HARDWARE : The Spectrum trouve l’équilibre entre authenticité et modernité

The Spectrum, réplique à l'identique du micro original, sa boîte et son manuel

Contrairement aux différentes machines que Retro Games a sorties jusqu’à présent, The Spectrum est la première à directement sortir en taille réelle, sans passer par la case « mini » du fait des dimensions réduites du micro-ordinateur d’origine. Il en incarne donc une réplique quasiment parfaite, clavier fonctionnel inclus, si ce n’est que « Sinclair » est remplacé par « Retro » et « ZX Spectrum » par « The Spectrum » sur la coque. Ce n’est cependant pas la première fois que celle-ci est recréée très fidèlement, puisqu’il y a eu le Recreated Sinclair ZX Spectrum en 2015, qui présente toutefois quelques différences de texture et surtout des touches légèrement plus grandes comme on peut le voir ci-dessous. Hélas, ce dernier n’était en réalité qu’un clavier Bluetooth (et USB) à utiliser avec une appli mobile dédiée ; on n’avait donc accès qu’à une sélection de classiques d’Elite Systems, et on était forcé d’y jouer au clavier… The Spectrum réalise donc la synthèse parfaite entre le look de cet accessoire et la possibilité d’émuler d’autres jeux comme le permettait déjà la Sinclair ZX Spectrum Vega du même fabricant il y a près de dix ans, mais il y ajoute une meilleure compatibilité, et beaucoup plus de possibilités comme celle de programmer en BASIC. Hormis l’utilisation d’un magnétophone et d’un tube cathodique, on n’est donc pas loin d’une expérience très authentique mais avec un confort moderne. Le Spectrum parfait ?

The Spectrum intègre donc un clavier fonctionnel identique à l’original, ce qui signifie qu’il ne dispose pas d’un pavé de flèches de directions ; il faudra utiliser les touches 5 à 8 en ligne mais l’interface utilise aussi la convention QAOP présente dans (quasiment) tous les jeux. Mais cette fidélité a le défaut de ses qualités, puisque le clavier du micro de 1982, bien que sa gomme le rende agréable au toucher, n’est pas franchement confortable pour jouer, en particulier pour appuyer de manière répétée sur les touches… Néanmoins, sa présence reste bienvenue et même nécessaire tant il fait partie intégrante de l’expérience, peut-être davantage encore que sur Commodore 64 ou Amstrad CPC. L’authenticité du design implique aussi que, comme à l’époque, les connectiques se trouvent à l’arrière – ce qui n’est jamais idéal pour les manettes – mais aussi et surtout l’indispensable bouton Home. Il était cela dit difficile de faire autrement que d’en ajouter un puisque chaque touche du clavier peut potentiellement être utilisée par les jeux et programmes. Sinon, le port d’extension laisse logiquement sa place à quatre ports USB dont un légèrement à l’écart, plutôt réservé à une clé USB (du moins pour les mises à jour). De toute façon, le ZX Spectrum d’époque ne pouvait pas gérer plus de deux joysticks à la fois, mais en brancher un troisième (ou un clavier USB) se défend puisqu’on peut le configurer pour émuler les touches du clavier. Retro Games a même poussé le souci du détail jusqu’à inclure un manuel dont la couverture évoque beaucoup celui de l’original, même s’il n’y a hélas que deux pages par langue et qu’il faudra télécharger le manuel détaillé.

Le Recreated Sinclair ZX Spectrum et The Spectrum côte à côte
Pas simple de trouver sept différences entre le Recreated Sinclair ZX Spectrum et The Spectrum, ce dernier se montrant toutefois encore plus fidèle

Au premier démarrage, on doit d’abord choisir la langue (pour l’interface uniquement, sauf pour l’espagnol qui dispose de quelques jeux bilingues) puis le mode 50 ou 60 Hz, le premier étant pour une fois recommandé pour plus d’authenticité. On arrive ensuite au carrousel des quarante-huit jeux inclus. Quand on insère une clé USB, s’y ajoute une icône dédiée qui donne accès à toute l’arborescence des fichiers – les dossiers sont gérés – même si cet item est un peu planqué dans l’ordre alphabétique par défaut, car à la lettre « M » (pour Media Access), mais on peut naturellement changer l’ordre de tri. The Spectrum reconnaît quasiment tous les formats sauf les fichiers TRD, hélas employés par certains jeux de la SaNchez Crew (Aliens: Neoplasma II). La touche Q (ou la direction haut sur une manette) ouvre un panneau d’aide qui rappelle les commandes du jeu sélectionné, ce qui est pratique car souvent, une fois lancé, on peut être paumé à moins de jouer au joystick. On accède aux paramètres généraux avec la (petite) barre Espace (ou le bouton Menu) qui permettent de choisir un filtre CRT (subtil), d’activer la palette étendue ULAPlus, de régler la bordure et même d’ajouter un bezel autour – la sélection n’est hélas pas terrible – mais aussi de passer en mode Classique pour le BASIC. En outre, les jeux sur clé USB disposent de leurs propres réglages, pour par exemple forcer le modèle de Spectrum (même s’il est en général détecté automatiquement) ou personnaliser les contrôles à la manette. On peut même émuler une vitesse de chargement bien lente comme à l’époque pour les fichiers TZX… En tout cas, le lancement des jeux sur clé est de manière générale moins immédiat car il faut les « charger » avant de les lancer, ce qui est surtout utile pour les programmes tenant sur plusieurs faces de cassettes typiquement.

Mais non content d’avoir pensé à toutes les configurations et situations d’époque, Retro Games a également intégré à l’expérience des éléments de quality of life comme disent les jeunes. Ainsi, chaque jeu dispose de quatre slots de sauvegarde, que l’on peut en outre verrouiller pour éviter les accidents. Mais comme sur d’autres consoles mini, la jolie interface dédiée qui prend la forme d’une cassette audio n’est disponible que depuis le carrousel à l’aide de la touche A (ou bas à la manette). Pour sauvegarder en pleine partie, il faudra donc appuyer sur Home – d’où l’intérêt d’avoir un accès direct sur certaines manettes plutôt qu’au dos de l’appareil – pour mettre l’action en pause et sauvegarder depuis le menu général. Un écran montrant la partie en cours est alors affiché en médaillon en haut à droite et l’on peut reprendre avec Enter ou Home. Et ce n’est pas tout car The Spectrum permet carrément de rembobiner sa partie même si, là encore, c’est plus confortable à la manette avec Home et gauche (donc O au clavier). On peut remonter jusqu’à quarante secondes en arrière, et l’on apprécie particulièrement qu’une fois le bon moment sélectionné, on ait droit à un petit compte-à-rebours de trois secondes pour se préparer à reprendre la partie en pleine action. Bien entendu, les puristes crieront au sacrilège, mais rien ne les oblige à utiliser cette option tandis que les autres apprécieront compte tenu de la difficulté de certains classiques de l’époque…

Le mode « Classique » : Pour programmer en BASIC, il faudra passer par un mode dédié, un peu planqué car accessible depuis les paramètres avancés même si l’on peut configurer la machine pour démarrer dans ce mode. Il se montre une nouvelle fois très complet avec la possibilité de sauvegarder ses créations. Mais si le clavier multiplie les raccourcis pour coder rapidement, cela nécessite un certain entraînement et l’on avoue n’avoir pas eu le temps de se pencher dessus. On vous renvoie à son sujet au test d’Olipix.

Le carrousel de The Spectrum avec le jeu Highway Encounter sélectionné
Le carrousel de The Spectrum, ici en anglais car il s’agit d’une capture de Time Extension

En revanche, l’autre inconvénient de bénéficier d’un clavier fonctionnel est qu’aucun accessoire n’est fourni avec The Spectrum, bien qu’il existe une manette officielle, logiquement baptisée The Gamepad, reprenant comme on le voit ci-dessous la présentation de celle de la CD32 et qui est donc compatible avec la gamme des machines Retro Games. Cela dit, presque tous les périphériques USB sont reconnus, a minima les directions, mais c’est plus variable pour les boutons – un seul fonctionne sur la manette PC Engine mini et c’est celui qui annule (*) ! On pourra en revanche tout à fait jouer avec un joystick Speedlink Competition Pro ou tout contrôleur USB offrant suffisamment de boutons (comme mon vieux pad Saturn), tant qu’il y en a au moins un pour « feu »… Néanmoins, l’idéal est de bénéficier aussi des boutons Menu et Home (qui combinés donnent accès à un clavier virtuel) et, outre les contrôleurs officiels (The Joystick et The CXStick également), ce sont les manettes de consoles actuelles (ou de fabricants tiers comme 8BitDo) qui offriront la compatibilité la plus complète, boutons de tranche compris. Préférez-en une typée Xbox (avec le bouton A en bas) pour que les lettres, à défaut des couleurs, correspondent à l’interface de The Spectrum. Mais quoi qu’il en soit, le clavier, au besoin virtuel, reste indispensable ne serait-ce que, ironiquement, pour sélectionner le joystick à l’écran-titre et parfois même lancer la partie.

(*) Dans le pire des cas, il reste possible de configurer sa manette en manipulant un fichier.

Vous l’aurez compris, le fait que l’on puisse fournir ses propres jeux sur clé USB rend la sélection de titres inclus moins cruciale, même si l’on aurait justement aimé pouvoir ajouter des jeux directement au carrousel afin, par exemple, de les noter (jusqu’à quatre étoiles) avant de les classer par ordre de préférence. N’ayant pas eu la machine à l’époque, l’auteur de ces lignes serait bien incapable de juger le choix des quarante-huit classiques et productions homebrew, mais la plupart des connaisseurs semblent assez conquis du fait de la présence de nombreux incontournables (Exolon, Manic Miner, The Great Escape, Head Over Heels, The Hobbit, Where Time Stood Still, etc.). On ne peut même pas vraiment reprocher la forte présence de titres en vue isométrique tant c’est assez représentatif de la ludothèque du ZX Spectrum… Pour être plus complet, il aurait sans doute fallu des représentants des catalogues d’Elite Systems et surtout d’Ultimate Play the Game/Rare, mais cela aurait évidemment posé des problèmes de droits et il reste très facile de se les procurer. Et puis en ce qui me concerne, ce ne sont pas tant ces classiques qui m’intéressent, car ils ont souvent vieilli ou existent en mieux sur d’autres supports, que la scène homebrew vraiment éclatante – on vous recommande à ce sujet la sélection de quinze titres réalisée par OldSchool is beautiful.

La manette The Gamepad, noire
Si la plupart des jeux n’utilisent qu’un seul bouton d’action, la manette officielle a l’avantage d’offrir les boutons Menu et Home, et de programmer des raccourcis

Au fond, The Spectrum n’a qu’un vrai problème, du moins en France. Parce que d’un côté, il s’agit sans doute de la meilleure machine produite par Retro Games à ce jour, voire de la meilleure « mini » machine tout court bien que ce soit en grande partie parce qu’elle n’est pas mini justement, et aussi parce que c’est la dernière en date, profitant des erreurs de celles qui l’ont précédée. Franchement, à moins de déjà posséder le micro-ordinateur original ou un ZX Spectrum Next, compte tenu des tarifs actuels du rétro, on ne voit pas trop qui voudrait s’initier à la machine autrement qu’avec The Spectrum, tant il semble restituer fidèlement l’expérience d’origine tout en offrant les avantages de la modernité… Mais d’un autre côté, en France donc, il va sans doute moins intéresser les joueurs que les recréations du Commodore 64 et de l’Amiga mais surtout – on le sait bien, inutile de le rappeler sans arrêt – vous attendez tous un « The CPC » dans le même style. Or il faut bien comprendre que la machine d’Amstrad n’est populaire qu’ici et en Espagne, quand le Spectrum a fait un carton au Royaume-Uni (pays d’origine de Retro Games) et a surtout vendu près du double d’exemplaires dans le monde. Donc même si un mini CPC n’est clairement pas à exclure, il est logique qu’il ne soit pas encore sorti. En attendant, on ne saurait que vous conseiller de vous laisser charmer par The Spectrum ; à titre personnel, je n’ai aucune nostalgie pour cette machine puisque je ne l’ai pas connu à l’époque mais j’ai eu un coup de cœur tardif pour ses couleurs qui « clashent » et même ses sonorités minimalistes. Et ça, The Spectrum le restitue à la perfection.

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