SEA OF STARS
Windows, Xbox, PlayStation, Switch
Catégorie : RPG
Joueurs : 1
Développeur : Sabotage Studio
Date de sortie : 29/08/2023
Prix : 33-34,99 €
Site Officiel : https://seaofstarsgame.co/
(testé sur Switch)
Origin of Stars
Chais pas vous, mais moi je me souviens vachement bien de The Messenger, ce puzzle/platformer à progression non nécessairement linéaire, passé un certain point. Mais si, souvenez-vous, probablement la meilleure intro de test jamais vue sur le Mag. Un coup de tonnerre dans le néorétro, une synthèse maligne des revivals hardcore et de l’omniprésence du jeu de plateforme à progression non nécessairement linéaire, qui nous laissait avec un petit sourire béat et la volonté d’en voir plus de la part de madrés québécois qui avaient compris beaucoup de belles choses sur ce qui se jouait dans le jeu vidéo en 2018.
Alors, forcément, quand ils nous annoncent après le triomphe de The Messenger qu’ils meurent d’envie de faire un RPG, une flamme s’allume en nos cœurs. Ah, si seulement Jérôme-Philippe, le fier testeur de The Messenger était encore parmi nous pour reprendre enfin le contrôle de sa vie et des éloges à l’égard de Sabotage Studio… Enfin, connaissant assez bien l’animal, il aurait de suite noté qu’il était question de J-RPG, soit la branche japonaise du genre donc plus basée sur l’histoire et les personnages que sur le système. Tu nous manques vieux frère, tu aurais adoré cet hommage annoncé à Chrono (Cross + Trigger), Skies of Arcadia et j’en passe… Dans quel multivers abscons te trouves-tu alors que ce triomphe qui s’annonce nous arrive enfin après un Kickstarter parfaitement réussi et des attributs para-ludiques paradisiaques…
Mais je m’emballe, personne ne sait ce qu’il est advenu de Jérôme-Philippe mais Sea of Stars est là et bien là et il est donc de ma responsabilité de vous en dire quelques mots.
Twinkle Twinkle Little Sea of Stars
Alors comment ça s’annonce ce truc… Déjà le Kickstarter a cartonné extrêmement vite et bien, les retards ont été ma foi habituels mais très bien gérés, la communication aussi bien sur Discord que par le site de Kickstarter absolument maîtrisée, le jeu finit par sortir en temps et heure, et avant pour les contributeurs. Bref, c’est une réussite.
Le jeu s’ouvre sur une situation extrêmement classique, vos héros sont des élus de la lune et du soleil et sont entraînés comme des élus de la lune et du soleil. Élus par qui ou quoi ? On ne sait pas et on s’en fout. Disons que dans votre village du bout du monde (littéralement), il y a des élus pour lutter contre les « hôtes du mal », des monstruosités amenées dans votre monde par le Fleshmancer (qu’on traduirait par le « chairomancien » ?). Vous côtoyez d’autres élus, de précédentes générations, qui visiblement ont des trucs pas clairs à vous dire. Mais vous côtoyez surtout un troisième larron qui est votre ami de toujours mais qui n’est pas élu, mais comme il est quand même bien cool, ben on va faire comme s’il était était élu. D’autant plus que les autorités électives disent que franchement ça passe. Vous trouvez ce début débile ? Vous trouvez que c’est cliché ? Ah bah écoutez, on nous a vendu des hommages et du classicisme, on est en plein dedans.
(Soudain une faille s’ouvre devant votre testeur et… Omandieu, c’est Jérôme-Philippe. Mais un peu différent quand même… Il nous explique qu’il n’est pas celui de The Messenger mais celui d’un univers dans lequel la presse jeu vidéo a toujours le vent en poupe et que ça teste encore comme dans Consoles + en 1992 ! Là, il tend un papier et il offre son test transdimensionel et multiversique !!!! C’est une exclusivité pour le Mag, nous vous livrons le test d’un autre univers d’un jeu disponible aussi dans notre univers !!!)
PRÉSENTATION 90%
L’écran d’accueil et les différents chargements s’adaptent à votre avancée dans l’histoire, le tout au son d’un thème entêtant. Les divers menus pendant le jeu sont parfois un peu simplistes.
GRAPHISMES 99%
La nouvelle référence du néorétro, un pixel fin et chatoyant, des détails à foison, une direction artistique impeccable et des environnements totalement uniques. Un régal qui va être difficile à égaler !
ANIMATION 96%
Chaque combat est un festin pour nos mirettes, chaque séquence de déplacement des héros en « sphère » une expérience, les attaques ultimes et autres combos justifient totalement l’impossibilité de les zapper.
BANDE SON 100%
Chaque thème vous hantera longtemps après l’extinction de votre console.
JOUABILITÉ 95%
Des systèmes nombreux qui s’imbriquent les uns dans les autres sans jamais lasser. Une notion de timing des coups en combat, où il faut presser le bouton d’attaque pile au moment de l’animation rend les combats toujours vivants !
DURÉE DE VIE 95%
Vingt-cinq heures sans ventre mou pour la première fin et encore cinq à dix heures de plus pour chut chut pas de spoil.
INTÉRÊT 97%
Sea of Stars est un monument du RPG japonais. Mais il a été fait par des occidentaux qui ont tout compris au genre. Un achat les yeux fermés…
(Alors que la faille se referme, votre testeur attrape Jérôme-Philippe par la peau du dos et le renvoie manu militari de l’enfer des points d’exclamation d’où il débarquait)
I want to be your lucky star
Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? C’est toujours ça les tests de jeu vidéo en 2023 du multivers ? Heureusement qu’on a évolué et qu’on a arrêté le survol enthousiaste d’œuvres qui s’apprécient sur la longueur.
Attendez, quoi ? C’est vraiment le genre de test qu’on a lu partout sur le jeu ? Mais alors, j’ai assisté à une faille dimensionnelle ou pas ? Parce que, soyons clair, il m’est totalement impossible d’être aussi positif sur Sea of Stars. Si techniquement et artistiquement on a en effet affaire à un monument, il convient de, justement, ne pas rester en surface.
Commençons par le scénario et les influences : on est en face d’un JRPG 1-0-1, à savoir une œuvre qui coche absolument tous les tropes et attendus de son genre, ce qui le rend désespérément prévisible. En outre, une mise en scène balourde et rushée à des moments qu’on voudrait poignants tend à désamorcer les différents passages climatiques du jeu. C’est presque une discipline en soi : est-ce que cette scène qui s’annonce énorme va être expédiée sans phase de gameplay alors que celle-ci sans grand intérêt va être rendue jouable dans une simili séquence à la Final Fantasy VI (1994) avec trois mini-histoires parallèles ? Par conséquent, une question se pose alors : à qui s’adresse ce jeu ? À des débutants ? À des joueurs qui savent lire chaque influence parce qu’ils ont justement poncé des dizaines de JRPG 16-32 bits ? À ces mêmes joueurs mais qui auraient perdu la mémoire ou pire, ne voudraient que du nostalgisme dans leur jeu backé ? Ajoutons à ça que le moindre personnage non joueur et les personnages jouables de la fin sont plus intéressants que l’héroïne et le héros, et le test hagiographique perd immédiatement de sa superbe.
Continuons sur le système : plusieurs points sont résolument modernes. En effet, les points de magie, qui sont souvent une ressource rare qui dicte le rythme des passages au différents points de sauvegarde, ne sont presque plus un souci. En effet, une attaque simple permet de gagner des PM à chaque tour et ainsi d’être le moins souvent possible pris au dépourvu. D’autant plus que les attaques magiques ont toutes des « éléments », à la manière de Chrono Cross (1999) et qu’un enchaînement judicieux d’attaques élémentaires/magiques permet de voler un tour d’attaque à l’adversaire. Et on ajoutera qu’il est possible « d’utiliser la magie sans magie » (c’est dit comme ça dans le jeu) car vos personnages peuvent concentrer des sphères que les ennemis relâchent après une attaque simple. Enfin, à la manière d’un Chrono Cross vous pouvez réaliser des attaques en duo qui permettent de soumettre les ennemis à plusieurs effets. Mais de quoi je me plains alors ? Eh bien figurez-vous que finalement, vous apprenez très peu de nouvelles attaques hors apparitions de nouveaux personnages jouables, que l’enrichissement du système se fait de manière très arbitraire, souvent totalement détachée du scénario – « tiens maintenant tu peux faire cette attaque ultime parce que pourquoi pas ? » – et que surtout – mais ça, ça vient sans doute de ma trop grande passion pour les Dragon Quest – il est quasi impossible d’expédier un combat. Certes les ennemis sont le plus souvent visibles sur la carte mais des fois, on aimerait ne pas perdre une ou deux minutes quand le scénario nous vend une urgence d’ampleur sidérale. Et la difficulté, totalement ajustable à l’aide d’accessoires que peuvent porter ou non vos personnages, ne pousse pas forcément à approfondir quoi que ce soit.
En un maux comme en cent, sur le front des attendus du JRPG, ça pique fort.
Waiting for a star to fall
Je me retrouve donc dans une situation un peu délicate : comment un jeu qui a tout juste sur l’intention et la technique peut avoir tout faux sur le fond ? Eh bien, je pense qu’on peut mettre ça sur le manque d’expérience des développeurs. Attention, ça n’est pas une attaque sur leur volonté de bien faire mais plutôt sur leur inexpérience de la création du genre malgré une pratique importante. Écrire et réaliser un bon JRPG, c’est une alchimie particulièrement difficile à obtenir et se mettre sous le haut patronage de grands anciens, aussi révérés soient-ils, n’est pas un gage de réussite. Malgré tout, il faut retenir une excellente caractérisation des environnements, artistiquement, un rythme qui retombe très peu mais qui fait que, finalement, vous pouvez faire le jeu d’une traite sans le moindre retour en arrière pour approfondir votre connaissance du monde, et une volonté de raconter l’histoire du jeu au plus grand nombre avec une difficulté ajustable dans ses moindres détails.
Mais on ne peut pas pardonner l’absence de traduction en français québécois qui faisait la beauté de The Messenger ni les nombreux moments a priori épiques totalement désamorcés par des maladresses de jeunesse. J’ai passé plus de vingt-cinq heures pour voir la première fin, j’ai fait le nécessaire pour voir la « vraie » fin mais c’est uniquement parce que j’ai réussi à jouer en pilote automatique, parce que j’avais totalement renoncé à m’investir émotionnellement (ce qui est quand même assez désespérant quand on fait un RPG) et dans le système de jeu (qui permet parfois de faire tenir, seul, un titre bancal). Néanmoins, je voudrais finir sur l’espoir que le jour où les développeurs de Sabotage Studio auront atteint une expérience suffisante pour ne pas saboter (ah, ah) leurs points et moments clefs de leur jeu, leur excellence technique permettra de les faire jouer dans la cour des très grands.
Verdict : La matière était là mais l’esprit pas encore malheureusement, alors gageons que Sea of Stars saura servir de beau brouillon à de futurs grands RPG par Sabotage Studio.
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