Fin mai, la société Blaze fêtait les deux ans de l’Evercade en annonçant un nouveau modèle de sa console rétro, le troisième en tout mais le second au format portable. Cette Evercade EXP pouvait donc sembler prématurée alors que l’originale était encore tout à fait recommandable, mais outre ajouter une nouvelle fonctionnalité, le mode TATE pour les jeux à affichage vertical, cette version se devait de corriger quelques défauts en passant – mais pas tous comme on va le voir. On peut donc estimer que ce nouveau modèle est là pour les retrogamers qui n’avaient pas encore craqué même si, à titre personnel, j’avais un peu mis de côté mon Evercade et pas seulement à cause de la « concurrence » : il se trouve que mon bouton Menu ne « cliquait » plus et qu’il fallait donc appuyer fort dessus, ce qui rendait l’utilisation nettement moins agréable. Notez toutefois que je ne connais personne d’autre à avoir eu ce problème, mais il est clair que la portable originale, qui brillait par son tarif extrêmement doux, ne se départait pas totalement d’un côté cheap. J’avais donc hâte de mettre la main sur l’EXP, attendue fin novembre mais sortie mi-décembre, à temps pour Noël.
Au premier coup d’œil, il est clair que la portable a subi un lifting assez complet, avec un look nettement plus sobre au grand dam de certains retrogamers, fans du côté voiture de sport de l’originale… Ses dimensions sont toutefois similaires mais, comme on le voit ci-dessous, l’EXP est légèrement plus longue, tout en étant plus plate et moins haute. Ce que l’on ne voit pas sur la photo, c’est que son dos est nervuré pour son plaisir une meilleure accroche, à la manière des manettes Xbox récentes. Comme je le regrettais d’emblée, les boutons sont nettement plus petits, en particulier Select et Start, vraiment fins. La prise en main est toutefois agréable et on ne s’emmêle pas les pinceaux bien que la machine dispose de deux boutons de tranche supplémentaires comme les manettes du modèle de salon VS. Allumer la console ne se fait plus avec une glissière mais via un bouton à maintenir quelques secondes – ce que je n’aimais déjà pas beaucoup sur Analogue Pocket, et il n’y a pas de veille ici… On note aussi que le témoin d’alimentation n’est plus en façade mais, là encore comme cette dernière, sur la tranche inférieure. Or celle-ci part un peu vers l’arrière, et c’est sans doute pour que le témoin se reflète sur nos doigts qu’ils l’ont conçu si grand cette fois.

Sur cette même face inférieure, mais symétriquement à gauche, on trouve le bouton « T » qui permet donc de basculer instantanément en mode TATE sans passer par un menu, ce qui est franchement pratique. C’est ce seul mode qui justifie l’ajout d’une nouvelle paire de touches A et B à gauche de l’écran, pour utiliser la console à la verticale, façon WonderSwan. Or si deux boutons suffisent pour les shoot ’em ups et autres run and gun qui exploitent ce mode, ceux du menu, ainsi que Select (pour les crédits) et Start se retrouvent nécessairement au-dessus de l’écran, ce qui les rend moins accessibles dans le feu de l’action (en particulier pour sauvegarder). Mais surtout, on ne cachera pas qu’à l’instar de la Switch, l’Evercade EXP a tendance à être déséquilibrée quand on la tient par une extrémité, et on aura tendance à maintenir la console en plaçant ses index assez hauts, vers le milieu de l’écran. Néanmoins, la différence de taille de l’image est suffisamment nette pour que ça vaille le coup. On peut en revanche se demander s’il n’aurait pas été judicieux d’offrir avec la console la cartouche Toaplan plutôt qu’Irem, mais il y a heureusement plusieurs classiques Capcom dans la mémoire interne, dont l’excellent Mercs (1990), pour s’adonner à ce mode.
Notez à ce propos qu’il n’est pas nécessaire de retirer la cartouche pour jouer à ces derniers, car le menu principal contient une section pour la cartouche insérée, et une section EXP pour les jeux Capcom mais aussi des titres à « débloquer » via des codes à entrer dans les options – l’un de ces codes apparaît par exemple sur la carte qui accompagne la compilation Commodore 64… Mais ce ne sont pas les jeux cachés en insérant deux cartouches à la fois dans la VS, même s’il semble que Blaze a prévu d’y donner accès à terme ; il y a également une troisième rubrique « à venir » dans la section EXP du menu principal. En dehors de ça, l’interface est similaire à celle du modèle original, qui a du reste pas mal évolué (dans le bon sens) depuis notre test. Il semble qu’il y ait davantage d’options graphiques (bezels, filtres et Cie) notamment, mais on ne peut pas en revanche désactiver séparément la musique d’ambiance et les bruitages du menu, très relaxants au demeurant.

Outre le mode TATE, la grosse nouveauté de ce modèle tient à la gestion du WiFi. On imagine qu’on aura droit à des jeux mensuels comme sur VS voire à d’autres fonctionnalités. On peut par exemple lancer chaque jeu en mode « compétitif » (interdisant les sauvegardes), ce qui laisse présager des futurs classements en ligne. Car le WiFi facilite surtout nettement les mises à jour, bien que celles-ci soient un peu effrayantes en affichant tous les programmes exécutés… L’une d’entre elles devrait d’ailleurs ajouter la configuration des contrôles, et corriger ainsi l’un des deux gros défauts de la portable comme de sa prédécesseure, beaucoup de jeux d’arcade employant une convention contraire à celle à laquelle beaucoup de joueurs sont habitués (attaque à gauche et saut à droite). Ce qui nous amène à l’autre gros défaut de l’Evercade, que nous n’avions cela dit pas pointé dans notre test n’ayant pas eu le temps de nous en rendre compte : l’autonomie. Blaze annonce une nouvelle fois de quatre à cinq heures, mais c’est hélas une fourchette plutôt haute, et on conseille d’ailleurs de baisser immédiatement la luminosité et le volume, réglés au maximum par défaut.
Dans les faits, la jauge de batterie a tendance à osciller entre deux crans (plus élevée dans le menu principal qu’en jeu typiquement), mais on ne l’a encore jamais vu au maximum – même juste après une recharge ! Cela étant, cette autonomie, bien que légère pour une portable, reste suffisante pour un long trajet et même si l’on regrettera l’absence de veille, la possibilité de sauvegarder à tout moment compense en partie ce manque. Ce qui nous a toutefois semblé nettement amélioré, c’est le temps de recharge lui-même, sans doute car l’alimentation se fait désormais en USB-C comme c’est de plus en plus le cas du reste. Il est donc d’autant plus dommage que la connectique vidéo – la portable peut toujours se brancher à un téléviseur – demeure du mini-HDMI d’autant que ce type de câble moins commun n’est pas fourni. Enfin, en parlant d’écran, celui de l’EXP constitue là encore un net progrès par rapport à l’originale. Ce n’est certes pas celui d’une Pocket ou d’une Switch OLED mais, compte tenu du tarif de la machine par rapport à sa prédécesseure et sa « concurrence », c’est extrêmement satisfaisant. L’angle de vision est bien large, ce qui est évidemment parfait pour le mode TATE. Les puristes regretteront cependant des fuites de lumière dans la partie basse de la portable (au niveau de la prise jack en particulier), visibles dans l’obscurité.

Mais aussi bon soit-il, un hardware n’a d’intérêt que si le software est à la hauteur, et même si les compilations demeurent intrinsèquement inégales, il faut reconnaître que l’Evercade a encore bien progressé depuis sa sortie il y a deux ans et demi. Et comme on le pressentait depuis le début, c’est à la fois la production homebrew mais aussi l’ajout bienvenu de jeux d’arcade qui permet à la gamme de se démarquer des machines du genre. Néanmoins, on sent qu’il reste difficile pour Blaze d’acquérir les licences de gros éditeurs japonais (SEGA, Taito, Konami) et si Capcom a consenti à embarquer des jeux dans l’EXP, il ne semble hélas pas possible d’en proposer une cartouche… Les médisants feront aussi remarquer que pas mal de classiques Irem, Jaleco ou Data East sont également disponibles sur PlayStation 4 et Switch via la gamme Arcade Archives, mais si cette dernière offre sans doute plus d’options, son système de sauvegarde est en revanche nettement moins souple. Néanmoins, on aurait aimé l’accès aux dipswitches pour régler la difficulté légendaire de certains titres, et on regrette surtout l’absence de bouton de tir automatique comme on en trouve sur les mini bornes d’arcade – celui fourni dans les shoot ’em ups Toaplan étant bien trop lent.
Comme toujours, il reste difficile de recommander une console sans prendre en compte la situation de chacun. L’Evercade EXP constitue un progrès évident par rapport à l’originale sur presque tous les fronts, mais elle coûte aussi quasiment le double. On dirait bien qu’il n’est peut-être pas nécessaire de se jeter dessus si on a déjà l’originale, mais cette dernière risque de ne pas être compatible avec toutes les compilations à venir, car elle ne devrait plus faire l’objet de mises à jour à terme. Et puis les gens de mauvais goût (qui n’aiment pas les portables) lui préfèreront sûrement la VS, avec laquelle l’absence de mode TATE est quand même moins gênant (à moins d’utiliser un téléviseur minuscule bien entendu). Sachez que l’EXP peut bien entendu toujours faire office de manette supplémentaire pour le modèle de salon. Mais si vous n’aviez pas encore craqué et que le principe des bonnes vieilles cartouches (et de la légalité) vous séduit, voilà peut-être la bonne occasion. Surtout qu’en deux ans et demi, Blaze a parfaitement montré qu’elle était capable d’alimenter sa machine, avec déjà une bonne trentaine de cartouches réunissant pas loin de trois cents jeux.
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Les 18 classiques Capcom inclus dans l’Evercade EXP :
- Jeux d’arcade
- 1942 (1984)
- 1943 (1987)
- 1944: The Loop Master (2000)
- Bionic Commando (1987)
- Captain Commando (1991)
- Commando (1985)
- Final Fight (1989)
- Forgotten Worlds (1988)
- Ghouls’n Ghosts (1988)
- Legendary Wings (1986)
- Mercs (1990)
- Street Fighter II’: Hyper Fighting (1992)
- Strider (1989)
- Vulgus (1984)
- Jeux consoles
- Mega Man (1987, NES)
- Mega Man 2 (1988, NES)
- Mega Man X (1993, Super Nintendo)
- Breath Of Fire (1993, Super Nintendo)
Les 6 classiques de la cartouche Irem Arcade incluse :
- Moon Patrol (1982)
- 10-Yard Fight (1983)
- R·Type (1987)
- Battle Chopper/Mr. Heli (1989)
- Lightning Swords (1991, inédit)
- In The Hunt (1993)