HARDWARE : Analogue Duo, la NEC plus (ou moins) ultra

Analogue Duo

Première console d’Analogue depuis la Pocket qui a fait couler tant d’encre, la Duo était forcément attendue au tournant mais la comparaison se montre toutefois un peu injuste. Car si elle est la seconde à bénéficier de l’Analogue OS, elle ne dispose pas de la plateforme openFPGA et ne peut donc pas simuler d’autres machines que celles pour lesquelles elle a été conçue – à moins d’un futur jailbreak plus généreux que prévu, mais on en doute. Ainsi, cette nouvelle machine se montre d’emblée beaucoup plus niche que les précédentes, bien que la PC Engine soit particulièrement populaire en France, et qu’elle pourrait donc intéresser ici plus de monde que la future Analogue 3D par exemple, très attendue aux États-Unis où la TurboGrafx-16 a fait un bide hélas assez retentissant… Mais à ce sujet, l’un des attraits indéniables de la Duo et qu’elle simplifie un problème important du collectionneur de la gamme, intimidante pour le profane du fait de ses nombreux modèles plus ou moins compatibles et des accessoires qui vont avec. On dispose ainsi d’une console qui permet de jouer à tous les titres américains comme japonais, sur HuCard comme sur CD-ROM², sans avoir besoin de la bonne System Card ni de dénicher une machine spécifique juste pour cinq jeux et demi. On n’est donc vraiment pas loin de la PC Engine ultime, même si certains défauts d’origine ne sont pas forcément corrigés, et que quelques mises à jour de firmware sont nécessaires…

Insertion professionnelle

Le design de la console est la première chose qui frappe, parce qu’il est moins stylisé et plus rétro que celui des Mega Sg et Super Nt, cherchant davantage à imiter celui de la Duo d’origine, combiné de PC Engine avec son lecteur CD-ROM², en reprenant même à l’arrière les vagues qui étaient sur les côtés du premier modèle, et la couleur crème ou grise plutôt que blanche ou noire. Double lecteur oblige, elle se montre aussi plus grande que les autres machines d’Analogue mais demeure assez compacte (un peu plus grande que la TurboGrafx Mini par exemple). L’appréciation reste bien entendu subjective, mais on pourra en revanche être gêné par le placement des ports USB et carte SD à l’arrière alors que la connectique manette d’origine DIN se trouve sur le côté gauche, avec les LEDs de connexion des contrôleurs mais aussi une prise jack et la glissière du volume qui va avec, à l’ancienne. Mais le plus gros reproche que l’on fera au design de l’Analogue Duo, c’est son port HuCard qui n’est pas « dégagé » comme sur une console d’origine. Il est évidemment assez large pour laisser passer la carte plus épaisse de Street Fighter II’ Champion Edition (1993), mais il faudra en revanche dévisser (quand c’est possible) la plaque de protection d’une EverDrive – sachant que certaines flashcarts ne marchent pas pour le moment, ou nécessitent une manipulation.

Les deux modèles d'Analogue Duo, à l'américaine (grise) et à la japonaise (crème)

Et pour être honnête, le lecteur DVD-RW employé n’est évidemment pas d’époque et le mange-disque n’est pas ce qui se fait de mieux dans le genre non plus. Il faut enfoncer le disque quasiment jusqu’au bout avant qu’il ne soit aspiré, mais il ressort heureusement assez pour le récupérer sans (trop) mettre les doigts dessus. Un lecteur à couvercle aurait été plus simple et surtout plus durable… D’ailleurs, certains se plaignent carrément de rayures provoquées par le mécanisme. En passant, il existe une technique (via un fichier à placer sur la carte SD) pour éjecter le disque automatiquement au démarrage en cas de plantage immédiat, ce qui peut arriver si l’on utilise pas le câble USB-C fourni ! À noter que la prise incluse supporte le 220V et l’on peut donc se contenter d’un adaptateur passif. On apprécie également le fait de ne pas avoir à maintenir le bouton pour allumer la console. Côté HDMI, les technophiles se plaindront que la console soit limitée au 1080p mais, hormis pour certains filtres un peu gadget, le signal est suffisamment propre pour être upscalé convenablement. À l’inverse, l’Analogue Duo sera à terme compatible avec le fameux DAC pour la connecter à un moniteur CRT mais, comme pour le Dock de la Pocket, il faudra hélas attendre encore une mise à jour désormais prévue en 2024 (mais repoussée de nombreuses fois).

Une Duo pour les gouverner toutes

On n’a évidemment pas pu tester l’intégralité de la ludothèque ni explorer les jeux à notre disposition à fond mais, sur mes dix-huit titres HuCard, seize passent sans problème, y compris Yōkai Dōchūki (1988) alors que deux exemplaires différents ne marchaient pas sur ma CoreGrafx II (qui nécessite un recap cela dit). Les seuls qui n’étaient pas reconnus et lançaient un écran noir étaient Adventure Island et S.C.I. (1991), mais il suffit de forcer la région japonaise dans les options pour le moment. D’ailleurs, Shinobi (1989) avait exactement le même problème, corrigé via une mise à jour. En revanche, il paraît qu’Atlantean (2014) ne passe pas du tout contrairement aux autres productions homebrew, souvent même identifiées par la Duo. Côté CD-ROM², tous les jeux que j’ai essayés se sont lancés et chargent même plus rapidement que sur une vraie console ; les disques gravés en particulier n’ont pas l’air de déranger du tout le lecteur… Cela dit, des joueurs évoquent déjà des cas de plantages, et j’ai pu moi-même recréer celui de Snatcher (1992), au début de l’aventure. J’en ai eu un bien moins gênant en voulant revenir à l’écran-titre après un game over dans Gate of Thunder (1992) mais, ce qui est autrement plus fâcheux, c’est que j’ai eu pas mal de sautes de son durant son intro, et dans le premier niveau de Seirei Senshi Spriggan (1991). Cela n’arrive toutefois pas à chaque fois, et d’autres affirment ne pas avoir eu le problème avec ces jeux, mais ce phénomène a été néanmoins évoqué pour d’autres titres CD-ROM². On espère donc qu’il sera bientôt corrigé car autrement, les différences de rendu sonore sont souvent difficiles à identifier sans comparaison directe, et l’on souhaite juste que davantage d’options soient ajoutées pour affiner tout cela. La Duo a même plutôt tendance à améliorer la synchronisation du son, sauf pour Sherlock Holmes Consulting Detective (1991), titre en full motion video notoirement compliqué à émuler.

Bien qu’aucune System Card ne soit nécessaire sur Analogue Duo (hormis la 1.0 pour les premières versions d’Altered Beast (1989)), on peut quand même en insérer une pour transformer sa console en platine CD (ou CD-G) comme à l’époque, leurs ROMs n’étant pas incluses pour des raisons de droits. De même pour la Tennokoe Bank puisque la Duo stocke autant de sauvegardes que l’on souhaite sur carte SD, mais il est tout de même possible de s’en servir pour transférer des fichiers à condition de les renommer.

Modèle blanc de la manette 8BitDo PCE Edition
La manette dédiée d’8BitDo est plus confortable que les originales avec ses bords arrondis

Si aucune manette n’est fournie avec la Duo, celle-ci est heureusement déjà compatible avec beaucoup d’entre elles, en particulier celles d’8BitDo comme d’habitude. Dans le cas du modèle dédié ci-dessus, il sera toutefois préférable de modifier son firmware avec celui conçu pour le Dock de la Pocket ; cela permet de se passer du dongle USB (qui devient même inutilisable à moins de remettre le firmware d’origine), mais surtout d’utiliser sa touche Home qui simplifie l’accès à l’OS et aux raccourcis (sauvegardes et captures d’écran) et même d’allumer la console à distance. Sinon, ce bouton reboote le jeu à la manière de la combinaison Select + Run, et il faut surtout maintenir Select puis bas, comme sur une manette d’origine, pour accéder au menu… Cela dit, les puristes regretteront l’absence de switch de turbo au profit de boutons séparés, pas toujours commodes et dont la vitesse ne correspond même pas à un réglage d’époque. Heureusement, les manettes filaires PC Engine mini sont également compatibles, et offrent une latence tout aussi excellente, d’autant que les vieux pads peuvent devenir sacrément capricieux avec l’âge. J’ai eu par exemple beaucoup moins de mal à sortir des kameha dans Godzilla – Bakutō Retsu Den (1994) avec les manettes modernes. Cependant, même avec des vieilles, le turbo n’est pas encore parfaitement géré et l’on peut même se retrouver à devoir changer de réglage en cours de partie… En attendant un éventuel correctif, le mode Passthrough restaure un comportement authentique mais désactive pour cela la couche de l’OS (et donc l’accès aux sauvegardes d’état). Enfin, on aura besoin d’un pad d’époque pour jouer à cinq car, si l’on peut connecter jusqu’à quatre manettes sans fil (Bluetooth ou 2.4G) et deux en USB, on ne peut en avoir que quatre en tout à moins d’en brancher une cinquième sur le port DIN d’origine. Celle-ci devient alors la première (la seule ayant accès à l’OS en passant), l’ordre ne pouvant être changé que pour les autres. D’ailleurs, si l’on insère un multitap dans le port DIN, le menu des manettes devient « grisé » et l’on ne peut plus utiliser que des pads d’époque.

Je n’ai rencontré que deux problèmes avec la manette d’8BitDo. Une fois j’ai changé malencontreusement ses modes de contrôles en voulant entrer une manipulation ésotérique, et une autre elle s’est désynchronisée juste après avoir lancé une partie… Je me suis heureusement souvenu du procédé pour la reconnecter car la brancher en filaire l’identifiait en seconde manette (qui ne peut pas ouvrir le menu pour changer l’ordre), et il aurait fallu sinon insérer un pad d’origine pour qu’il passe en contrôleur principal.

Sauvegarde en cours

Comme sur Pocket, le BIOS d’origine n’est pas inclus pour des raisons de droits et l’on n’a donc pas droit à l’écran de boot du CD-ROM². Ce qui signifie aussi que l’on n’a pas accès aux sauvegardes, et que l’on ne peut pas les consulter (ou les effacer) sans insérer la carte SD dans un PC… On espère donc que d’autres options viendront enrichir le menu de l’Analogue OS, volontairement très proche de celui de la Pocket. On comprend le souci d’harmonisation, mais les petites animations proposées autrefois manquent un peu, et surtout la taille de police n’est vraiment pas adaptée à une console de salon. C’est certes plus lisible que sur Mega Sg par exemple, mais les noms des jeux s’affichent rarement en entier en haut du menu. Cela dit, l’un des attraits de cet OS est la Library, certes pas aussi riche que la base de données de la Polymega mais qui identifie la plupart des jeux et mémorise notre temps passé sur chacun. Analogue propose de réaliser ses propres captures d’écran, mais des collections d’écrans-titres et de jaquettes ont déjà été réunies par des joueurs. À propos des captures, c’est tout ce que propose la rubrique Memories pour le moment, car les sauvegardes d’état ne marchent pas encore et ne devraient être hélas possibles qu’avec les jeux HuCard. Autre menu encore incomplet, celui des Controllers, où l’on peut détecter/oublier des manettes et changer leur ordre, mais pas encore personnaliser les contrôles (ni les raccourcis en passant).

Capture d'écran de Devil's Crush en mode CRT Trinitron
Capture d’écran de Devil’s Crush en mode CRT Trinitron
(voir le comparatif en plein écran sur Kotaku)

Enfin, du côté des réglages, il n’y a pour l’instant presque rien du côté de l’OS hormis l’action de démarrage (lancement du jeu inséré ou menu) et l’horodatage. Il y a en revanche pas mal d’options concernant la console, à commencer par l’auto-détection ou la possibilité de forcer la région, la SuperGrafx ou le type de CD-ROM² (mais pas de System Card hélas), voire de désactiver le lecteur pour certains périphériques. On peut même éjecter le disque depuis le menu… Mais ce sont surtout les options vidéo qui vont intéresser les retrogamers et, comme pour la Pocket, elles sont moins riches que sur les consoles précédentes mais simples d’utilisation et l’essentiel est là. On peut en particulier choisir la palette composite plus réputée sur PC Engine que la RGB et, en plus de l’affichage de base très net, on dispose de trois filtres préréglés. Le premier simule de manière convaincante un CRT Trinitron, tandis que les deux autres, plus gadget d’autant que le 1080p les limite, recréent respectivement les écrans des PC Engine GT et LT. Ceux qui le souhaitent pourront régler les paramètres plus en détail, mais on obtiendra difficilement mieux hormis l’overscan que l’on voudra activer ou non selon les jeux. En revanche, comme on l’évoquait plus haut, pas de réglages fins pour l’audio pour le moment, à part la gestion du son de l’HuCard (indispensable pour les jeux CD-ROM² via un EverDrive Pro). Enfin, la partie Input permet de forcer les modes deux ou six boutons des manettes, et d’accéder au mode Passthrough évoqué précédemment.

Le juste prix

Comme on le disait dès l’introduction, l’Analogue Duo est indéniablement plus niche que les machines précédentes du constructeur, et il est amusant de noter que de nombreux tests ont insisté sur l’évidence : elle s’adresse avant tout aux collectionneurs de la gamme. Pourtant, si l’absence d’openFPGA limite en effet sa portée, et même si toutes les flashcarts ne sont pas compatibles pour le moment, il n’est pourtant pas nécessaire d’attendre un probable jailbreak pour profiter de la Duo sans jeu puisque les CDs gravés fonctionnent aussi bien, voire mieux, que sur le hardware d’origine. Et en un sens tant mieux vu l’argus actuel des titres PC Engine… Et c’est tout ce dont on a besoin, puisque la Duo permet de se passer de la plupart des accessoires. Il n’y a toujours qu’un seul port DIN certes, mais de nombreuses alternatives sont possibles et il n’est même plus nécessaire d’avoir un multitap pour jouer à cinq. Cela dit, il est vrai que le tarif de $249.99 pourra faire hésiter, car c’est celui d’une Pocket en édition limitée ; or il n’y a pas d’écran de luxe cette fois, et on voit mal comment un lecteur DVD fait grimper la note. Néanmoins, ce prix est à relativiser avec celui d’une authentique Duo fonctionnelle, auquel il faudra ajouter d’éventuelles Arcade Card ou Tennokoe Bank… Il faudra de toute façon attendre désormais février pour qu’elle soit de nouveau en stock, et on espère d’ici là que des mises à jour de firmware corrigeront les derniers défauts de la console.

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