milieu avec l’original souvent critiqué pour sa difficulté excessive. Et si beaucoup de défauts ont été gommés, le principal demeure ; les séquences vues du dessus restent clairement les plus faibles, et auraient gagné à proposer un arsenal plus varié, ou du moins qui nous incite à le changer plus fréquemment même si le lance-flamme se révèle utile dans la sixième zone… Offrant entre six et neuf heures de jeu, l’aventure a été nettement enrichie bien que beaucoup de boss soient constitués de vagues d’ennemis de base. Et pourtant, Blaster Master Zero se révèle même rafraichissant à une époque où on frôle l’overdose de Metroidvania, de titres au style NES voire les deux à la fois, tout en étant plus fidèle à l’esprit de l’original que ses successeurs aujourd’hui oubliés sur Mega Drive ou PlayStation.

Verdict : Cet hommage soigné et très (trop ?) respectueux du Blaster Master original permettra aux profanes de le découvrir, mais son manque de challenge décevra les vétérans.

80hbpm

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