ÉDITO : Éloge de la coopération

Streets of Rage (Mega Drive)
Je sais, ce n’est pas une prise à deux, mais j’ai pas trouvé d’image…

J’avoue avoir de plus en plus de difficultés à trouver des idées d’éditos. Les derniers étaient d’ailleurs à moitié improvisés, et le plus récent aurait même demandé un peu plus de réflexion car j’avais complètement oublié que Guillaume Montagnon avait déjà abordé le sujet dans Pix’n Love #36 – heureusement, je n’ai pas dit trop d’âneries… Alors en réfléchissant à ce qui m’occupe l’esprit en ce moment, il y a bien certains comportements réactionnaires qui m’attristent sur AtariAge, mais j’ai déjà abordé le sujet l’année dernière. J’ai récemment eu des discussions autour du survival horror, mais j’ai déjà consacré un édito au genre il y a dix ans, et à la plupart de mes genres de prédilection d’ailleurs ; certes, pas mal de mes vieux articles mériteraient une « mise à jour » mais j’ai déjà suffisamment l’impression de me répéter… Pour être tout à fait honnête, j’ai bien des idées d’éditos accumulées dans mes cartons virtuels, mais j’aimerais éviter au maximum les sujets polémiques, surtout en ce moment. Au cours actuel du rétro, les joueurs sont assez grincheux comme ça ! Et c’est là que m’est venue l’idée d’un article qui sera à la fois introspectif, évoquera un « type » de jeux que j’aime et que je n’ai pas encore abordé, et surtout cela ne devrait froisser personne.

Je n’ai jamais vraiment aimé la compétition, et cela remonte sans doute à l’enfance alors que j’ai toujours été nul en sport, celui qu’on choisissait en dernier pour constituer une équipe, après les filles. D’un autre côté, j’étais plutôt parmi les meilleurs dans quasiment toutes les autres disciplines, mais je crois que finir premier me gênait plutôt que me rendait fier – surtout quand ma prof de français lisait mes rédactions à toute la classe… J’ai cela dit fini par apprécier le foot, mais à petites doses et c’est peut-être parce que c’est un sport collectif où l’entraide est primordiale. Car ce que j’aime qui ressemble le plus à du sport, c’est plutôt le catch, or non seulement il s’agit plus d’un spectacle, mais il y a clairement davantage de coopération entre les adversaires qui cherchent à créer un bon match, que de la compétition puisque le résultat est connu d’avance. Et puis sans vouloir faire ma Sandrine Rousseau (même si je n’ai jamais aimé le barbecue non plus), j’ai toujours eu beaucoup de mal avec le machisme et c’est sans doute la masculinité toxique qui me gêne le plus dans la compétition, pas tant le fait de se dépasser soi-même que la volonté d’écraser les autres, de leur prouver qu’on est plus fort. Alors oui, c’est aussi parce que je suis rarement le premier que je suis dans cet état d’esprit. Mais de toute façon, on finit toujours pas trouver meilleur que soi.

Double Dragon sur Atari ST
Double Dragon sur Atari ST, le jeu par lequel tout a commencé…

J’ignore en revanche si cette attitude préexistait à ma découverte des jeux vidéo et en a influencé mon approche, ou si ce sont eux qui m’ont rendu comme ça, mais je n’ai donc pas l’esprit de compétition non plus dans le domaine vidéoludique (hormis peut-être contre moi-même). Il faut dire que j’ai commencé les jeux vidéo sur l’Atari ST que mon grand frère a eu pour ses onze ans, et notre premier jeu était Double Dragon (1987), donc un titre résolument orienté vers la coopération, et à l’origine de mon goût pour le beat ’em up. Mais de toute façon, il n’y avait pas énormément de jeux en un-contre-un à l’époque hormis ceux de sport qui ne nous attiraient ni l’un ni l’autre… On adorait certes International Karate + (1987), mais il y a un troisième combattant contrôlé par l’ordinateur et comme on jouait à la vitesse maximale (F9) pour le fun, le résultat était franchement aléatoire. De toute façon, mon frère ayant quatre ans de plus que moi, il gagnait la plupart du temps à l’époque… Et heureusement car il était très mauvais perdant enfant – il a complètement changé de ce point de vue – et même quand il jouait seul, il ne manquait pas de m’insulter chaque fois qu’il mourrait (donc souvent) dans Rick Dangerous (1989) si j’avais le malheur de le regarder jouer.

Ainsi, bien avant que des titres comme Sonic the Hedgehog 2 (1992) ne démocratisent le mode coopération « pour petit frère », nous en avions créé nous-mêmes pour certains jeux. Non, mon frère ne me donnait pas une manette pour faire semblant de jouer, j’étais un peu grand pour ça, mais chaque fois qu’on regardait un épisode de Supercopter typiquement, il avait envie de jouer à Gunship (1986). Il se donnait évidemment le beau rôle du pilote et je faisais donc Santini, ce qui signifie que j’étais seulement en charge de la sélection des armes avec les touches numériques du clavier. Il faut dire qu’à l’époque, comme les jeux ne géraient bien souvent qu’un seul bouton sur le joystick, c’était parfois commode d’avoir un second joueur pour manipuler le clavier – je déclenchais le boost de Chase H.Q. (1988) en pressant la barre Espace avec mon menton par exemple… Mais évidemment, j’ai également passé beaucoup de temps à regarder mon grand frère jouer tout simplement. Ma mission se limitait alors à être responsable de l’avoir déconcentré s’il perdait. On était en tout cas tous les deux friands de jeux à deux en coopération même s’ils n’étaient pas si nombreux pour être honnêtes, et c’est pour ça que l’on garde de grands souvenirs de titres comme Crack Down (1989) ou Mercs (1990) – notre premier jeu découvert sur borne d’arcade.

World Heroes 2 (NeoGeo)
Le fameux mode Death Match de World Heroes 2

Autant dire que la mode des jeux de combat a créé davantage d’incompréhension que d’excitation chez nous initialement. Au départ, mon frère ne comprenait même pas l’intérêt de ces jeux dont les décors se parcouraient bien plus rapidement que dans un beat ’em up… L’un des rares représentants du genre auquel on a pas mal joué ensemble, c’était World Heroes 2 (1993), mais précisément parce que dans son mode Death Match, les deux joueurs se partagent une jauge. Ce n’est certes pas de la coopération mais, dès qu’elle s’approchait d’une extrémité, celui qui menait se laissait taper pour la remettre au milieu et ainsi prolonger la partie… Néanmoins, étant à l’époque fasciné par les arts martiaux, j’ai été rapidement attiré par certains titres plus « réalistes » comme Mortal Kombat (1992), Eternal Champions et Virtua Fighter (1993), mais j’ai dû rapidement me rendre à l’évidence que j’étais nul ; il faut dire que le premier est à la limite de l’injuste en solo et, quand on jouait à deux, mon frère gagnait souvent en enchaînant les coups de pied sautés. Pourquoi se priver si ça marche ? Et puis au fond, comme j’ai toujours « consommé » les jeux vidéo comme n’importe quelle autre œuvre culturelle, c’est-à-dire que j’en finis un pour passer au suivant, le côté jeu-service avant l’heure du genre, où l’on est censé s’entraîner régulièrement, n’a jamais été pour moi…

Avec l’arrivée de la 3D sur les machines 32-bit, les jeux se sont encore plus orientés vers le solo puisqu’il fallait souvent splitter l’écran pour accueillir deux joueurs en même temps. Et d’ailleurs, là encore, on avait tendance à plébisciter les rares titres jouables en coopération comme Die Hard Arcade ou Amok (1996) sur Saturn… Mais surtout, nos personnalités et donc nos goûts ont commencé à s’affirmer davantage avec l’âge, mon frère étant amateur de jeux de course par exemple, et moi de titres horrifiques (Resident Evil, The House of the Dead (1996), etc.). En grands fans de James Bond, on a tous deux adoré GoldenEye 007 (1997), mais on y jouait strictement en solo car nous n’avons eu longtemps qu’une seule manette Nintendo 64. Alors évidemment, quand des amis venaient, on jouait davantage à des titres compétitifs, mais on a sans doute bien plus pratiqué des titres moins « agressifs » comme les Mario Party ou Mario Golf (1999) que des jeux de combat ou même de karts. On a certes pas mal pratiqué Power Stone (1999) mais cela pouvait pas mal pourrir l’ambiance, exacerber la rivalité entre certains de nos amis qui ne s’entendaient pas très bien… Et puis j’ai un ami en particulier qui est très mauvais perdant, capable à la fois de vous narguer de manière puérile quand il gagne et de geindre quand il perd, au point que je me retrouve contraint de ne pas jouer de manière trop concentrée afin de perdre sans que ça ne soit trop évident.

Combat sous-marin contre un dragon dans Monster Hunter Tri (Wii)
Étant fasciné par les monstres marins, je regrette les combats aquatiques de Monster Hunter même si j’admets qu’ils étaient maladroits…

Après la Dreamcast, je me suis tourné naturellement vers la GameCube, ayant l’habitude d’échanger nos consoles avec un ami fan de Nintendo, mais mon frère a eu plus de mal à faire son deuil de SEGA, se tournant finalement vers la Xbox pour ses quelques exclus. De ce fait, hormis quelques expériences en coop’ comme la campagne de Halo (2001), un très mauvais souvenir hélas, on a plutôt joué chacun de notre côté jusqu’à l’arrivée de la Wii, et pas seulement parce que c’est une machine plus conviviale. Il se trouve qu’elle a vu la résurrection du jeu de tir à l’ancienne, genre parfait pour la coopération. Et c’est aussi paradoxalement l’une des premières machines sur laquelle on a joué en ligne, à des jeux coopératifs comme le diptyque Endless Ocean (2007-2009) et surtout Monster Hunter Tri (2009), la série de Capcom étant devenue ma plus jouée en ligne (comme hors ligne sans doute) – elle fait clairement partie de ce qui se fait de mieux en matière de coopération. Et avant la sortie de Monster Hunter Rise (2021), mon jeu le plus joué en ligne sur Switch était Friday the 13th: The Game (2017) qui laisse aussi énormément de place à la coopération, du moins entre futures victimes de Jason bien entendu. De manière générale, je me réjouis que la coopération soit revenue à la mode depuis quelques années, même s’il faut avouer que même à distance, il devient hélas de plus en plus difficile de trouver le temps de jouer ensemble, car il est quand même souvent plus délicat de faire une partie avec un inconnu dans le cas d’un jeu en coopération.

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