TEENAGE MUTANT NINJA TURTLES:
SHREDDER’S REVENGE
Windows, Xbox, PlayStation 4, Switch
Catégorie : beat ’em up
Joueurs : 1-6
Développeur : Tribute Games
Éditeur : Dotemu
Date de sortie : 16/06/2022
Prix : 24,99 €
Site Officiel : https://www.shredders-revenge.com/
(testé sur Steam, clé fournie par l’éditeur)
On n’a pas été très surpris de l’accueil reçu par Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge aussi bien lors de son annonce comme de sa sortie, que ce succès soit mérité ou pas – on est justement là pour en discuter. Car le nouveau jeu de Tribute Games (Panzer Paladin) et Dotemu a tout du pur fantasme de geek, avec une licence emblématique de la grande époque du jeu vidéo ; son adaptation pourtant très perfectible sur NES aura quasiment permis à elle seule de faire rattraper le retard de la console sur la Master System en Europe… En plus, il s’agit d’un beat ’em up comme les meilleurs titres tirés de la franchise, le genre connait un retour en grâce depuis peu et le style visuel reprend celui de la toute première série animée de 1987, qui a justement marqué les joueurs de la génération auquel il s’adresse. Et comme les développeurs jouissent d’une grosse réputation en matière de graphismes, réussissant la synthèse entre pixelart orthodoxe et animation ultra-détaillée comme le permettent les machines actuelles, il fallait vraiment qu’ils se plantent en beauté pour faire un bide… Mais ce n’est pas le succès commercial qui nous intéresse, et leurs jeux précédents ne nous avaient pas toujours convaincus sur le plan du gameplay. Or Shredder’s Revenge rend évidemment hommage aux classiques de Konami qui brillaient par l’utilisation réussie de licences (Marvel, Simpsons, etc.) et se montraient indéniablement funs à plusieurs, mais qui pouvaient se révéler quand même sacrément légers à la longue et en solo.
La bonne nouvelle c’est que, sans pour autant offrir une palette de coups démentielle, Shredder’s Revenge se révèle un peu plus riche que ces classiques. Il n’y a pourtant qu’un bouton d’attaque (plus un pour l’attaque spéciale) mais pas mal de combinaisons sont possibles, en particulier avec l’esquive (bouton de droite) qu’on aura tendance à oublier. Ce sera en revanche sans doute volontairement qu’on snobera l’attaque puissante (sauf contre le type d’ennemis pour lequel elle a été spécifiquement pensée), car maintenir une touche plusieurs secondes sans pouvoir bouger est rarement pratique dans un jeu au gameplay vif… Mais le vrai problème, c’est surtout que ce dernier est paradoxalement handicapé par sa licence ; les tortues étant déjà armées, on ne pourra rien ramasser, pas même le mobilier. Les interactions avec le décor se limitent à des éléments destructibles qui peuvent parfois blesser les ennemis (voire le joueur), et différents obstacles qui épiceront clairement le challenge – mais pas forcément le plaisir. Sans tomber dans l’extrême de The King of Dragons (1991), la variété repose beaucoup sur les personnages bénéficiant chacun de leurs propres attaques mais aussi de différentes caractéristiques (puissance, rapidité et portée), équilibrées sur le papier avec six étoiles pour chaque combattant(e). Quoique le septième, Casey Jones, qui se débloque après avoir fini le mode Histoire, profite d’un point supplémentaire.
Or là où c’est un peu dommage, c’est qu’on ne peut pas changer de personnage comme on le ferait typiquement à chaque crédit perdu dans un jeu de l’époque. Même entre les niveaux du mode Histoire, il faudra « sortir » de la carte et appuyer une deuxième fois sur le bouton d’annulation à l’écran de sélection pour prendre quelqu’un d’autre. Et il y a hélas un autre facteur qui aura tendance à dissuader d’en changer, et on retrouve là bien la touche de Tribute Games, dont les fondateurs ont œuvré sur Scott Pilgrim contre le monde : le jeu (2010) pour rappel. Car si sa réalisation avait déjà fait l’unanimité, les puristes du beat ’em up n’avaient pas forcément apprécié l’accent mis sur le levelling au détriment du gameplay… Or on retrouve ici un système de points et de niveaux, permettant au personnage concerné (et seulement lui) de débloquer un point de vie, une jauge d’attaque spéciale voire certains coups supplémentaires. Outre éliminer des ennemis, les points seront engrangés en réalisant des missions optionnelles. Il y a ainsi des défis de type « succès » dans chaque niveau, qui ont parfois le mérite de nous familiariser avec notre arsenal. En outre, on libèrera des otages qui apparaissent alors sur la carte ; ce ne sont hélas pas des niveaux bonus mais des quêtes consistant à trouver des objets (assez mal) cachés dans divers stages, et il faudra juste bien penser à choisir un personnage dont on veut monter l’expérience avant de les faire valider.
Mais que l’on garde un favori ou que l’on change régulièrement, finir l’aventure ne devrait pas poser trop de problème, même en solo. Certains ennemis peuvent être bien pénibles, certes, et il suffit d’être « désynchronisé » avec l’apparition de pizzas régénérantes pour perdre rapidement ses trois vies – et pas de crédit en mode Histoire. Mais la plupart des boss peuvent être bourrinés, d’autant que les attaques spéciales sont très puissantes. On notera d’ailleurs ici un petit problème d’équilibrage, à savoir qu’il faut enchaîner pas mal d’ennemis pour remplir sa jauge (sachant qu’elle peut en plus se vider si on se fait toucher dans les modes de difficulté élevés), alors qu’on peut le faire en quelques instants avec une provocation. Or elle est assez facile à placer, au pire entre deux vagues d’ennemis puisque le temps n’est pas limité… Et en cas de difficulté, on peut toujours demander l’aide d’un ou plusieurs comparses. Rappelons que Shredder’s Revenge est quand même jouable jusqu’à six – on n’ose imaginer le bordel –, y compris en mode Histoire. Cela devrait d’ailleurs permettre de monter le niveau de plusieurs persos à la fois, du moins en local car les joueurs à distance viennent avec leur « expérience ». Car comme dans Streets of Rage 4, le jeu en ligne est géré pour rejoindre une partie ou créer un groupe, et c’est quand même plus simple pour trouver cinq autres larrons, même si l’attente peut être longue… En outre, le multijoueur enrichit le gameplay avec des attaques en duo et des mécaniques d’échange de vie et de réanimation des partenaires.
Cependant, si le titre se parcourt assez rapidement, comme du reste la plupart des représentants du genre, il faut reconnaître qu’il offre pas mal de niveaux assez variés, et sans que ceux-ci ne rallongent inutilement la sauce. Le challenge se corse sérieusement dans les quatre derniers stages mais, à condition de ne pas être trop faible – on obtient une vie supplémentaire au niveau 5 puis une seconde au niveau 9 –, l’affrontement final demeure abordable. Aura-t-on envie de reparcourir le jeu après ça ? Probablement à plusieurs mais seul, c’est tout de suite moins évident. Les otages et objets cachés se trouvent très facilement au premier run, et s’il restera sans doute des défis à accomplir, on vous souhaite bonne chance pour ceux du type « ne pas se faire blesser » ; j’échoue souvent dès le début du niveau… Monter tous les personnages au rang maximal prendra beaucoup de temps, alors que voir les sept fins alternatives ne nécessitera que de refaire le dernier boss, sachant que les différences sont en plus très légères. Reste le mode Arcade, qui fait enchaîner tous les stages avec un nombre de vies et de crédits donné qui dépend de l’une des trois difficultés disponibles. Pas de levelling, et l’on dispose ainsi d’emblée de tous les coups spéciaux mais que d’une seule jauge, les points étant tout de même présents mais ils permettent ici de gagner une vie tous les deux cents. Hélas, on peut encore moins changer de personnage, même à chaque crédit perdu qui fait de toute façon recommencer le niveau depuis le début… Pas si « arcade », donc.
Cela étant, même si j’aime pointer du doigt tous les petits problèmes, et en particulier dans un genre qui me tient à cœur, prétendre que Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge est un mauvais beat ’em up serait malhonnête. On a clairement connu mieux, et ceux qui aiment les titres assez techniques et profonds pour s’apprécier en solo risquent de vite se lasser. Mais le jeu de Tribute Games a justement l’avantage d’attirer un public plus large, grâce à un gameplay accessible et suffisamment intéressant pour que tout le monde s’amuse. Et puis la réalisation est tout simplement irréprochable. L’ensemble est truffé de détails pour les fans, du générique de la série animée et ses voix d’époque à la présence de personnages parfois bien obscurs de la licence. Et puis on ne peut que tirer notre chapeau à Tee Lopes (Streets of Rage 4 Mr. X Nightmare) pour ses musiques ; on avoue d’ailleurs ne pas trop comprendre certains témoignages de joueurs déçus. Qu’elles relèvent du rock FM baigné de guitares électriques ou du hip-hop typique du début des années 1990, elles sont tellement dans le ton qu’elles donnent vraiment l’impression de préexister au jeu. Et tout cela fait que Shredder’s Revenge est tout au moins le meilleur jeu Tortues Ninja jamais créé !
Verdict : Véritable Madeleine de Proust pour gamer, Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge n’est pas le meilleur des beat ’em ups mais il n’en demeure pas moins exceptionnel.
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